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02/04/2025 | FRANCE | N°502225

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 02 avril 2025, 502225


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 et 24 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution de la décision du 13 février 2025 de la formation restreinte du conseil régional d'Ile-de-France de l'ordre des médecins (CROM IDF) (dossier n° FRIDF.2024-065) ;



2°) d'enjoindr

e au CROM IDF de l'inscrire au tableau du conseil départemental des Hauts-de-Seine de l'ordre ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 et 24 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du 13 février 2025 de la formation restreinte du conseil régional d'Ile-de-France de l'ordre des médecins (CROM IDF) (dossier n° FRIDF.2024-065) ;

2°) d'enjoindre au CROM IDF de l'inscrire au tableau du conseil départemental des Hauts-de-Seine de l'ordre des médecins dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au CROM IDF de réexaminer sa demande dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ;

4°) en toute hypothèse, de l'autoriser à exercer provisoirement ses fonctions dans l'attente de la décision du CROM IDF à intervenir ;

5°) de mettre à la charge du CROM IDF la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable dès lors qu'il a formé un recours administratif préalable non suspensif contre la décision contestée devant la formation restreinte du conseil national de l'ordre des médecins (CNOM) ;

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, en premier lieu, il ne peut plus programmer de consultations avec de nouveaux patients ni surtout assurer le suivi de ses anciens patients, dont certains ont besoin d'interventions complémentaires et qui ne peuvent être pris en charge que par un médecin spécialisé dans la rhinoplastie ultrasonique, alors que les médecins ayant cette spécialité sont peu nombreux et acceptent rarement d'assurer le suivi de patients qu'ils n'ont pas pris en charge initialement, en deuxième lieu, il est privé de tout revenu et ne peut bénéficier de revenus de substitution, de sorte qu'il ne peut faire face à ses dettes et dépenses courantes, notamment au prélèvement de ses impôts et au remboursement du crédit de sa résidence principale, en troisième lieu, sa société Polyclinique Esthétique sera liquidée s'il ne peut reprendre son activité, en quatrième lieu, la décision contestée le prive définitivement de toutes perspectives professionnelles en France ainsi qu'à l'étranger, sa demande de certificat de bonne conduite étant restée sans réponse, en cinquième lieu, il a été contraint de cesser ses fonctions auprès de différentes sociétés scientifiques et, en dernier lieu, il est atteint par la situation, son métier constituant une véritable passion ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- la décision contestée fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 4111-2 du code de la santé publique en ce que les reproches qui lui sont faits, même cumulés, n'atteignent pas, au regard de la jurisprudence en la matière, un degré de gravité suffisant pour considérer qu'il ne remplit pas la condition de moralité nécessaire pour être inscrit à un tableau de l'ordre ;

- le reproche tiré de ce qu'il a poursuivi son exercice professionnel malgré le refus d'inscription au tableau de la Ville de Paris du 15 novembre 2023, en premier lieu, concerne des faits qui commencent maintenant à dater et qui ne présentent pas de lien direct avec la demande d'inscription litigieuse, en deuxième lieu, vise une période de moins de deux mois au cours de laquelle il a pris des vacances, alors qu'il avait préalablement exercé ses fonctions de manière régulière depuis plus de vingt ans, et, en dernier lieu, ne tient pas compte de ce qu'il n'a aucunement voulu mettre en cause l'autorité des instances ordinales et de ses décisions, dès lors qu'il a légitimement cru pouvoir continuer à exercer ses fonctions, après s'être renseigné, par le biais de son conseil, auprès du service juridique du conseil départemental (CDOM) de la Ville de Paris ;

- le reproche tiré de ce qu'il aurait omis d'indiquer dans sa demande d'inscription l'ensemble des sanctions définitives prononcées à son encontre concerne en réalité seulement un avertissement prononcé par la chambre disciplinaire nationale le 24 mai 2016, alors qu'il a bien fait mention de la sanction la plus sévère dont il a fait l'objet, une interdiction d'exercice pour une durée de 3 mois ferme, prononcée le 10 juin 2021 ;

- le reproche tiré de ce qu'il aurait omis de mentionner dans sa demande l'ensemble des procédures disciplinaires et autres instances en cours le concernant, d'une part, ne s'applique, à la date de cette demande, qu'à deux procédures alors en cours devant la chambre disciplinaire d'Ile-de-France, qui ont ultérieurement abouti au prononcé de peines peu sévères, à savoir des blâmes, et à deux plaintes déposées auprès du CDOM du Val-de-Marne, qui ne constituaient alors que de simples procédures amiables, et, d'autre part, ne tient pas compte de ce que toutes ces instances sont étroitement liées et résultent d'une campagne orchestrée contre lui ;

- la circonstance que les faits reprochés soient intervenus dans un bref délai ne peut être regardée comme aggravante alors, d'une part, que ces faits sont liés entre eux, l'exercice irrégulier de la médecine ayant immédiatement succédé au refus d'inscription pour omission déclarative, et d'autre part, que, au contraire, il a corrigé aussitôt ses erreurs en déposant une nouvelle demande d'inscription complète au CDOM de Paris, de même qu'il a indiqué l'ensemble des sanctions définitives et instances en cours dans sa demande présentée au CDOM des Hauts-de-Seine ;

- le CNOM ne peut continuer ainsi à s'opposer à toute demande d'inscription en se fondant sur les mêmes erreurs, qui ne présentent aucun lien avec ses nouvelles demandes d'inscription, car cela conduirait à l'empêcher définitivement d'exercer son activité professionnelle et produirait les effets d'une radiation, sanction dont il n'a pas fait l'objet.

Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés les 19 et 25 mars 2025, le CROM IDF conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au CNOM qui n'a pas produit d'observations.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. B..., et d'autre part, le CROM IDF et le CNOM ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 27 mars 2025, à 11 heures :

- Me Gougeon, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de M. B... ;

- M. B... ;

- Me de Mecquenem, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate du CROM ;

- la représentante du CROM ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l'instruction au 28 mars 2025 à 14 heures, puis au 31 mars 2025 à 14 heures ;

Vu le mémoire auprès audience, enregistré le 27 mars 2025, présenté par le CROM IDF ;

Vu le mémoire après audience, enregistré le 28 mars 2025, présenté par M. B... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. M. B..., docteur spécialiste en chirurgie plastique reconstructrice et esthétique, spécialisé en rhinoplastie, inscrit au tableau du conseil départemental du Val-de-Marne de l'ordre des médecins a déposé le 3 janvier 2022 auprès du conseil départemental de la Ville de Paris de l'ordre des médecins une demande d'inscription au tableau de ce département et sollicité sa radiation du tableau du Val-de-Marne. Par une première décision, non contestée, du 15 novembre 2023, puis, M. B... ayant déposé une nouvelle demande, par une décision du 13 mars 2024, le conseil départemental de la Ville de Paris a refusé d'inscrire M. B... au tableau de l'ordre des médecins de M. B.... Ce refus d'inscription a été confirmé, sur recours de M. B..., par la formation restreinte du conseil régional d'Ile-de-France, dans sa séance du 25 avril 2024, puis par la formation restreinte du conseil national de l'ordre des médecins, dans sa séance du 19 juin 2024. Par une ordonnance du 23 août 2024, le juge des référés du Conseil d'Etat a rejeté les conclusions à fin de suspension de cette dernière décision et d'injonction présentées par M. B....

3. Parallèlement, M. B... a sollicité, le 30 mai 2024, son inscription au tableau du conseil départemental des Hauts-de-Seine de l'ordre des médecins. Celui-ci, par décision du 13 novembre 2024, a procédé à cette inscription. Mais, sur appel du conseil national de l'ordre, la formation restreinte du conseil régional d'Ile-de-France de l'ordre des médecins a, le 13 février 2025, annulé cette décision. Cette décision d'annulation retient, d'une part, que la décision de refus d'inscription du 15 novembre 2023 mentionnée ci-dessus ayant mis fin à la période de transfert et avec elle à l'autorisation provisoire d'exercice dont bénéficiait M. B..., ce dernier, en poursuivant son activité, alors même que le conseil départemental lui avait expressément demandé de " cesser toutes activités médicales ", a contrevenu au principe de moralité. Elle se fonde, d'autre part, pour estimer que M. B... ne remplit pas la condition de moralité nécessaire à son inscription au tableau, sur le fait qu'il a omis, lors de sa première demande d'inscription au tableau de la Ville de Paris, d'indiquer l'ensemble des sanctions devenues définitives prononcées à son encontre ainsi que les procédures pendantes le concernant, en dépit de leur nombre et de la nature des faits reprochés. Après avoir exercé devant le conseil national de l'ordre des médecins le recours préalable requis par l'article L. 4112-4 du code de la santé publique, M. B... demande, dans la présente instance, la suspension de cette décision sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

4. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

5. M. B... fait valoir que la décision contestée, en le contraignant à interrompre son exercice professionnel, d'une part, met en difficulté des patients déjà opérés par lui qui nécessitent un suivi ou des interventions complémentaires de sa part, et, d'autre part, le prive de tout revenu et le met dans l'incapacité de faire face à ses charges, y compris le remboursement d'un emprunt immobilier, de sorte notamment que sa société risque de faire prochainement l'objet d'une liquidation judiciaire. Toutefois, selon les indications données lors de l'audience, le recours administratif présenté par M. B... devant le conseil national de l'ordre des médecins sera examiné par celui-ci lors d'une séance du 9 avril prochain et fera l'objet d'une décision notifiée peu après, le conseil national disposant en application de l'article R. 4112-5 du code de la santé publique d'un délai de deux mois pour statuer. Il ne résulte pas de l'instruction, notamment des éléments apportés par M. B... pour soutenir que la condition d'urgence est remplie, que la courte période restant à courir jusqu'à cette décision puisse modifier significativement la situation dont il fait état. Dans ces conditions, les effets de l'acte litigieux n'apparaissent pas, à la date de la présente décision, de nature à caractériser une urgence justifiant que l'exécution de la décision du 13 février 2025 soit suspendue.

6. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner la condition tenant à l'existence d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, les conclusions à fin de suspension et d'injonction de M. B... doivent être rejetées.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement par M. B..., partie perdante dans la présente instance. Il n'y a toutefois pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, dans la présente instance, à la charge de M. B..., une somme au titre de ces mêmes dispositions à verser au conseil régional de l'ordre des médecins.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par le conseil régional d'Ile-de-France de l'ordre des médecins sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B... et au conseil régional d'Ile-de-France de l'ordre des médecins.

Copie en sera adressée au conseil national de l'ordre des médecins.

Fait à Paris, le 2 avril 2025

Signé : Rémi Bouchez


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 502225
Date de la décision : 02/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 avr. 2025, n° 502225
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP GUÉRIN - GOUGEON ; SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:502225.20250402
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