Vu la procédure suivante :
Par deux requêtes distinctes, la société Masca a demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le président de la communauté d'agglomération de Bastia a diffusé, avec les masques produits par la société Bunda et distribués aux habitants du territoire de la communauté d'agglomération, une notice faisant figurer un label et des qualités que ces masques ne possédaient pas, et d'enjoindre au président de la communauté d'agglomération de cesser cette distribution et, d'autre part, de condamner la communauté d'agglomération à lui verser les sommes de 120 000 et 216 000 euros en réparation, respectivement, des préjudices subis du fait de son éviction de la procédure de passation d'un marché de fourniture de masques de protection et des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la situation de concurrence déloyale créée par la décision d'accompagner les masques distribués d'une notice faisant mention d'un label et de qualités que ces masques ne possédaient pas. Par un jugement nos 2000564, 2100146 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ces demandes.
Par un arrêt n° 22MA02367 du 13 novembre 2023, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement, a condamné la communauté d'agglomération de Bastia à verser une somme de 216 000 euros à la société Masca et a rejeté le surplus des demandes et conclusions de cette société.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 janvier et 3 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la communauté d'agglomération de Bastia demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de la société Masca la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la santé publique ;
- l'ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Camille Goyet, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la communaute d'agglomeration de Bastia et à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Masca ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 9 avril 2020, le président de la communauté d'agglomération de Bastia a décidé de faire l'acquisition, auprès de la société Bunda, de 60 000 masques de protection en tissu dans le cadre de la lutte contre la propagation de la pandémie de Covid-19. Par deux requêtes distinctes, la société Masca a saisi le tribunal administratif de Bastia, d'une part, d'une demande tendant à l'annulation de la décision de la communauté d'agglomération d'accompagner les masques de protection fabriqués par la société Bunda d'une notice faisant figurer un label et des qualités que, selon elle, ils ne possédaient pas et à ce qu'il soit enjoint à la communauté d'agglomération de faire cesser cette distribution et, d'autre part, d'une demande tendant à l'indemnisation, à hauteur des sommes de 120 000 et 216 000 euros, des conséquences préjudiciables de l'attribution de ce contrat à la société Bunda. Par un jugement du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ces demandes. Par un arrêt du 13 novembre 2023, contre lequel la communauté d'agglomération de Bastia se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement, a condamné la communauté d'agglomération de Bastia à verser une somme de 216 000 euros à la société Masca et a rejeté le surplus des demandes et conclusions de cette société. Eu égard aux moyens qu'elle invoque, la communauté d'agglomération de Bastia doit être regardée comme demandant l'annulation des seuls articles 1er à 3 de cet arrêt.
2. Aux termes de l'article R.612-3 du code de justice administrative : " (...) lorsqu'une des parties appelées à produire un mémoire n'a pas respecté le délai qui lui a été imparti (...) le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction peut lui adresser une mise en demeure. (...) ". Aux termes de l'article R. 612-6 du même code : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ".
3. Il ressort des pièces de la procédure devant la cour administrative d'appel de Marseille que la communauté d'agglomération de Bastia n'a pas été mise en demeure, sur le fondement de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, de produire un mémoire en défense. Dès lors, la communauté d'agglomération ne pouvait être regardée, en l'absence de mise en demeure et faute d'avoir produit un tel mémoire, comme ayant acquiescé aux faits invoqués par la société Masca. La circonstance que la communauté d'agglomération avait été mise en demeure dans le cadre de la procédure de première instance de produire un mémoire en défense est sans incidence à cet égard. Par suite, la communauté d'agglomération est fondée à soutenir que la cour a commis une erreur de droit en retenant qu'elle était réputée avoir acquiescé aux faits pour statuer sur le préjudice invoqué par la société Masca.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la communauté d'agglomération de Bastia est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque dans la mesure indiquée au point 1.
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la communauté d'agglomération de Bastia qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de la société Masca au titre de ces dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er à 3 de l'arrêt du 13 novembre 2023 de la cour administrative d'appel de Marseille sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, devant la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la communauté d'agglomération de Bastia et à la société Masca.