Vu la procédure suivante :
Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 10 et 18 avril 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision du 10 février 2025 par laquelle la présidente de l'université de Nouvelle-Calédonie a prolongé sa suspension à titre conservatoire pour une durée maximale de huit mois à compter du 11 février 2025 ;
2°) d'enjoindre à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche de le réintégrer dans ses fonctions dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous une astreinte de 500 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite, dès lors que la décision contestée, en premier lieu, l'empêche d'exercer ses fonctions d'enseignant et de directeur de thèse et de siéger au conseil d'administration de l'université nationale de Vanuatu et, en second lieu, compromet la poursuite du projet international de recherche " Inclusive peace " qui est d'une importance majeure, particulièrement dans le contexte de fortes tensions en Nouvelle-Calédonie, et doit donner lieu à une conférence à Tokyo en juin 2025 ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- cette décision est entachée d'incompétence en ce qu'elle a été signée par la présidente de l'université, en méconnaissance de l'article L. 951-4 du code de l'éducation ;
- elle est entachée d'une erreur de fait et méconnaît le principe d'indépendance des professeurs d'université ;
- elle fait une inexacte application de l'article L. 951-4 du code de l'éducation, en l'absence de la double condition de vraisemblance et de gravité des faits qui sont reprochés ;
- la prolongation de la mesure de suspension est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que les faits qui lui sont reprochés sont anciens et que rien ne permet de penser qu'il voudrait influencer des personnes auditionnées dans le cadre de l'enquête administrative qui a été diligentée, d'autant que les auditions sont à ce jour terminées ;
- elle constitue une sanction déguisée et est, par suite, entachée d'un détournement de procédure ;
- elle a été prise pour un motif discriminatoire et en réalité étranger à l'intérêt du service, caractérisant un détournement de pouvoir, en ce qu'elle vise à le tenir à l'écart de l'université en raison de ses convictions et à envoyer un message politique, par la publicité qui lui a été donnée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. M. B..., professeur des universités agrégé de droit public, affecté à l'université de la Nouvelle-Calédonie, a été suspendu à titre conservatoire de l'ensemble de ses fonctions et responsabilités pour une durée de quatre mois, avec maintien de son traitement, par une décision de la présidente de cette université qui lui a été notifiée le 12 octobre 2024. Par une nouvelle décision du 10 février 2025, la présidente de l'université a prolongé cette mesure de suspension, avec maintien de son traitement, jusqu'à la conclusion des travaux de la mission d'enquête administrative confiée à l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, dans la limite de huit mois. M. B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de cette décision.
3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.
4. Pour caractériser l'urgence qui s'attache selon lui à la suspension de l'exécution de cette décision, M. B... fait valoir que la mesure décidée à son encontre conduit à léser ses étudiants et doctorants, à l'empêcher de siéger au conseil d'administration de l'université nationale de Vanuatu et à compromettre gravement la poursuite, en Nouvelle-Calédonie, du projet international de recherches " Inclusive peace ", dont il est responsable pour la partie calédonienne et qui doit donner lieu à un colloque à Tokyo en juin 2025.
5. Toutefois, il ressort des termes mêmes de la décision contestée du 10 février 2025 que la prolongation de la mesure de suspension prise à son encontre n'est prévue que jusqu'à la conclusion des travaux de la mission d'enquête administrative diligentée. La précision selon laquelle la mesure de suspension est prolongée dans la limite de huit mois, figurant à l'article 2 de cette décision, vise seulement à garantir le respect des dispositions de l'article L. 951-4 du code de l'éducation selon lesquelles le temps de la suspension ne saurait excéder un an, sans permettre de prolonger la mesure de suspension au-delà de la date de conclusion des travaux. Or, il ressort des écritures mêmes du requérant que la mission d'enquête a d'ores et déjà achevé ses auditions à la date de la présente ordonnance et qu'il lui a transmis ses observations sur le projet de rapport, si bien que la conclusion de ses travaux devrait être imminente. Dans ces conditions, les effets de la prolongation contestée n'apparaissent pas, à la date de la présente ordonnance, de nature à caractériser une situation d'urgence, y compris pour la poursuite du projet de recherches " Inclusive peace ". Par suite, la condition d'urgence ne peut pas être regardée comme remplie.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre condition requise par l'article L. 521-1 du code de justice administrative, qu'il y a lieu de rejeter la requête de M. B..., y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du même code, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 de ce code.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B....
Fait à Paris, le 18 avril 2025
Signé : Suzanne von Coester