Vu les procédures suivantes :
1°) Premièrement, l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 29 juin 2017 par laquelle la société Electricité de France (EDF) lui a réclamé le paiement d'une somme de 17 477,23 euros toutes taxes comprises et de condamner cette société à lui rembourser cette somme ou, à titre subsidiaire, la somme de 9 735,96 euros. Par un jugement n° 1705975 du 20 janvier 2020, ce tribunal a fait droit à sa demande principale.
Deuxièmement, l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 13 février 2018 par laquelle la société EDF lui a réclamé le paiement d'une somme de 10 442 euros toutes taxes comprises et de condamner cette société à lui rembourser cette somme. Par un jugement n° 1806952 du 16 mars 2020, ce tribunal a fait droit à sa demande.
Par un arrêt n°s 20MA01194, 20MA01736 du 6 juillet 2023, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appels de la société EDF qu'elle a joints, annulé ces jugements et rejeté les demandes de l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez.
Sous le n° 487993, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 septembre et 5 décembre 2023 et 16 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les appels de la société EDF ;
3°) de mettre à la charge de la société EDF la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sous le n° 487994, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 septembre et 5 décembre 2023 et 16 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses appels ;
3°) de mettre à la charge de la société EDF la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la loi du 20 juillet 1881 ayant pour objet la déclaration d'utilité publique et la concession d'un canal, dit canal de Ventavon, dérivé de la Durance à Valserres (département des Hautes-Alpes), pour l'irrigation de la rive droite de cette rivière jusqu'aux abords de Sisteron (département des Basses-Alpes) ;
- la loi du 26 août 1919 relative à l'achèvement du canal d'irrigation de Ventavon (Hautes-Alpes) ;
- la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Camille Goyet, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez et à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Electricité de France ;
Considérant ce qui suit :
1. Les pourvois de l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un décret du 25 septembre 1936, l'Etat a accordé à la société des forces motrices de la Haute-Durance, aux droits de laquelle est venu l'établissement public Electricité de France (EDF), puis la société EDF, une concession hydroélectrique relative à l'aménagement et à l'exploitation de l'usine hydroélectrique de Ventavon utilisant la chute existant sur la Durance. Ce même décret a approuvé un cahier des charges et une convention conclue le 7 septembre 1936 entre l'Etat et le concessionnaire, qui précisait notamment les réserves d'eau que le concessionnaire devait mettre gratuitement, pour la période du 15 avril au 15 octobre de chaque année, à la disposition de l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez, qui s'était vue concéder à perpétuité, par la loi du 26 août 1919 relative à l'achèvement du canal d'irrigation de Ventavon lui transférant le bénéfice de la loi du 20 juillet 1881, un volume d'eau d'un débit de 2 500 litres par seconde à dériver à son profit. L'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez a sollicité de la société EDF la fourniture de volumes d'eau en dehors de cette période.
3. Par une décision du 29 juin 2017, la société EDF lui a réclamé le paiement d'une facture d'un montant de 17 477,23 euros au titre de la mise en eau anticipée avant le 15 avril 2017, et par une décision du 13 février 2018, celui d'une facture d'un montant de 10 442 euros au titre de prélèvements d'eau postérieurement au 15 octobre 2017. Par des jugements respectivement des 20 janvier et 16 mars 2020, le tribunal administratif de Marseille a fait droit aux demandes de l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez tendant à l'annulation de ces décisions et à la condamnation de la société EDF à lui rembourser ces sommes. Par un arrêt du 6 juillet 2023 contre lequel l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez se pourvoit en cassation sous le n° 487993, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ces deux jugements et rejeté ses demandes.
4. Par une décision du 31 janvier 2018, la société EDF a soumis l'ouverture des vannes situées sur le canal alimentant les stations de pompage du réseau d'irrigation de l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez à une date antérieure à la date du 15 avril au règlement préalable, d'une part, de frais de traitement d'un montant de 2 000 euros et, d'autre part, du service rendu, selon un montant calculé en fonction du volume d'eau prélevée. Par un jugement du 22 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de l'association syndicale tendant à l'annulation de cette décision. Puis, par des décisions datées des 7 septembre 2018, 16 décembre 2019 et 25 juin 2020, la société EDF a réclamé à l'association syndicale le paiement respectivement, d'une facture d'un montant de 3 409,20 euros au titre de l'ouverture anticipée des vannes du 28 mars au 14 avril 2018, d'une facture d'un montant de 43 398 euros au titre de la période du 15 mars au 14 avril 2019, d'une facture d'un montant de 3 027,60 euros au titre de celle du 16 octobre au 30 octobre 2019, ainsi que le paiement d'une facture d'un montant de 21 781,20 euros au titre de la période du 12 mars au 14 avril 2020. Par quatre jugements du 3 février 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les demandes de l'association syndicale tendant à l'annulation de ces décisions. Par un arrêt du 6 juillet 2023 contre lequel l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez se pourvoit en cassation sous le n° 487994, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté ses appels dirigés contre ces cinq jugements.
5. Il ressort des énonciations des arrêts attaqués que, pour juger que l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez n'était pas fondée à solliciter l'annulation des décisions mentionnées aux points 3 et 4 par lesquelles la société EDF lui a facturé l'ouverture des vannes en dehors de la période du 15 avril au 15 octobre de chaque année concernée pour l'alimentation de son réseau d'irrigation ainsi que des décisions portant rejet de ses recours gracieux ni à réclamer la restitution des sommes qu'elle a réglées, la cour administrative d'appel de Marseille a estimé qu'en sollicitant en février 2017 une ouverture des vannes en dehors de la période précitée et en réitérant sa demande en 2018, en 2019 et en 2020, elle devait être regardée comme ayant manifesté sa volonté de conclure un accord avec la société EDF. Il ressort toutefois des pièces des dossiers qui lui étaient soumis que si c'est à la demande de l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez que la société EDF a procédé à l'ouverture des vannes en dehors de la période du 15 avril au 15 octobre pour les années 2017 à 2020, cette association a toujours contesté le principe même d'une facturation de ce service. Elle ne pouvait, par suite, être regardée comme ayant consenti au principe d'un tel paiement ni, a fortiori, comme ayant donné son accord aux modalités de cette facturation. Dès lors, l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez est fondée à soutenir qu'en statuant ainsi, la cour administrative d'appel de Marseille a dénaturé les pièces des dossiers et, par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des pourvois, à demander l'annulation des arrêts qu'elle attaque.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société EDF la somme de 3 000 euros à verser à l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société EDF au même titre.
D E C I D E :
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Article 1er : Les arrêts du 6 juillet 2023 de la cour administrative d'appel de Marseille sont annulés.
Article 2 : Les affaires sont renvoyées devant la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : La société EDF versera à l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société EDF au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez et à la société Electricité de France.