Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 27 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les associations Sea Shepherd France et Sea Shepherd Rescue demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative :
1°) d'enjoindre à l'Etat de mettre en œuvre tous les pouvoirs dont il dispose afin d'assurer le maintien des animaux au sein du parc Marineland, dans des conditions conformes au bien-être animal, dans l'attente de la création d'un sanctuaire dans le parc permettant d'accueillir l'ensemble des animaux et notamment, d'enjoindre à la société Marineland de réaliser des travaux au sein de ses bassins ou de réaliser lui-même les travaux ;
2°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à l'Etat de mettre en œuvre tous les pouvoirs dont il dispose afin d'empêcher tout transfert des animaux dans des conditions contraires au bien-être animal dans l'attente de la création d'un sanctuaire dans le parc ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, d'enjoindre à l'Etat de mettre en œuvre tous les pouvoirs dont il dispose en vue de la transformation du parc Marineland en sanctuaire au sens de l'article L. 413-1-1 du code de l'environnement afin d'assurer un maintien provisoire des animaux dans l'attente de la création d'un sanctuaire dans le parc ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le juge des référés du Conseil d'Etat est compétent pour statuer sur leur demande dès lors que les mesures sollicitées relèvent de la compétence du Premier ministre et de la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, chargés de l'exécution des lois et de la sauvegarde de l'intérêt général ;
- elles justifient d'un intérêt pour agir ;
- la condition d'urgence est satisfaite en ce que, d'une part, les animaux devront quitter les lieux mi-avril et, d'autre part, le transfert des animaux à l'étranger porte une atteinte grave et immédiate aux intérêts qu'elles défendent ;
- le prononcé des mesures sollicitées ne fait pas obstacle à l'exécution d'une décision administrative ;
- les mesures sollicitées présentent une utilité certaine dès lors que le transfert des animaux à l'étranger, en premier lieu, les privera du bénéfice de la protection prévue par la loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes, en deuxième lieu, ne tient pas compte de leur bien-être et, en dernier lieu, ne permet pas d'assurer qu'ils ne feront pas l'objet d'un usage commercial tandis que les mesures sollicitées permettront de maintenir les animaux dans les bassins de Marineland ;
- les mesures sollicitées ne se heurtent à aucune contestation sérieuse dès lors qu'il est établi que le parc " Loro parque ", vers lequel certains animaux seraient transférés, n'assure pas le bien-être des animaux, leur état de santé se dégradant rapidement.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction du 3 mars 1973 ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 338/97 du 9 décembre 1996 du Conseil relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce ;
- le règlement (CE) n° 865/2006 du 4 mai 2006 de la Commission portant modalités d'application du règlement n° 338/97 ;
- le code de l'environnement ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes ;
- l'arrêté du 1er juillet 2011 de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire fixant la liste des mammifères marins protégés sur le territoire national et les modalités de leur protection ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. L'article L. 412-1 du code de l'environnement prévoit que : " (...), l'importation sous tous régimes douaniers, l'exportation, la réexportation de tout ou partie d'animaux d'espèces non domestiques (...), dont la liste est fixée par arrêtés conjoints du ministre chargé de l'environnement et, en tant que de besoin, du ou des ministres compétents, s'ils en font la demande, sont soumis, suivant la gravité de leurs effets sur l'état de conservation des espèces concernées et des risques qu'ils présentent pour la santé, la sécurité et la salubrité publiques, à déclaration ou à autorisation de l'autorité administrative délivrée dans les conditions et selon les modalités fixées par un décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 412-1 du même code : " Les arrêtés prévus à l'article L. 412-1, pris par le ministre chargé de l'environnement, précisent les espèces ou les catégories de spécimens d'animaux non domestiques et de végétaux non cultivés concernés, les activités soumises à autorisation ou à déclaration, le cas échéant les parties du territoire et les périodes de l'année où l'autorisation ou la déclaration desdites activités est requise ". En application des articles 2 et 9 de l'arrêté du 1er juillet 2011 de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire fixant la liste des mammifères marins protégés sur le territoire national et les modalités de leur protection, le transport, l'importation et l'exportation de certains animaux d'espèces non domestiques, dont les cétacés, sont soumis à autorisation.
3. Aux termes de l'article L. 413-12 du code de l'environnement, issu de la loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes : " (...) II.- Il est interdit de détenir en captivité ou de faire se reproduire en captivité des spécimens de cétacés, sauf au sein d'établissements mentionnés à l'article L. 413-1-1 ou dans le cadre de programmes scientifiques dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la protection de la nature. Cette interdiction entre en vigueur à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 précitée. (...) ". Aux termes de l'article L. 413-1-1 issu de la même loi : " Un refuge ou sanctuaire pour animaux sauvages captifs est un établissement à but non lucratif accueillant des animaux d'espèces non domestiques, captifs ou ayant été captifs, ayant fait l'objet d'un acte de saisie ou de confiscation, trouvés abandonnés ou placés volontairement par leur propriétaire qui a souhaité s'en dessaisir. (...) /Au sein d'un refuge pour animaux sauvages captifs, les animaux doivent être entretenus dans des conditions d'élevage qui visent à satisfaire les besoins biologiques, la santé et l'expression des comportements naturels des différentes espèces en prévoyant, notamment, des aménagements, des équipements et des enclos adaptés à chaque espèce. Toute activité de vente, d'achat, de location ou de reproduction d'animaux est interdite. (...) ". Il résulte de ces dernières dispositions qu'à compter du 2 décembre 2026, il sera interdit de détenir en captivité ou de faire se reproduire en captivité des spécimens de cétacés, sauf au sein des établissements répondant aux critères définis par l'article L. 413-1-1 du code de l'environnement.
4. Les associations Sea Shepherd France et Sea Shepherd Rescue font valoir que la société Marineland gère un parc d'attractions à Antibes, soumis à la réglementation des établissements zoologiques à caractère fixe et permanent, qui accueille plusieurs spécimens d'espèces de cétacés et qui, en raison de son statut de société commerciale ne répond pas à la qualification de refuge ou sanctuaire de l'article L413-1-1. Ils soutiennent qu'en raison de la fermeture de l'exploitation commerciale de cet établissement, et en l'absence à ce jour de refuge ou sanctuaire en mesure de les accueillir, il est nécessaire de proposer des solutions d'accueil pour ces cétacés en évitant un transfert, même temporaire, dans un delphinarium étranger, y compris au sein de l'Union européenne. Selon les requérants, de tels transferts comportent le risque que soit porté atteinte au bien-être des animaux et que la loi du 30 novembre 2021 soit privée d'effet. Selon eux encore, la possibilité que ces transferts soient mis en œuvre à brève échéance résulte de déclarations récentes de la ministre chargée de l'environnement indiquant la nécessité d'une solution transitoire d'accueil des cétacés dans l'attente d'une solution pérenne au sein d'un sanctuaire. Ils demandent principalement au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, qu'il enjoigne à l'Etat de mettre en œuvre " tous les pouvoirs dont il dispose " afin d'assurer le maintien des animaux au sein du parc Marineland, dans des conditions conformes au bien-être animal, dans l'attente de la création d'un sanctuaire dans le parc permettant d'accueillir l'ensemble des animaux et notamment, d'enjoindre à la société Marineland de réaliser des travaux au sein de ses bassins ou de réaliser lui-même les travaux.
5. Toutefois, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat statuant au contentieux dans une décision n° 490953 du 31 décembre 2024, l'autorité administrative compétente ne peut légalement délivrer l'autorisation de transfert prévue par l'article L. 412-1 s'il s'avère que les spécimens concernés seront utilisés à des fins principalement commerciales. Par ailleurs, dans l'hypothèse d'un transfert à l'intérieur du territoire national ou au sein de l'Union européenne, il appartient également à l'autorité administrative, pour délivrer l'autorisation demandée, de tenir compte du respect, d'une part, du bien-être animal tel qu'il est garanti par les dispositions des articles L. 214-1 et R. 214-17 du code rural et de la pêche maritime et, d'autre part, des conditions de cession des spécimens de ces espèces telles qu'elles sont encadrées par l'article 8 du règlement (CE) du 9 décembre 1996, qui prohibent notamment la vente et l'exposition des cétacés à des fins commerciales.
6. Sans qu'il soit besoin de s'interroger sur la compétence en premier ressort du juge des référés du Conseil d'Etat, il apparaît par suite manifeste que les mesures demandées sont dépourvues d'utilité. Il y a lieu, dès lors de rejeter la requête des associations Sea Shepherd France et Sea Shepherd Rescue sur le fondement de l'article L. 522-3 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête des associations Sea Shepherd France et Sea Shepherd Rescue est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée aux associations Sea Shepherd France et Sea Shepherd Rescue.
Fait à Paris, le 8 avril 2025
Signé : Stéphane Hoynck