Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiée (SAS) Mayotte Channel Gateway a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'une part, d'enjoindre à la société civile immobilière (SCI) Gaumar, à M. A... C... et à toute personne de libérer sans délai les parcelles nos 9 et 9 bis du Port de Longoni (département de Mayotte) occupées sans droit ni titre, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, et, d'autre part, de l'autoriser à requérir le concours de la force publique pour procéder à leur expulsion effective de ces dépendances du domaine public portuaire. Par une ordonnance n° 2202842 du 12 juillet 2022, ce juge des référés a fait droit à cette demande, en fixant le montant de l'astreinte à 500 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la notification de son ordonnance.
Par une décision n° 467034 du 12 mai 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé cette ordonnance et renvoyé l'affaire au juge des référés du tribunal administratif de Mayotte.
Par une ordonnance n° 2302297 du 10 juillet 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a rejeté la demande de la société Mayotte Channel Gateway.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 juillet 2024, 8 août 2024 et 21 février 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Mayotte Channel Gateway demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de faire droit à ses demandes ;
3°) de mettre à la charge de la société Gaumar et de Mme B... C..., venant aux droits de M. A... C..., la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Emile Blondet, auditeur,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Poupet et Kacenelenbogenk, avocat de la société Mayotte Channel Gateway et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Gaumar et de Madame C... ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 mars 2025, présentée par la société Gaumar et Mme C... ;
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Mayotte Channel Gateway, titulaire d'une délégation de service public pour l'exploitation du domaine public portuaire du port de Longoni (département de Mayotte), se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 10 juillet 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, sur renvoi de l'affaire à la suite de l'annulation par le Conseil d'Etat statuant au contentieux de sa première ordonnance du 12 mai 2023, a rejeté sa demande, présentée sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, tendant à ce qu'il soit enjoint à la société civile immobilière (SCI) Gaumar, à M. C... et à toute personne de libérer sans délai les parcelles nos 9 et 9 bis du Port de Longoni qu'ils occupent sans droit ni titre, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, et à l'autoriser à requérir le concours de la force publique pour procéder à leur expulsion effective.
2. Aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune autre décision administrative ". Lorsque le juge des référés est saisi, sur le fondement de ces dispositions, d'une demande d'expulsion d'un occupant du domaine public, il lui appartient de rechercher si, au jour où il statue, cette demande présente un caractère d'urgence et ne se heurte à aucune contestation sérieuse.
3. Pour juger que la demande d'expulsion de la société Gaumar, sollicitée par la société Mayotte Channel Gateway au motif que la première occuperait sans droit ni titre le domaine public, se heurtait à une contestation sérieuse, le juge des référés s'est fondé sur ce que, aux termes d'une convention conclue le 14 janvier 1999 pour une durée de vingt ans avec la chambre professionnelle de Mayotte, alors gestionnaire du domaine public portuaire de Longoni, la société Somarsal avait été autorisée à occuper une dépendance du domaine portuaire correspondant aux actuelles parcelles nos 9 et 9 bis, que le 14 décembre 2009, la chambre de commerce et d'industrie de Mayotte, qui avait succédé à la chambre professionnelle de Mayotte, a attesté du transfert de cette autorisation d'occupation temporaire à la société Gaumar et que par l'effet de la convention de délégation de service public pour la gestion et l'exploitation du port de Mayotte, prenant effet le 1er novembre 2013 pour une durée de quinze ans, à laquelle la société Mayotte Channel Gateway est partie, celle-ci était substituée au précédent exploitant du port dans l'exercice des droits et obligations de ce dernier au regard des tierces personnes bénéficiaires d'autorisations d'occupation. En statuant ainsi alors qu'il se déduisait nécessairement de ces éléments que l'autorisation dont avait disposé la société Gaumar avait pris fin le 13 janvier 2019 et qu'ayant relevé par ailleurs l'absence de nouvelle convention d'occupation conclue entre la société Mayotte Channel Gateway et la société Gaumar, il ne pouvait qu'en résulter que, à la date à laquelle il s'est prononcé, cette société occupait sans droit ni titre le domaine public, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a commis une erreur de droit.
4. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.
5. Il résulte de l'instruction que le seul titre produit ayant pu autoriser la société Gaumar à occuper les dépendances du domaine public en litige avait pour échéance le 13 janvier 2019 et qu'aucun élément n'établit que cette échéance aurait été prorogée ou qu'une nouvelle autorisation aurait été accordée à cette société. Or, le maintien de la société Gaumar et de Mme C... dans les lieux fait obstacle à ce que la société Mayotte Channel Gateway puisse, dans le cadre d'une valorisation normale de ce domaine et compte tenu du faible nombre d'emplacements disponibles au sein du port, accorder des autorisations d'occupation de cette dépendance à d'autres personnes ayant effectivement manifesté leur intérêt à court terme pour l'exploitation de terrains portuaires de cette taille. La mesure d'expulsion sollicitée par la société Mayotte Channel Gateway présente, par voie de conséquence, un caractère d'utilité et d'urgence, et ne se heurte à aucune contestation sérieuse.
6. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Mayotte Channel Gateway, il y a lieu d'enjoindre à la société Gaumar, à Mme C..., ainsi qu'à tous occupants de leur chef, de libérer, sans délai, les parcelles n° 9 et 9 bis qu'ils occupent au sein du domaine public portuaire de Longoni. Il y a lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte de 200 euros par jour s'il n'est pas justifié de l'exécution de la présente décision dans le délai de trois mois à compter de sa notification. En revanche, il n'entre pas dans l'office du juge administratif, statuant sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative d'autoriser la société Mayotte Channel Gateway à demander à l'Etat le concours de la force publique pour l'exécution de la présente décision. Les conclusions de la société Mayotte Channel Gateway présentées en ce sens sont, par suite, irrecevables et doivent être rejetées.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge conjointe de la société Gaumar et de Mme C... la somme de 3 000 euros à verser à la société Mayotte Channel Gateway au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions du même article font obstacle à ce qu'une somme mise à ce titre à la charge de la société Mayotte Channel Gateway qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 10 juillet 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Mayotte est annulée.
Article 2 : Il est enjoint à la société Gaumar et à Mme C..., ainsi qu'à tous occupants de leur chef, de libérer sans délai les parcelles n° 9 et 9 bis qu'ils occupent au sein du domaine public portuaire de Longoni
Article 3 : Une astreinte de 200 euros par jour est prononcée à l'encontre de la société Gaumar et de Mme C... s'il n'est pas justifié de l'exécution de la présente décision dans le délai de trois mois à compter de sa notification.
Article 4 : La société Gaumar et Mme C... verseront conjointement une somme de 3 000 euros à la société Mayotte Channel Gateway au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des demandes de la société Mayotte Channel Gateway et les conclusions de la société Gaumar et de Mme C... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Mayotte Channel Gateway, à la société civile immobilière Gaumar et à Mme B... C....
Copie en sera adressée à la section des études, de la prospective et de la coopération.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 mars 2025 où siégeaient : M. Thomas Andrieu, président de chambre, présidant ; M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat et M. Emile Blondet, auditeur-rapporteur.
Rendu le 15 avril 2025.
Le président :
Signé : M. Thomas Andrieu
Le rapporteur :
Signé : M. Emile Blondet
Le secrétaire :
Signé : M. Aurélien Engasser