Vu la procédure suivante :
La société d'exploitation des zones aéronautiques et mécaniques d'Eyguières (SEZAME), société d'économie mixte à opération unique, et la commune d'Eyguières ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'ordonner à l'association Centre de vol à voile de la Crau (CVVC) ainsi qu'à tous occupants de son chef, de libérer sans délai l'emplacement qu'elle occupe et exploite sans droit ni titre sur l'aérodrome de Salon-Eyguières et correspondant au hangar n° 103. Par une ordonnance n° 2405270 du 2 juillet 2024, ce juge des référés a fait droit à leur demande et enjoint à l'association CVVC, et à tous occupants de son chef, de libérer les lieux dans le délai d'un mois, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et, à défaut pour l'association de déférer à cette injonction dans le délai imparti, a autorisé la commune d'Eyguières et la SEZAME à y faire procéder d'office, aux frais et risques de l'association, au besoin avec le concours de la force publique.
L'association CVVC a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, en application de l'article L. 521-4 du code de justice administrative, de mettre à fin à l'injonction prononcée par la juge des référés dans son ordonnance du 2 juillet 2024.
Par une ordonnance n° 2407615 du 8 août 2024, ce juge des référés a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 23 août et 5 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association CVVC demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge solidaire de la commune d'Eyguières et de la SEZAME la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Lapierre, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de l'association Centre de vol à voile de la Crau et à la SARL Gury et Maître, avocat de la commune d'Eyguières ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une ordonnance du 2 juillet 2024, prise sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille, à la demande de la commune d'Eyguières et de la société d'exploitation des zones aéronautiques et mécaniques d'Eyguières (SEZAME), société d'économie mixte à opération unique, a enjoint à l'association Centre de vol à voile de la Crau (CVVC) et à tous occupants de son chef de libérer les emplacements qu'ils occupent, sans droit ni titre, sur l'aérodrome d'Eyguières, correspondant au hangar 103, dans le délai d'un mois à compter de la notification de son ordonnance et sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Par une ordonnance du 8 août 2024, contre laquelle l'association CVCC se pourvoit en cassation, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit mis fin à cette injonction.
2. Aux termes, d'une part, de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ". Lorsque le juge des référés est saisi, sur le fondement de ces dispositions, d'une demande d'expulsion d'un occupant du domaine public, il lui appartient de rechercher si, au jour où il statue, cette demande présente un caractère d'urgence et ne se heurte à aucune contestation sérieuse.
3. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 521-4 du même code : " Saisi par toute personne intéressée, le juge des référés peut, à tout moment, au vu d'un élément nouveau, modifier les mesures qu'il avait ordonnées ou y mettre fin ".
4. Il ressort des énonciations de l'ordonnance du 2 juillet 2024 que, pour estimer caractérisée l'urgence à expulser l'association CVVC des locaux qu'elle occupe au sein de l'aérodrome d'Eyguières et prononcer l'injonction à laquelle celle-ci a demandé qu'il soit mis fin, la juge des référés s'est principalement fondée sur la circonstance que les défaillances et le non-respect des normes de sécurité en matière électrique, étayées par une expertise diligentée par la commune d'Eyguières et la société SEZAME et non sérieusement remises en cause par l'association, étaient de nature à constituer un danger grave et immédiat pour la salubrité publique et la sécurité des personnes qui travaillent dans ce hangar, pour les usagers et pour les installations elles-mêmes.
5. Pour rejeter la demande tendant à ce qu'il soit mis fin à cette injonction, la juge des référés, après avoir estimé, au vu des éléments nouveaux produits par l'association CVVC, que celle-ci établissait avoir pris les mesures correctives qui s'imposaient pour faire cesser ce danger grave et immédiat, s'est fondée sur la circonstance que l'association, qui avait refusé de signer une nouvelle convention d'occupation avec la société SEZAME et restait redevable de redevances d'occupation du domaine public non versées, ne disposait d'aucun droit ni titre l'autorisant à occuper le hangar. En statuant ainsi, alors que ces circonstances, à les supposer avérées, n'étaient pas par elles-mêmes de nature à caractériser l'urgence à expulser l'association, la juge des référés a entaché sa décision d'une erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède que l'association CVVC est fondée, pour ce motif, à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Eyguières et de la SEZAME la somme de 3 000 euros à verser à l'association CVVC au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la requérante, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 8 août 2024 de la juge des référés du tribunal administratif de Marseille est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au juge des référés du tribunal administratif de Marseille.
Article 3 : La commune d'Eyguières et la SEZAME verseront solidairement à l'association CVVC une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de la commune d'Eyguières et de la SEZAME tendant à l'application de cet article sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association Centre de vol à voile de la Crau, à la commune d'Eyguières et à la société d'exploitation des zones aéronautiques et mécaniques d'Eyguières.