Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 10 février 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union des Chirurgiens de France (UCDF) et le syndicat " Le Bloc " demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2024-954 du 23 octobre 2024 relatif aux conditions de réalisation en bloc opératoire des activités mentionnées à l'article R. 4311-11-1 du code de la santé publique par les infirmiers diplômés d'Etat ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que c'est du jour au lendemain que de nombreux infirmiers et infirmières diplômés d'Etat (IDE) vont devoir cesser d'exercer en bloc opératoire ;
- cela tient tout d'abord, à la violation du droit à la protection de la santé, au fonctionnement du service public et à la continuité des soins en raison des critères d'éligibilité retenus qui excluent les agents exerçant à titre intérimaire ainsi qu'à la procédure d'instruction des dossiers mise en place par les articles 4 et 7 qui prévoient un mécanisme de rejet implicite et à l'absence de garanties juridiques suffisantes ;
- cela tient ensuite au non respect du principe d'égalité de traitement entre les IDE, selon leur statut d'emploi, et de la violation du droit au respect de la vie et du droit à la sécurité des soins compte tenu de la paralysie des blocs opératoires qui va résulter de la mise en œuvre du décret ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- le décret attaqué porte en effet atteinte au principe d'égalité de traitement entre les IDE dès lors que le principe d'éligibilité énoncé à l'article 2 du décret est restreint, d'une part, par l'impossibilité pour certains IDE, notamment ceux exerçant par le biais d'une agence d'intérim, de satisfaire aux conditions des mesures transitoires en bloc opératoire et, d'autre part, par la mise en place d'une procédure d'instruction différente selon la date de dépôt des demandes déposées par les IDE ;
- il porte atteinte au principe de sécurité juridique dès lors que, d'une part, les mesures transitoires adoptées ne prévoient pas la possibilité de solliciter à nouveau l'autorisation temporaire d'exercice à la suite d'une décision implicite de rejet et, d'autre part, les IDE concernés par une telle décision devront cesser l'exercice de leurs fonctions au sein de blocs opératoires, en contradiction avec l'objectif de poursuite de l'activité des blocs opératoires ;
- il porte atteinte au droit à la protection de la santé ainsi qu'au principe de continuité des soins en ce qu'il affecte le fonctionnement des services de santé eu égard à la réduction du personnel en bloc opératoire ;
- il porte atteinte au droit au respect du droit à la vie et au droit à la sécurité juridique des patients en ce que les usagers du bloc opératoire sont exposés au risque de ne pas pouvoir bénéficier de conditions d'accès aux soins optimisées, en méconnaissance de l'impératif de poursuite du fonctionnement du bloc opératoire ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que les mesures transitoires ne respectent ni l'impératif de poursuite du fonctionnement du bloc opératoire eu égard au nombre d'IDE nécessaires à la fourniture du service de soin, ni le principe de réalité.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, et notamment son préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2015-74 du 27 janvier 2015 ;
- le décret n° 2018-79 du 9 février 2018 ;
- le décret n° 2019-678 du 28 juin 2019 ;
- le décret n° 2021-97 du 29 janvier 2021 ;
- le décret n° 2024-954 du 23 octobre 2024 ;
- l'arrêté du 27 janvier 2015 relatif aux actes et activités et à la formation complémentaire prévus par le décret n° 2015-74 du 27 janvier 2015 relatif aux actes infirmiers relevant de la compétence exclusive des infirmiers de bloc opératoire ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que l'exécution de la décision soit suspendue sans attendre le jugement de la requête au fond. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, à la date à laquelle le juge des référés se prononce.
3. Pour justifier de l'urgence à suspendre l'exécution du décret du 23 octobre 2024 relatif aux conditions de réalisation en bloc opératoire des activités mentionnées à l'article R. 4311-11-1 du code de la santé publique par les infirmiers diplômés d'Etat, les associations requérantes soutiennent qu'en l'absence de mesures transitoires appropriées, la mise en œuvre des dispositions contestées conduira nécessairement certains infirmiers diplômés d'Etat (IDE), actuellement en poste dans des blocs opératoires, à devoir cesser sans délai leur activité dans ces unités mettant ainsi en péril leur fonctionnement, la continuité des soins, la sécurité des patients et le respect du droit à la vie et portant également atteinte au principe d'égalité. Les associations requérantes se bornent, en premier lieu, à l'appui de leur argumentation, à faire état, à travers un exemple, de la situation propre aux IDE employés à titre intérimaire, qui, selon elles, ne peuvent déposer un dossier d'autorisation temporaire dès lors que leur employeur, la société d'intérim, ne peut valablement attester de leur affectation en bloc opératoire et de leur durée d'exercice. Elles font, en second lieu, valoir que l'administration ne dispose pas des moyens suffisants pour traiter, dans le délai d'un mois prévu par le décret au terme duquel naît un rejet implicite, l'ensemble des dossiers d'autorisation temporaire ou définitive qui ne manqueront pas d'être déposés en masse aux fins de régularisation. Il en résulterait, selon elles, un grand nombre de rejets implicites à caractère irréversible. Toutefois, et alors que la contestation de la légalité des dispositions en litige ne suffit pas à caractériser une urgence, elles n'apportent à l'appui de leur argumentation qui présente pour l'essentiel un caractère général, aucun élément de nature à apprécier objectivement la réalité et l'étendue du risque de paralysie immédiate des blocs opératoires dont elles se prévalent. Par suite, elles ne justifient pas l'urgence à ce que soit prononcée la suspension du décret en litige.
4. Il s'ensuit, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition relative à l'existence de moyens sérieux, que la requête de l'association UDCF et autre doit être rejetée sur le fondement de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de l'UCDF et autre est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'Union des chirurgiens de France (UCDF) et au syndicat " Le Bloc ".
Copie en sera adressée au Premier ministre et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Fait à Paris, le 20 février 2025
Signé : Olivier Yeznikian