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13/01/2025 | FRANCE | N°500313

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 13 janvier 2025, 500313


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... C... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution du décret du 9 octobre 2024 du ministre de l'intérieur rapportant le décret de naturalisation du 30 avril 2021 ;



2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code

de justice administrative.







Il soutient que :

- la con...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... C... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret du 9 octobre 2024 du ministre de l'intérieur rapportant le décret de naturalisation du 30 avril 2021 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, travaillant dans la fonction publique, le retrait de sa nationalité française entraîne l'obligation pour son employeur de mettre fin à son contrat de travail, ce qui le prive de ressources et, d'autre part, l'absence de documents d'identité ne lui permet plus de se rendre en Mauritanie rendre visite à son épouse et finaliser sa demande de regroupement familial sans encourir de risques ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- la décision contestée est entachée d'irrégularité en ce qu'elle ne comporte pas la signature du Premier Ministre, ni celle du ministre de l'intérieur, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors que la fraude, au sens de l'article 27-2 du code civil, n'est pas caractérisée en ce que, en premier lieu, il s'est marié postérieurement à l'entretien d'assimilation, en deuxième lieu, il a déclaré son union à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et à la préfecture de la Gironde quelques semaines après son mariage, en troisième lieu, en l'absence de réponse de la préfecture, il a effectué plusieurs diligences pour s'assurer de la bonne prise en compte de son mariage par l'administration et, en dernier lieu, le ministère de l'intérieur, de par leurs échanges, était nécessairement informé du changement de sa situation personnelle et il ne peut, par suite, lui être reproché d'avoir délibérément omis de déclarer son union ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle retient que la circonstance qu'il se soit marié à l'étranger modifie l'appréciation portée sur la condition de résidence fixée par l'article 21-16 du code civil, alors que, en premier lieu, le centre de ses intérêts personnels et professionnels se trouve en France, en deuxième lieu, il entendait, dès la célébration de son mariage, continuer de mener sa vie privée et familiale sur le territoire français et, en dernier lieu, le retrait du décret est manifestement disproportionné eu égard, d'une part, à l'absence de motifs d'intérêt général le justifiant et, d'autre part, à la gravité des faits qui lui sont reprochés ;

- elle est manifestement disproportionnée dès lors qu'elle a pour conséquence de le rendre apatride, en ce que son statut de réfugié, reconnu avant l'octroi de la nationalité française, s'oppose à ce qu'il effectue des démarches auprès des autorités mauritaniennes pour recouvrer sa nationalité ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 27-2 du code civil en ce que, d'une part, le délai de deux ans à compter de la publication au Journal officiel pour rapporter un décret portant naturalisation était expiré et, d'autre part, même à supposer qu'il s'agisse d'une décision obtenue par mensonge ou par fraude, le délai à compter de la découverte de celle-ci reste de deux ans et était donc dépassé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., ressortissant mauritanien, a déposé le 30 novembre 2019 une demande de naturalisation auprès de la préfecture de la Gironde dans laquelle il a indiqué être célibataire. Au vu de ses déclarations, il a été naturalisé par décret du 30 avril 2021, publié au Journal officiel le 2 mai 2021. Toutefois, par bordereau reçu le 17 octobre 2022, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a informé le ministre chargé des naturalisations de ce que M. C... avait épousé à Bamako (Mali), le 26 octobre 2020, Mme D... B..., ressortissante mauritanienne, résidant habituellement à l'étranger. Par décret du 9 octobre 2024, le Premier ministre a rapporté le décret de naturalisation de M. C... au motif qu'il avait été pris au vu d'informations mensongères délivrées par l'intéressé quant à sa situation maritale. M. C... demande au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de ce décret.

3. Aux termes de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude ".

4. D'une part, le mariage de M. C... pendant l'instruction de se demande de naturalisation a constitué un changement de sa situation personnelle et familiale qu'il devait porter à la connaissance des services instruisant sa demande de naturalisation, comme il s'y était engagé lors du dépôt de cette demande. S'il indique avoir informé l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) de son mariage, cette information ne le dispensait pas de l'obligation de porter ce changement de situation à la connaissance de l'administration chargée de l'instruction de sa demande. Il soutient également qu'il a informé la préfecture de la Gironde de son mariage. Il ne produit toutefois à l'appui de cette allégation qu'un courriel adressé à la préfecture aux termes duquel il " aimerait déclarer son mariage qui a été enregistré à l'OFPRA tout récemment. Le mariage a été célébré à l'étranger ", en réponse auquel il a été invité à signaler son changement de situation en renvoyant à la préfecture un formulaire joint, invitation à laquelle il n'établit pas avoir donné suite. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'il ne pouvait être regardé comme ayant volontairement dissimulé sa situation familiale n'est pas de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

5. D'autre part, aucun des autres moyens de la requête de M. C... n'est de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

6. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le respect de la condition d'urgence que la requête de M. C... doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... C....

Fait à Paris, le 13 janvier 2025

Signé : Gilles Pellissier


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 500313
Date de la décision : 13/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 jan. 2025, n° 500313
Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:500313.20250113
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