Vu la procédure suivante :
L'association Lac d'Annecy Environnement a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir les deux arrêtés du 8 septembre 2023 par lesquels le maire de la commune de Talloires-Montmin (Haute-Savoie) a accordé deux permis de construire à la société par actions simplifiées (SAS) Louis 11 Capital. Par une ordonnance n° 2305351 du 8 septembre 2023, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Par une ordonnance n° 23LY03445 du 25 mars 2024, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 26 mars 2024, le président de la cour administrative d'appel de Lyon a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré au greffe de cette cour le 31 octobre 2023, présenté par l'association Lac d'Annecy Environnement.
Par ce pourvoi et un nouveau mémoire, enregistré le 9 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Lac d'Annecy Environnement demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Grenoble ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Talloires-Montmin la somme de 3 000 euros, à verser à la société Cabinet François Pinet, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet François Pinet, avocat de l'association Lac d'Annecy Environnement, et à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la SAS Louis 11 Capital;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.
2. Il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal administratif de Grenoble que le greffe de ce tribunal a enregistré, le 6 septembre 2023, le premier mémoire en défense de la SAS Louis 11 Capital, par lequel cette société a opposé une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du recours en excès de pouvoir contre les arrêtés du maire de Talloires-Montmin lui délivrant deux permis de construire. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que le président de la 2ème chambre du tribunal administratif a visé ce mémoire et s'est fondé sur les moyens qu'il soulevait pour faire droit à la fin de non-recevoir opposée en défense.
3. En statuant ainsi, alors que ce mémoire n'avait pas été communiqué à l'association Lac d'Annecy Environnement, l'ordonnance attaquée a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, l'association Lac d'Annecy Environnement est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de cette ordonnance.
4. L'association Lac d'Annecy Environnement a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la société Cabinet François Pinet, avocat de l'association requérante, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de la commune de Talloires-Montmin et de la SAS Louis 11 Capital la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 8 septembre 2023 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Grenoble.
Article 3 : La commune de Talloires-Montmin et la SAS Louis 11 Capital verseront la somme de 1 500 euros à la société Cabinet François Pinet, avocat de l'association Lac d'Annecy Environnement, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association Lac d'Annecy Environnement, à la SAS Louis 11 Capital et à la commune de Talloires-Montmin.
Délibéré à l'issue de la séance du 24 mars 2025 où siégeaient : Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 15 avril 2025.
La présidente :
Signé : Mme Rozen Noguellou
Le rapporteur :
Signé : M. Philippe Bachschmidt
La secrétaire :
Signé : Mme Sylvie Leporcq