La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/03/2025 | FRANCE | N°492664

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 17 mars 2025, 492664


Vu la procédure suivante :



La commune de Béthune a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'ensemble contractuel conclu avec la société Q-Park France le 5 mars 2005 en vue de lui déléguer la gestion du stationnement public. Par un jugement n° 1910125 du 15 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.



Par un arrêt n° 22DA01936 du 16 janvier 2024, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par la commune de Béthune contre ce jugement.



Par

un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 mar...

Vu la procédure suivante :

La commune de Béthune a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'ensemble contractuel conclu avec la société Q-Park France le 5 mars 2005 en vue de lui déléguer la gestion du stationnement public. Par un jugement n° 1910125 du 15 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 22DA01936 du 16 janvier 2024, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par la commune de Béthune contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 mars et 14 juin 2024 et 18 février 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Béthune demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la société Q-Park France la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hervé Cassara, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la commune de Béthune et à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société Q-Park France ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Béthune et la société Q-Park France ont conclu, le 5 mars 2005, un contrat de délégation du service public du stationnement sur voirie, un contrat de concession pour la construction et l'exploitation d'un parc public de stationnement souterrain sous la Grand'Place de la ville, un contrat d'affermage pour la rénovation et l'exploitation du parc public de stationnement souterrain " Georges Clemenceau " et un quatrième contrat dit " commun " comportant des stipulations applicables à l'ensemble de ces contrats. Par un jugement du 15 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de la commune de Béthune tendant à l'annulation de ces contrats. Par un arrêt du 16 janvier 2024, contre lequel la commune de Béthune se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par la commune contre ce jugement.

Sur la demande de médiation devant la cour administrative d'appel :

2. Aux termes de l'article L. 213-7 du code de justice administrative : " Lorsqu'un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel est saisi d'un litige, le président de la formation de jugement peut, après avoir obtenu l'accord des parties, ordonner une médiation pour tenter de parvenir à un accord entre celles-ci ". Si ces dispositions donnent au juge administratif, saisi d'un litige, la faculté d'ordonner, avec l'accord des parties, une médiation entre elles dans le but de parvenir à un accord sur le règlement du litige, elles ne l'obligent nullement à engager une telle procédure alors même que les parties le lui demanderaient. En ne donnant pas suite à une demande en ce sens, le juge la rejette nécessairement, sans être tenu d'y répondre explicitement.

3. Par suite, la cour administrative d'appel de Douai, qui a visé la demande de la commune tendant à la désignation d'un expert chargé, le cas échéant, d'une mission de médiation, n'a pas entaché son arrêt d'irrégularité en s'abstenant de répondre explicitement à la demande de médiation. En n'y donnant pas suite, la cour administrative d'appel s'est livrée à une appréciation qui n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation.

Sur l'arrêt attaqué en ce qu'il statue sur les conclusions contestant la validité des contrats :

4. Les parties à un contrat administratif peuvent saisir le juge d'un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie. Il appartient alors au juge, lorsqu'il constate l'existence d'irrégularités, d'en apprécier l'importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu'elles peuvent, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise et en tenant compte de l'objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d'une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation.

En ce qui concerne les vices du consentement allégués :

5. Contrairement à ce que soutient la commune de Béthune, la cour administrative d'appel de Douai n'a pas commis d'erreur de droit en statuant au vu des pièces versées au dossier par les parties sans lui enjoindre de communiquer les rapports d'analyse des offres, qu'elle pouvait au demeurant produire de sa propre initiative. Elle a souverainement constaté, sans dénaturer les pièces versées au dossier qui lui était soumis, que les deux composantes de l'offre de la société attributaire, en base et en variante, avaient été prises en compte dans l'analyse des offres. La cour n'a pas davantage dénaturé les pièces du dossier en jugeant que, malgré les irrégularités et imprécisions relevées par la chambre régionale des comptes et par le cabinet d'audit que la commune avait mandaté, les documents préparatoires à la passation des contrats ne comportaient pas une présentation et une analyse des offres erronées ou biaisées, de nature à induire en erreur ou à tromper le conseil municipal sur les motifs justifiant le choix de l'attributaire ou l'économie générale des contrats, en particulier s'agissant du montant de la subvention d'équipement allouée au délégataire et de l'engagement de la commune à verser une contribution financière dans l'hypothèse où les recettes de stationnement payant sur voirie seraient inférieures aux recettes prévisionnelles. La cour a pu en déduire, sans commettre d'erreur de droit et sans inexactement qualifier les faits de l'espèce, que la commune de Béthune n'était pas fondée à soutenir que son consentement aurait été vicié.

En ce qui concerne la validité du contenu des contrats :

S'agissant de la durée des contrats en litige :

6. Aux termes de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " Les conventions de délégation de service public doivent être limitées dans leur durée. Celle-ci est déterminée par la collectivité en fonction des prestations demandées au délégataire. Lorsque les installations sont à la charge du délégataire, la convention de délégation tient compte, pour la détermination de sa durée, de la nature et du montant de l'investissement à réaliser et ne peut dans ce cas dépasser la durée normale d'amortissement des installations mises en œuvre (...) ". Il résulte de ces dispositions que la durée normale d'amortissement des installations susceptible d'être retenue par une collectivité délégante peut être la durée normalement attendue pour que le délégataire puisse couvrir ses charges d'exploitation et d'investissement, compte tenu des contraintes d'exploitation liées à la nature du service et des exigences du délégant, ainsi que de la prévision des tarifs payés par les usagers, que cette durée coïncide ou non avec la durée de l'amortissement comptable des investissements.

7. Aucune disposition législative ni aucun principe n'impose à la collectivité publique qui entend confier à un opérateur économique la gestion de services dont elle a la responsabilité de conclure autant de conventions qu'il y a de services distincts. Elle ne saurait toutefois, sans méconnaître les impératifs de bonne administration ou les obligations générales de mise en concurrence qui s'imposent à elle, donner à une délégation un périmètre manifestement excessif ni réunir au sein de la même convention des services qui n'auraient manifestement aucun lien entre eux.

8. S'il est ainsi loisible à l'autorité délégante de regrouper au sein d'un même contrat ou d'un unique ensemble contractuel des services différents et de les confier à un même opérateur économique, un tel choix ne saurait lui permettre de déroger aux règles qui s'imposent à elle pour la dévolution et l'exploitation de ces services. En particulier, la durée d'un tel contrat ou ensemble contractuel ne peut, sauf à méconnaître les dispositions de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales précédemment citées, excéder la durée normalement attendue pour que le délégataire puisse couvrir ses charges d'exploitation et d'investissement, compte tenu des contraintes d'exploitation liées à la nature des services, des exigences du délégant et de la prévision des tarifs payés par les usagers. Dans le cas où la délégation des différents services est prévue pour une durée unique qui n'apparaît pas justifiée pour chacun d'entre eux, une telle durée unique ne peut alors être valablement prévue que si l'exploitation conjointe des services considérés est de nature à assurer une meilleure gestion de ceux-ci et si la durée unique correspond à la durée normalement attendue pour que le concessionnaire puisse couvrir les charges d'exploitation et d'investissement de l'ensemble des services ainsi délégués, compte tenu des contraintes d'exploitation, des exigences du délégant et de la prévision des tarifs payés par les usagers.

9. En l'espèce, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que pour juger que le contrat de concession pour le financement, la conception, la construction et l'exploitation du parc de stationnement souterrain sous la Grand'Place, le contrat d'affermage pour la rénovation, l'entretien et l'exploitation du parc de stationnement " Georges Clemenceau " et le contrat de délégation de service pour l'installation des équipements nécessaires au stationnement sur la voirie et leur exploitation, avec le contrat commun comportant des stipulations applicables aux trois contrats, conclus par la commune de Béthune avec la société Q-Park France, constituaient un ensemble contractuel indissociable, la cour administrative d'appel de Douai a retenu que ces quatre contrats ont fait l'objet d'une même procédure de passation, ont été conclus à la même date pour une même durée et poursuivent le même objectif de répondre à un besoin de la commune en matière de stationnement, visant à atteindre un équilibre économique tenant compte de façon globale des investissements, des recettes et des charges prévisionnelles de toutes les activités liées au stationnement, sur la voirie et dans les parcs souterrains. En jugeant ainsi que les quatre contrats liant la commune de Béthune à la société Q-Park France formaient un ensemble contractuel indissociable, la cour a, sans erreur de droit, exactement qualifié les faits de l'espèce.

10. Pour apprécier si ces contrats avaient pu être valablement conclus pour une durée unique de trente ans et se prononcer sur le moyen tiré de ce que cette durée était excessive pour ce qui concerne la délégation du service relatif au stationnement sur la voirie et le contrat d'affermage portant sur le parc de stationnement existant, la cour, devant laquelle il n'était pas sérieusement contesté que l'exploitation conjointe des trois services répondait à des objectifs de bonne gestion, a recherché si cette durée unique pouvait être regardée comme n'excédant pas la durée normale d'amortissement de l'ensemble des investissements mis à la charge du délégataire dans le cadre de l'ensemble contractuel portant sur le stationnement sur la voirie et dans les parcs. Ce faisant, elle n'a pas commis d'erreur de droit.

11. Pour contester l'appréciation portée, dans ce cadre, sur le caractère excessif de la durée des contrats en cause, la commune de Béthune ne saurait, en tout état de cause, utilement se prévaloir d'éléments qu'elle invoque pour la première fois devant le Conseil d'Etat, juge de cassation, en particulier la circonstance que cette durée serait excessive en ce qu'elle procurerait, selon elle, au délégataire une marge de rentabilité de 30 % anormalement élevée. Au vu des éléments débattus devant elle, la cour a relevé qu'il n'était pas contesté que le montant des investissements initiaux s'établissait à 11 495 000 euros hors taxes et celui des charges d'exploitation à 21 474 000 euros hors taxes, soit un montant total de 32 969 000 euros hors taxes et que la commune de Béthune se bornait à se référer à un rapport de la chambre régionale des comptes sans apporter aucun élément laissant supposer que, eu égard au montant des subventions publiques, le délégataire pourrait couvrir ses charges d'exploitation et d'investissement en moins de trente ans. La cour a tenu compte, pour évaluer les investissements du délégataire, de la subvention d'équipement versée à hauteur de 1 125 000 euros, conformément à l'article 11 du contrat de concession du parc de stationnement souterrain sous la Grand'Place et a considéré, compte tenu des contraintes d'exploitation liées à la nature du service et des exigences du délégant, tenant à l'obligation pour la société Q-Park France de ne pas intervenir dans l'organisation et la tarification du stationnement, aux prévisions des tarifs payés par les usagers et à la durée nécessaire à la réalisation des investissements, qu'il n'était pas établi que la durée de trente ans, retenue à l'article 3 du contrat commun, serait en l'espèce excessive. En jugeant ainsi, au vu des éléments versés dans le cadre de l'instruction devant elle et compte tenu de l'argumentation dont elle était saisie, que la durée unique retenue en l'espèce par les contrats en cause n'était pas excessive et ne méconnaissait pas les exigences résultant de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales, la cour administrative d'appel s'est livrée, sans erreur de droit, à une appréciation souveraine des faits de l'espèce exempte de dénaturation.

S'agissant de la légalité de la compensation financière prévue par l'article 4.4 du contrat commun :

12. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que l'article 4.4 du contrat commun a prévu un mécanisme de contribution publique venant, sous certaines conditions, compenser une diminution des recettes de stationnement payant sur voirie par rapport aux estimations prévisionnelles calculées par le délégataire. Il a été ainsi contractuellement prévu que si, au titre d'un exercice pris isolément, il ressortait une diminution d'au moins 15% entre les recettes d'exploitation prévisionnelles et les recettes réelles d'exploitation du stationnement payant sur voirie, la commune s'engageait à verser une contribution financière venant compenser la moitié de cette différence et que cette contribution financière vise à compenser l'insuffisance des recettes prises en compte dans l'équilibre économique de l'ensemble des activités déléguées, concédées et affermées, dont le stationnement payant en ouvrage qui présente le caractère d'un service public industriel ou commercial.

13. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2224-1 du code général des collectivités territoriales : " Les budgets des services publics à caractère industriel ou commercial exploités en régie, affermés ou concédés par les communes, doivent être équilibrés en recettes et en dépenses ". Aux termes de l'article L. 2224-2 du même code : " Il est interdit aux communes de prendre en charge dans leur budget propre des dépenses au titre des services publics visés à l'article L. 2224 1. / Toutefois, le conseil municipal peut décider une telle prise en charge lorsque celle-ci est justifiée par l'une des raisons suivantes : (...) / 2° Lorsque le fonctionnement du service public exige la réalisation d'investissements qui, en raison de leur importance et eu égard au nombre d'usagers, ne peuvent être financés sans augmentation excessive des tarifs. / (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une commune ne peut, en principe, subventionner un service public industriel ou commercial ou prendre en charge une partie de ses dépenses. Il ne peut être fait exception à cette règle que dans les cas limitativement énumérés à l'article L. 2224-2, notamment lorsque le fonctionnement du service implique la réalisation d'investissements qui ne pourraient être financés, eu égard à leur importance et au nombre des usagers, sans une hausse excessive des tarifs.

14. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 11, la commune requérante ne peut utilement, pour critiquer les motifs de l'arrêt relatifs à l'application de ces dispositions, faire valoir pour la première fois en cassation que l'exécution des contrats permettrait au délégataire de dégager, selon elle, un taux de marge de 30 % et que la contribution versée en application de l'article 4.4 du contrat commun aurait pour effet de compenser un déficit de rentabilité par rapport aux estimations prévisionnelles du délégataire. D'autre part, la cour qui a, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, jugé que la commune n'établissait pas que les investissements nécessités par la construction d'un nouveau parc de stationnement souterrain et par la rénovation et l'entretien du parc de stationnement existant pourraient, eu égard à leur importance et au nombre d'usagers, être financés sans augmentation excessive des tarifs, n'a ni commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits en en déduisant qu'en l'espèce les stipulations de l'article 4.4 du contrat commun ne méconnaissaient pas les dispositions des articles L. 2224-1 et L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales.

15. En second lieu, aux termes du premier paragraphe de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. " Aux termes du paragraphe 3 de l'article 108 du même traité : " La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l'article 107, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ". Il résulte des stipulations des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne que, s'il ressort à la compétence exclusive de la Commission de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles visées par l'article 107 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par le traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité des dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres la dernière phrase du paragraphe 3 de l'article 108 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet. L'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions contestées ont institué des aides d'Etat au sens de l'article 107 du traité.

16. Par un arrêt du 24 juillet 2003 Altmark Trans GmbH (C 280/00), la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que des subventions représentant la contrepartie des prestations effectuées par des entreprises pour exécuter des obligations de service public ne constituaient pas des aides d'Etat, à condition de remplir les quatre conditions cumulatives suivantes : premièrement, l'entreprise bénéficiaire a effectivement été chargée de l'exécution d'obligations de service public et ces obligations ont été clairement définies ; deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation ont été préalablement établis de façon objective et transparente, afin d'éviter qu'elle comporte un avantage économique susceptible de favoriser l'entreprise bénéficiaire par rapport à des entreprises concurrentes ; troisièmement, la compensation ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable ; quatrièmement, lorsque le choix de l'entreprise chargée de l'exécution d'obligations de service public n'est pas effectué dans le cadre d'une procédure de marché public au sens des conventions soumises aux règles communautaires de publicité et de mise en concurrence, permettant de sélectionner le candidat capable de fournir ces services au moindre coût pour la collectivité, le niveau de la compensation nécessaire a été déterminé sur la base d'une analyse des coûts qu'une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations.

17. La cour n'a pas commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits de l'espèce, en jugeant qu'il n'était pas établi que la compensation versée en vertu de l'article 4.4 du contrat commun dépasserait ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes ainsi que d'un bénéfice raisonnable du délégataire, pour en déduire que cette contribution n'avait pas le caractère d'une aide d'Etat.

Sur la demande d'expertise devant la cour administrative d'appel :

18. En jugeant que l'expertise demandée par la commune requérante ne revêtait pas un caractère utile, la cour administrative d'appel de Douai s'est livrée à une appréciation souveraine des circonstances de l'espèce qui n'est entachée ni d'une dénaturation des pièces du dossier qui lui était soumis, ni d'une erreur de droit. Il ne ressort pas plus des énonciations de l'arrêt attaqué qu'il serait entaché d'une contradiction de motifs à cet égard.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Béthune n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

Sur les frais de l'instance :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Q-Park France qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, au titre des mêmes dispositions, à la charge de la commune de Béthune, la somme de 3 000 euros à verser à la société Q-Park France.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la commune de Béthune est rejeté.

Article 2 : La commune de Béthune versera une somme de 3 000 euros à la société Q-Park France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Béthune et à la société Q-Park France.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 492664
Date de la décision : 17/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES - DEMANDE DES PARTIES TENDANT À CE QUE LE JUGE ORDONNE UNE MÉDIATION (ART - L - 213-7 DU CJA) – OBLIGATION D’Y FAIRE DROIT – ABSENCE – POSSIBILITÉ DE LA REJETER IMPLICITEMENT – EXISTENCE [RJ1] – APPRÉCIATION INSUSCEPTIBLE D’ÊTRE DISCUTÉE EN CASSATION.

37-07-02 Si les dispositions de l’article L. 213-7 du code de justice administrative (CJA) donnent au juge administratif, saisi d’un litige, la faculté d’ordonner, avec l’accord des parties, une médiation entre elles dans le but de parvenir à un accord sur le règlement du litige, elles ne l’obligent nullement à engager une telle procédure alors même que les parties le lui demanderaient. En ne donnant pas suite à une demande en ce sens, le juge la rejette nécessairement, sans être tenu d’y répondre explicitement, par une appréciation qui n’est pas susceptible d’être discutée devant le juge de cassation.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - NOTION DE CONTRAT ADMINISTRATIF - DIVERSES SORTES DE CONTRATS - DÉLÉGATIONS DE SERVICE PUBLIC - DÉLÉGATION DE PLUSIEURS SERVICES PAR UNE MÊME CONVENTION DE DSP [RJ2] – 1) CONDITIONS – 2) FIXATION DE LA DURÉE DU CONTRAT – POSSIBILITÉ DE FIXER UNE DURÉE DE DÉLÉGATION UNIQUE DES DIFFÉRENTS SERVICES – A) LIMITE – DURÉE UNIQUE NE DEVANT PAS EXCÉDER LA DURÉE NORMALE D’AMORTISSEMENT DE L’ENSEMBLE DES INVESTISSEMENTS (ART - L - 1411-2 DU CGCT) [RJ3] – B) CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION – APPRÉCIATION SOUVERAINE DES JUGES DU FOND.

39-01-03-03 1) S’il est loisible à l’autorité délégante de regrouper au sein d’un même contrat ou d’un unique ensemble contractuel des services différents et de les confier à un même opérateur économique, un tel choix ne saurait lui permettre de déroger aux règles qui s’imposent à elle pour la dévolution et l’exploitation de ces services. ...2) a) En particulier, la durée d’un tel contrat ou ensemble contractuel ne peut, sauf à méconnaître les dispositions de l’article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT), excéder la durée normalement attendue pour que le délégataire puisse couvrir ses charges d’exploitation et d’investissement, compte tenu des contraintes d’exploitation liées à la nature des services, des exigences du délégant et de la prévision des tarifs payés par les usagers. Dans le cas où la délégation des différents services est prévue pour une durée unique qui n’apparaît pas justifiée pour chacun d’entre eux, une telle durée unique ne peut alors être valablement prévue que si l’exploitation conjointe des services considérés est de nature à assurer une meilleure gestion de ceux-ci et si la durée unique correspond à la durée normalement attendue pour que le concessionnaire puisse couvrir les charges d’exploitation et d’investissement de l’ensemble des services ainsi délégués, compte tenu des contraintes d’exploitation, des exigences du délégant et de la prévision des tarifs payés par les usagers....b) Le juge du fond apprécie souverainement si cette durée unique excède la durée normale d’amortissement de l’ensemble des investissements mis à la charge du délégataire dans le cadre d’un tel ensemble contractuel.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - DEMANDE DES PARTIES TENDANT À CE QUE LE JUGE ORDONNE UNE MÉDIATION (ART - L - 213-7 DU CJA) – OBLIGATION D’Y FAIRE DROIT – ABSENCE – POSSIBILITÉ DE LA REJETER IMPLICITEMENT – EXISTENCE [RJ1] – APPRÉCIATION INSUSCEPTIBLE D’ÊTRE DISCUTÉE EN CASSATION.

54-07-15 Si les dispositions de l’article L. 213-7 du code de justice administrative (CJA) donnent au juge administratif, saisi d’un litige, la faculté d’ordonner, avec l’accord des parties, une médiation entre elles dans le but de parvenir à un accord sur le règlement du litige, elles ne l’obligent nullement à engager une telle procédure alors même que les parties le lui demanderaient. En ne donnant pas suite à une demande en ce sens, le juge la rejette nécessairement, sans être tenu d’y répondre explicitement, par une appréciation qui n’est pas susceptible d’être discutée devant le juge de cassation.

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - BIEN-FONDÉ - APPRÉCIATION SOUVERAINE DES JUGES DU FOND - CARACTÈRE EXCESSIF DE LA DURÉE D’UN CONTRAT DE DÉLÉGATION DE SERVICE PUBLIC AU REGARD DE LA DURÉE D’AMORTISSEMENT DES INVESTISSEMENTS (ART - L - 1411-2 DU CGCT).

54-08-02-02-01-03 Le juge du fond apprécie souverainement si la durée d’un contrat de délégation de service public (DSP) excède la durée normale d’amortissement de l’ensemble des investissements mis à la charge du délégataire.


Publications
Proposition de citation : CE, 17 mar. 2025, n° 492664
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Hervé Cassara
Rapporteur public ?: M. Nicolas Labrune
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:492664.20250317
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award