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18/02/2025 | FRANCE | N°493127

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 18 février 2025, 493127


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 à 2015 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2003122 du 10 février 2023, ce tribunal a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre de l'année 2013 et des pénalités correspondantes, et a rejeté le su

rplus de sa demande.



Par un arrêt n° 23NT01584 du 13 février 202...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 à 2015 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2003122 du 10 février 2023, ce tribunal a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre de l'année 2013 et des pénalités correspondantes, et a rejeté le surplus de sa demande.

Par un arrêt n° 23NT01584 du 13 février 2024, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par le ministre de l'économie, des finances et de la relance contre ce jugement.

Par un pourvoi, enregistré le 4 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code des postes et des communications électroniques ;

- l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Paul Levasseur, auditeur,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue de la vérification de comptabilité de l'EURL Marhaba dont M. B... est le gérant et l'associé unique, l'administration fiscale a rehaussé le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés de cette entreprise et, consécutivement, assujetti M. B..., en sa qualité de seul maître de l'affaire et selon la procédure de la taxation d'office, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013 à raison, d'une part, de revenus regardés comme distribués sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, d'autre part, de revenus salariaux non déclarés. Après rejet de sa réclamation, M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge de ces impositions supplémentaires et des majorations correspondantes. Par un jugement du 10 février 2023, ce tribunal a accordé à M. B... la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013 et des majorations correspondantes, et rejeté le surplus de ses conclusions. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 février 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel contre ce jugement.

2. D'une part, aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 7 février 2007 visé ci-dessus qui régit les envois postaux faisant l'objet de formalités attestant de leur dépôt et de leur distribution, ce qui comprend les courriers recommandés avec accusé de réception : " en cas d'absence du destinataire à l'adresse indiquée par l'expéditeur lors du passage de l'employé chargé de la distribution, un avis du prestataire informe le destinataire que l'envoi postal est mis en instance pendant un délai de quinze jours à compter du lendemain de la présentation de l'envoi postal à son domicile ainsi que du lieu où cet envoi peut être retiré (...) / Les modalités de l'information du destinataire sont fixées dans les conditions générales de vente ainsi que celles relatives au retour de l'envoi postal à l'expéditeur en cas de non-distribution ". Aux termes de l'article 7 du même arrêté : " à la demande de l'expéditeur, et moyennant rémunération de ce service additionnel fixée dans les conditions générales de vente, le prestataire peut établir un avis de réception attestant de la distribution de l'envoi. Cet avis est retourné à l'expéditeur et comporte les informations suivantes : / (...) - la date de présentation si l'envoi a fait l'objet d'une mise en instance ; / - la date de distribution ; (...) ". L'article 3.2.8 des conditions générales applicables aux prestations courrier-colis de La Poste stipule quant à lui que " les envois sont conservés à l'endroit indiqué sur l'avis de passage durant 15 jours calendaires à compter du lendemain du jour du dépôt de l'avis de passage, sauf circonstances exceptionnelles pouvant notamment conduire à un allongement du délai dont le client est informé par tout moyen. A l'expiration de ce délai, La Poste retourne les envois dans les conditions prévues à l'article 3.2.9 ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 170 du code général des impôts : " 1. En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, toute personne imposable audit impôt est tenue de souscrire et de faire parvenir à l'administration une déclaration détaillée de ses revenus et bénéfices, de ses charges de famille et des autres éléments nécessaires au calcul de l'impôt sur le revenu (...) ". Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : / 1° à l'impôt sur le revenu, les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration d'ensemble de leurs revenus (...), sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 67 (...) ". Aux termes de l'article L. 67 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 1° et 4° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure (...) ".

4. Si le contribuable conteste que la mise en demeure prévue à l'article L. 67 du livre des procédures fiscales cité au point précédent lui a bien été notifiée, il incombe à l'administration fiscale d'établir qu'une telle notification lui a été régulièrement adressée et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. Dans cette dernière hypothèse, la notification est réputée avoir été régulièrement accomplie à la date à laquelle ce pli a été présenté à l'adresse de l'intéressé. La preuve qui incombe ainsi à l'administration peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation du service postal ou d'autres éléments de preuve établissant que l'intéressé a été avisé de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste et qu'il n'a pas été retourné avant l'expiration du délai de mise en instance. Toutefois, alors même que l'administration ne serait pas en mesure de justifier du respect du délai de mise en instance du pli comportant cette notification, son destinataire ne peut se prévaloir de ce que les conditions de notification l'auraient privé de la garantie qu'il tient de l'article L. 67 du livre des procédures fiscales s'il n'établit pas, notamment par la production d'une attestation du service postal, avoir tenté, en vain, de retirer le pli en cause dans ce délai.

5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que la mise en demeure prévue à l'article L. 67 du livre des procédures fiscales n'avait pas été régulièrement notifiée à M. B..., et n'avait ainsi pas fait courir le délai de trente jours fixé par le même article, la cour administrative d'appel de Nantes s'est bornée à relever que l'administration n'établissait pas que le pli contenant cette mise en demeure était resté à sa disposition au bureau de poste pendant le délai de mise en instance et n'avait pas été retourné avant l'expiration de ce délai. En statuant ainsi, sans rechercher si M. B..., dûment avisé de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste, établissait avoir tenté, en vain, de retirer le pli en cause dans le délai de mise en instance, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, il y a lieu d'annuler son arrêt.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 13 février 2024 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 20 janvier 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; Mme Sylvie Pellissier, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, conseillères d'Etat ; M. Philippe Ranquet M. Jonathan Bosredon, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Paul Levasseur, auditeur-rapporteur.

Rendu le 18 février 2025.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Paul Levasseur

La secrétaire :

Signé : Mme Elisabeth Ravanne


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 493127
Date de la décision : 18/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-05-02-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. - RÈGLES GÉNÉRALES. - IMPÔT SUR LE REVENU. - ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT. - TAXATION D'OFFICE. - POUR DÉFAUT OU INSUFFISANCE DE DÉCLARATION. - CONDITION TENANT À L’ABSENCE DE RÉGULARISATION DANS LES TRENTE JOURS DE LA NOTIFICATION D'UNE MISE EN DEMEURE (ART. L. 67 DU LPF) – CONTESTATION DE CETTE NOTIFICATION – 1) PRINCIPE – ADMINISTRATION DEVANT ÉTABLIR QUE CELLE-CI A ÉTÉ RÉGULIÈREMENT ADRESSÉE AU CONTRIBUABLE OU JUSTIFIER DE LA RÉGULARITÉ DES OPÉRATIONS DE PRÉSENTATION – RÈGLES D’ADMINISTRATION DE LA PREUVE – 2) CAS OÙ L’ADMINISTRATION NE PEUT JUSTIFIER DU DÉLAI DE MISE EN INSTANCE DU PLI – ATTEINTE À LA GARANTIE PRÉVUE À L’ARTICLE L. 67 DU LPF – CONTRIBUABLE DEVANT ÉTABLIR AVOIR TENTÉ DE RETIRER LE PLI [RJ1].

19-04-01-02-05-02-01 1) Si le contribuable conteste que la mise en demeure prévue à l’article L. 67 du livre des procédures fiscales (LPF) lui a bien été notifiée, il incombe à l'administration fiscale d'établir qu'une telle notification lui a été régulièrement adressée et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. Dans cette dernière hypothèse, la notification est réputée avoir été régulièrement accomplie à la date à laquelle ce pli a été présenté à l’adresse de l’intéressé. ...La preuve qui incombe ainsi à l’administration peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation du service postal ou d'autres éléments de preuve établissant que l'intéressé a été avisé de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste et qu’il n'a pas été retourné avant l'expiration du délai de mise en instance. ...2) Toutefois, alors même que l’administration ne serait pas en mesure de justifier du respect du délai de mise en instance du pli comportant cette notification, son destinataire ne peut se prévaloir de ce que les conditions de notification l’auraient privé de la garantie qu’il tient de l’article L. 67 du livre des procédures fiscales s’il n’établit pas, notamment par la production d’une attestation du service postal, avoir tenté, en vain, de retirer le pli en cause dans ce délai.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 fév. 2025, n° 493127
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Paul Levasseur
Rapporteur public ?: M. Thomas Pez-Lavergne

Origine de la décision
Date de l'import : 21/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:493127.20250218
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