Vu les procédures suivantes :
La préfète de la Gironde a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, l'arrêté du 31 août 2020 par lequel le maire de Soulac-sur-Mer ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par M. B... A... en vue du détachement d'un lot à bâtir sur un terrain situé 116 route des Lacs dans le hameau de Lilhan et, d'autre part, la décision du 28 septembre 2020 par laquelle le maire de Soulac-sur-Mer a délivré un certificat d'urbanisme positif à la société Martin Géomètres pour la construction d'une maison d'habitation sur ce même terrain. Par deux jugements n° 2006089 et n° 2100332 du 17 juin 2021, le tribunal administratif a annulé ces deux décisions.
Par deux arrêts n° 21BX03410 et n° 21BX03412 du 27 juin 2023, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la commune de Soulac-sur-Mer, annulé ces jugements et rejeté les demandes présentées par la préfète de la Gironde devant le tribunal administratif.
I. Sous le n° 487711, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 28 août et 29 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 21BX03410 du 27 juin 2023 portant sur le certificat d'urbanisme.
II. Sous le n° 487713, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 28 août et 29 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 21BX03412 du 27 juin 2023 portant sur la non-opposition à la déclaration préalable pour le détachement d'un lot à bâtir.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la Commune de Soulac-sur-Mer ;
Considérant ce qui suit :
1. La préfète de la Gironde a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, l'arrêté du 31 août 2020 par lequel le maire de Soulac-sur-Mer ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par M. B... A... en vue du détachement d'un lot à bâtir sur un terrain situé 116 route des Lacs dans le hameau de Lilhan et, d'autre part, la décision du 28 septembre 2020 par laquelle le maire a délivré un certificat d'urbanisme positif à la société Martin Géomètres pour la construction d'une maison d'habitation sur le même terrain. La cour administrative d'appel de Bordeaux, par deux arrêts du 27 juin 2023, a annulé les jugements par lesquels le tribunal administratif de Bordeaux avait lui-même annulé ces deux décisions. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires se pourvoit en cassation à l'encontre de ces deux arrêts. Ces pourvois présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Antérieurement à sa modification par le I de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme prévoyait que, dans les communes littorales : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ". Ces dispositions ont été modifiées par la loi du 23 novembre 2018 pour prévoir désormais que : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants./ Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs ". Ces mêmes dispositions du I de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 ont modifié l'article L. 121-3 du code de l'urbanisme pour prévoir que : " Le schéma de cohérence territoriale (...) détermine les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés prévus à l'article L. 121-8, et en définit la localisation ". Par ailleurs, le II de l'article 42 organise le recours, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, à la procédure de modification simplifiée pour modifier le contenu du schéma de cohérence territoriale ainsi que celui du plan local d'urbanisme, afin d'assurer la mise en œuvre de ces dispositions, à la condition que ces procédures soient engagées avant le 31 décembre 2021. Enfin le III de ce même article dispose, à titre transitoire, que : " Jusqu'au 31 décembre 2021, des constructions et installations qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti, peuvent être autorisées avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat, après avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites, dans les secteurs mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la présente loi, mais non identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d'urbanisme en l'absence de modification ou de révision de ces documents initiée postérieurement à la publication de la présente loi ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative chargée de se prononcer sur les demandes d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol sur le territoire d'une commune littorale ne peut autoriser une construction en dehors des agglomérations et villages existants que si le terrain d'assiette du projet est situé dans un " secteur déjà urbanisé ", au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, identifié comme tel par le schéma de cohérence territoriale et délimité comme tel par le plan local d'urbanisme.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la date des décisions litigieuses, le schéma de cohérence territoriale de la Pointe du Médoc applicable sur le territoire de la commune de Soulac-sur-Mer en date du 11 août 2011 n'avait pas été modifié en application des dispositions citées au point 2. Toutefois, le document d'orientations générales de ce schéma identifiait le hameau de Lilhan parmi les " hameaux où la densification est possible ", c'est-à-dire où de " nouvelles constructions " peuvent être implantées " à l'intérieur du "périmètre bâti constitué" du hameau (comblement des dents creuses, division de parcelles) ", sous réserve " de le préserver d'une augmentation trop importante du nombre de logements qui imposeraient, par exemple, de nouveaux équipements collectifs (réseau d'eau ou d'assainissement notamment) ". Par suite, la cour administrative d'appel a pu, pour admettre la légalité tant de la décision de non-opposition à la déclaration préalable en vue du détachement d'un lot à bâtir que du certificat d'urbanisme positif, estimer, sans commettre une erreur de droit, que le schéma de cohérence territoriale définissait bien un " secteur déjà urbanisé " au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, quand bien même il avait été adopté antérieurement à la loi du 23 novembre 2018.
5. En revanche, le ministre est fondé à soutenir qu'en ne recherchant pas si le plan local d'urbanisme communal en date du 21 mai 2007 modifié, en dernier lieu, le 28 juin 2010 pouvait être regardé comme ayant délimité un tel secteur au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de ses pourvois, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est fondé à demander l'annulation des arrêts qu'il attaque.
7. L'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Les arrêts du 27 juin 2023 de la cour administrative d'appel de Bordeaux sont annulés.
Article 2 : Les affaires sont renvoyées devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Soulac-sur-Mer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, à la commune de Soulac-sur-Mer, à M. B... A... et à la société à responsabilité limitée Martin Géomètres.