Vu les procédures suivantes :
La présidente de l'université Lumière Lyon-II a porté plainte contre M. D... A... devant la section disciplinaire du conseil académique de cette université. Par une décision du 9 avril 2018, la section disciplinaire a interdit à M. A... d'exercer toutes fonctions d'enseignement et de recherche dans l'établissement pour une durée de douze mois et l'a privé pendant la même période de la totalité de son traitement.
Par une décision du 10 septembre 2020, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), statuant en matière disciplinaire, a, sur appel de M. A..., annulé cette décision et prononcé sa relaxe.
Par une décision n° 446009 du 14 mars 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, sur un pourvoi de l'université Lumière Lyon-II, annulé la décision du CNESER et renvoyé l'affaire à celui-ci.
Par une décision du 21 septembre 2022, le CNESER, statuant en matière disciplinaire, a, sur renvoi du Conseil d'Etat, annulé la décision du 9 avril 2018 de la section disciplinaire du conseil académique de l'université Lumière Lyon-II et relaxé M. A....
2°. Sous le n° 469821, par un pourvoi et trois nouveaux mémoires, enregistrés le 19 décembre 2022, le 23 août 2023, le 28 juin 2024 et le 17 janvier 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du CNESER, statuant en matière disciplinaire, du 21 septembre 2022 ;
2°) réglant l'affaire au fond, à titre principal, de rejeter l'appel de M. A..., à titre subsidiaire, en cas d'annulation de la décision du 9 avril 2018 de la section disciplinaire du conseil académique de l'université Lumière Lyon-II, de statuer sur la plainte de la présidente de l'université et d'interdire à M. A... d'exercer toutes fonctions d'enseignement et de recherche dans l'établissement pour une durée de douze mois.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Aurélien Gloux-Saliou, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de l'Université Lumière Lyon 2 et à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que, par une décision du 9 avril 2018, la section disciplinaire du conseil académique de l'université Lumière Lyon-II a interdit à M. D... A..., professeur des universités, d'exercer toutes fonctions d'enseignement et de recherche dans l'établissement pour une durée d'un an et l'a privé de la totalité de son traitement pendant la même période. Par une décision du 10 septembre 2020, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), statuant en matière disciplinaire, a, sur appel de M. A..., annulé cette décision et prononcé sa relaxe. Par une décision n° 446009 du 14 mars 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé la décision du CNESER et renvoyé l'affaire à celui-ci. Par une nouvelle décision du 21 septembre 2022, contre laquelle l'université Lumière Lyon-II, d'une part, et la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, d'autre part, se pourvoient en cassation, le CNESER, statuant en matière disciplinaire, a, sur renvoi du Conseil d'Etat, annulé la décision du 9 avril 2018 de la section disciplinaire du conseil académique de l'université Lumière Lyon-II et relaxé de nouveau M. A.... Les pourvois de l'université Lumière Lyon-II et de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche présentant à juger les mêmes questions, il y a lieu de les joindre pour y statuer par une même décision.
Sur les pourvois :
2. La règle en vertu de laquelle les décisions de justice doivent être motivées est au nombre de celles qui s'imposent à toutes les juridictions. Elle s'applique ainsi au CNESER, statuant en matière disciplinaire, comme le rappelle le second alinéa de l'article R. 232-41 du code de l'éducation, dans sa version applicable au litige.
3. Il ressort des énonciations de la décision attaquée que, pour juger M. A... non coupable des fautes qui lui étaient imputées, afférentes notamment à un comportement susceptible d'être qualifié de harcèlement sexuel, le CNESER, statuant en matière disciplinaire, après avoir exposé la procédure et les faits reprochés, ainsi que les prétentions et l'argumentation de chacune des parties, s'est borné à restituer le témoignage livré lors de l'audience par Mme C... F..., maîtresse de conférences habilitée à diriger des recherches à Sorbonne Université, alors qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que celle-ci, qui n'exerçait pas à l'université Lumière Lyon-II, eût été le témoin direct du comportement de M. A... à l'égard de Mme B... E..., doctorante dont il encadrait les travaux de recherche et qui avait signalé le comportement litigieux de l'intéressé. Le CNESER, statuant en matière disciplinaire, juge ensuite que, " de ce qui précède et des pièces du dossier, il est apparu aux juges d'appel que Madame B... E... a initié une procédure accusatoire à l'encontre de Monsieur D... A... reposant sur des faits qui ne permettent pas de caractériser une situation de harcèlement " et qu'" en conséquence, il n'existe aucun élément probant permettant de retenir la culpabilité de Monsieur D... A... ", avant de décider de relaxer ce dernier des poursuites disciplinaires engagées à son encontre. En statuant ainsi, sans préciser ni les faits qu'il n'estimait pas établis pour écarter l'existence d'une situation de harcèlement sexuel imputable à M. A..., ni les circonstances de droit et de fait qui lui permettaient de parvenir à une telle conclusion, et sans se prononcer sur la matérialité des autres agissements reprochés à M. A... susceptibles de caractériser les autres manquements professionnels retenus à son encontre dans la décision du 9 avril 2018 de la section disciplinaire du conseil académique de l'université Lumière Lyon-II, le CNESER, statuant en matière disciplinaire, n'a pas mis le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, à même d'exercer le contrôle qui incombe au juge de cassation et a ainsi entaché sa décision d'insuffisance de motivation. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leurs pourvois, l'université Lumière Lyon-II et la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sont fondées à demander l'annulation de la décision du CNESER, statuant en matière disciplinaire, du 21 septembre 2022 qu'elles attaquent.
4. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire. " Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.
Sur le règlement au fond :
5. Aux termes de l'article L. 952-8 du code de l'éducation : " (...) les sanctions disciplinaires qui peuvent être appliquées aux enseignants-chercheurs et aux membres des corps des personnels enseignants de l'enseignement supérieur sont : / 1° Le blâme ; / 2° Le retard à l'avancement d'échelon pour une durée de deux ans au maximum ; / 3° L'abaissement d'échelon ; / 4° L'interdiction d'accéder à une classe, grade ou corps supérieurs pendant une période de deux ans au maximum ; / 5° L'interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement ou de recherche ou certaines d'entre elles dans l'établissement ou dans tout établissement public d'enseignement supérieur pendant cinq ans au maximum, avec privation de la moitié ou de la totalité du traitement ; / 6° La mise à la retraite d'office ; / 7° La révocation. / Les personnes à l'encontre desquelles a été prononcée la sixième ou la septième sanction peuvent être frappées à titre accessoire de l'interdiction d'exercer toute fonction dans un établissement public ou privé, soit pour une durée déterminée, soit définitivement ".
6. Il est constant que M. A... a été admis, à compter du 1er septembre 2019, à faire valoir ses droits à pension de retraite et a été, en conséquence, radié des cadres à la même date. Dès lors qu'en l'absence de dispositions légales le permettant, il n'est pas possible, au titre des poursuites disciplinaires engagées devant la juridiction disciplinaire des enseignants-chercheurs, de prononcer de sanction disciplinaire à l'encontre d'un professeur des universités ayant été radié des cadres et admis à la retraite, la plainte formée par la présidente de l'université Lumière Lyon-II contre M. A..., qui n'a plus la qualité d'agent titulaire, ne peut qu'être rejetée.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens de sa requête d'appel, que M. A... est fondé à demander l'annulation de la décision du 9 avril 2018 par laquelle la section disciplinaire du conseil académique de l'université Lumière Lyon-II lui a infligé une sanction.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de ne faire droit à aucune des conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 21 septembre 2022 du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, statuant en matière disciplinaire, est annulée.
Article 2 : La décision du 9 avril 2018 de la section disciplinaire du conseil académique de l'université Lumière Lyon-II est annulée.
Article 3 : La plainte de la présidente de l'université Lumière Lyon-II contre M. A... est rejetée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de l'université Lumière Lyon-II et de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. D... A..., à l'université Lumière Lyon-II et à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.