La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/11/2024 | FRANCE | N°498300

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 18 novembre 2024, 498300


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés le 8 octobre et les 12 et 13 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat général du livre et de la communication écrite de la confédération générale du travail (CGT-SGLCE) demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution de la décision du 20 septembre 2024 de la directrice de l'informa

tion légale et administrative des services du Premier ministre relative à la création...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés le 8 octobre et les 12 et 13 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat général du livre et de la communication écrite de la confédération générale du travail (CGT-SGLCE) demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du 20 septembre 2024 de la directrice de l'information légale et administrative des services du Premier ministre relative à la création de la commission de dialogue et d'information dans le cadre de la régularisation de la situation administrative des agents recrutés par contrat de droit privé ;

2°) de suspendre l'exécution de la décision par laquelle la même autorité n'a pas renouvelé le mandat des membres du comité social de la direction de l'information légale et administrative (DILA) des services du Premier ministre et a dissous ce comité ;

3°) d'enjoindre à la directrice de l'information légale et administrative de prolonger le mandat des membres du comité social de la DILA jusqu'au 31 décembre 2024 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que ces décisions portent une atteinte grave et immédiate, d'une part, aux droits à la protection et à la représentation des agents qu'il a pour objet de défendre et, d'autre part, à ses intérêts propres ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ;

- les décisions contestées méconnaissent, d'une part, les dispositions des articles L. 2311-1 et suivants du code du travail et, d'autre part, le droit constitutionnel des agents concernés de participer, par l'intermédiaire de leurs délégués élus, à la détermination collective des conditions de travail en ce qu'elles ont dissous les organismes de représentation des agents de droit privé de la DILA et ont créé la commission de dialogue et d'information ;

- la décision du 20 septembre 2024 est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle fixe les missions de la commission de dialogue et d'information comme s'exerçant sans préjudice des compétences du comité social d'administration et de la commission consultative paritaire de la DILA alors que ces derniers ne sont pas compétents à l'égard des agents de droit privé de la DILA, en méconnaissance des règles d'ordre public de protection des salariés de droit privé.

Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés le 8 et 13 novembre 2024, le Premier ministre conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la requête, la décision du 20 septembre 2024 ayant épuisé ses effets ; subsidiairement, que la requête n'est pas recevable, la décision du 20 septembre 2024 ne faisant pas grief, aucune décision n'ayant été prise pour refuser de proroger le mandat du comité social, et le syndicat requérant ne justifiant pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ; que la condition d'urgence n'est pas satisfaite ; que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code général de la fonction publique ;

- le code du travail ;

- le décret n° 2010-31 du 11 janvier 2010 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le syndicat général du livre et de la communication écrite de la confédération générale du travail et, d'autre part, le Premier ministre;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 13 novembre 2024, à 11 heures :

- Me Piwnica, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du syndicat général du livre et de la communication écrite de la confédération générale du travail ;

- les représentants du syndicat général du livre et de la communication écrite de la confédération générale du travail ;

- les représentants du Premier ministre ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l'instruction au même jour à 17h00 ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. "

2. Il ressort des pièces du dossier que la direction de l'information légale et administrative (DILA) a été créée, au sein des services du Premier ministre, par le décret du 11 janvier 2010 relatif à la direction de l'information légale et administrative, visé ci-dessus. Cette direction réunit les anciennes directions de la documentation française et des Journaux officiels. Les agents de la direction des Journaux officiels étaient, pour la majorité d'entre eux, recrutés sur des contrats de droit privé, soumis aux conventions collectives de la presse quotidienne parisienne.

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'à la suite de la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux n° 464184 du 6 février 2024, qui a jugé que la DILA doit être regardée comme chargée d'un service public à caractère administratif, ce dont il découle que ses agents contractuels sont nécessairement régis par un statut de droit public, cette direction a pris des mesures en vue de doter d'un contrat de droit public régulier, au 1er janvier 2025, l'ensemble de ses collaborateurs qui, à l'instar de l'agent concerné par cette décision, avaient été recrutés, dans le passé, dans les conditions du droit privé. La représentation de ces agents était assurée, jusqu'alors, par une instance dénommée " comité social de la DILA ", créée par un accord collectif, qui remplissait les différentes fonctions attribuées par le code du travail aux institutions représentatives du personnel. La DILA a décidé de ne pas prolonger les mandats des membres de cette instance au-delà de leur échéance du 24 septembre 2024 et d'organiser, le 17 décembre prochain, des élections au comité social d'administration ainsi qu'à la commission consultative paritaire auxquelles participeront l'ensemble de ses agents contractuels. Dans la période s'étendant entre la fin septembre et la fin de l'année 2024, la DILA a mis en place tout à la fois un cadre d'échange avec chacun des agents concernés afin de discuter de l'évolution des clauses de son contrat et un processus de consultation avec des représentants élus de ces agents, issus de l'ancien comité social, qui composent, avec la directrice de l'information légale et administrative qui la préside, une " commission de dialogue et d'information " instituée " dans le cadre de la régularisation de la situation administrative des agents recrutés par contrat de droit privé ", ainsi que l'énonce l'article 1er de la décision contestée du 20 septembre 2024. Il résulte également de l'instruction que la mission d'expertise externe à laquelle le comité social a décidé de recourir le 23 septembre 2024 a bien été mise en place. Si le syndicat requérant soutient que la prolongation jusqu'à la fin de l'année 2024 du comité social aurait été la modalité la mieux appropriée pour associer, par l'intermédiaire de leurs représentants élus, les agents recrutés sous statut de droit privé au processus de mise à jour de leurs contrats, le moyen pris de ce que les modalités retenues par la DILA et qui viennent d'être rappelées doivent être regardées, dans les circonstances de l'espèce, comme méconnaissant le principe de valeur constitutionnelle de participation des travailleurs à la détermination collective de leurs conditions de travail consacré par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ne peut être regardé comme propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées.

4. En deuxième lieu, si, en vertu de l'article L. 2311-1 du code du travail, les dispositions du même code relatives aux instances représentatives du personnel ont vocation à s'appliquer à tous les personnels employés dans les conditions de droit privé prévues par le code du travail, ces dispositions ne sont pas applicables aux agents de la DILA recrutés sous statut de droit privé, dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que ces agents doivent être regardés comme régis par un statut de droit public. Le moyen pris de ce que l'article L. 2311-1 du code du travail imposait de maintenir le comité social de la DILA ne peut, dès lors, être regardé comme propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées.

5. Enfin, si le syndicat requérant fait valoir que la décision contestée du 20 septembre 2024 serait illégale pour prévoir, en son article 2, que la commission consultative qu'elle institue peut être consultée " sans préjudice des compétences du comité social d'administration et de la commission consultative paritaire de la DILA ", alors que, selon lui, ces instances ne sont pas compétentes à l'égard des agents recrutés sous statut de droit privé, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que ces agents doivent être regardés comme régis par un statut de droit public. Par suite, le moyen pris de l'illégalité alléguée de l'article 2 de la décision du 20 septembre 2024 ne peut être regardé comme propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir et l'exception de non-lieu soulevées en défense, ni de se prononcer sur la condition d'urgence, aucun des moyens dont il est fait état n'apparaît propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées. La requête en référé du syndicat général du livre et de la communication écrite de la confédération générale du travail doit, par suite, être rejetée, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête du syndicat général du livre et de la communication écrite de la confédération générale du travail est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au syndicat général du livre et de la communication écrite de la confédération générale du travail (CGT-SGLCE) et au Premier ministre.

Fait à Paris, le 18 novembre 2024

Signé : Alain Seban


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 498300
Date de la décision : 18/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 nov. 2024, n° 498300
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP PIWNICA & MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:498300.20241118
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award