Vu la procédure suivante :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 17 juillet 2015 par laquelle le maire d'Enchastrayes (Alpes-de-Haute-Provence) a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont elle souffre, et, d'autre part, de lui enjoindre de tirer toutes les conséquences de cette annulation. Par un jugement du 7 novembre 2017, confirmé en appel par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 21 mai 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté et a enjoint au maire d'Enchastrayes de régulariser la situation administrative et financière de Mme A..., en lui versant notamment la différence de traitement entre ce qu'elle a perçu et ce qu'elle aurait dû percevoir en application de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard. Mme A... a ultérieurement demandé au même tribunal administratif de liquider l'astreinte prononcée par ce jugement. Par un jugement n° 1807236 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune d'Enchastrayes à verser une astreinte provisoire de 16 600 euros, dont 3 320 euros à Mme A... et le solde au budget de l'Etat, maintenu l'astreinte au même taux jusqu'à l'entière exécution du jugement du 7 novembre 2017 et rejeté le surplus des conclusions des parties.
Par un arrêt n° 22MA02477 du 15 mai 2023, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement en tant qu'il a condamné la commune d'Enchastrayes à verser une astreinte provisoire, supprimé l'astreinte prévue par le jugement du 7 novembre 2017 et rejeté le surplus des conclusions de la commune d'Enchastrayes.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 juillet et 2 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de la commune d'Enchastrayes la somme de 3 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme B... A... et à la SCP Bauer-Violas - Feschotte-Desbois - Sebagh, avocat de la commune d'Enchastrayes ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., attachée territoriale, était, jusqu'à sa mutation à la métropole Aix-Marseille-Provence le 1er juin 2018, employée en qualité de secrétaire de mairie par la commune d'Enchastrayes depuis le 1er décembre 2009. Elle a été placée en congé de maladie ordinaire à compter du 8 août 2014 et a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie. Par un arrêté du 17 juillet 2015, le maire de la commune a refusé de faire droit à cette demande. Par un jugement du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté et a enjoint au maire de régulariser la situation administrative et financière de Mme A..., notamment en lui versant la différence de traitement entre ce qu'elle avait perçu et ce qu'elle aurait dû percevoir en application de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard. Par un arrêt du 21 mai 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la commune d'Enchastrayes contre ce jugement. Mme A... a saisi la cour administrative d'appel de Marseille, le 4 juillet 2018, d'une demande d'exécution du jugement du 7 novembre 2017 et le tribunal administratif de Marseille, le 21 novembre 2021, d'une demande de liquidation de l'astreinte prononcée par ce jugement. Par un arrêt du 5 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a enjoint au maire d'Enchastrayes de prendre un arrêté reconnaissant l'imputabilité au service de la maladie contractée par Mme A... et ayant justifié son placement en congé de maladie à compter du 8 août 2014 jusqu'au 31 mai 2018, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, et a rejeté le surplus des conclusions de Mme A.... Par un jugement du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, procédé à la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée par son jugement du 7 novembre 2017, en condamnant la commune d'Enchastrayes à verser à ce titre la somme de 16 600 euros, dont 3 320 euros au bénéfice de Mme A... et le solde au budget de l'Etat, et, d'autre part, maintenu cette astreinte au même taux jusqu'à l'entière exécution de ce jugement. Mme A... se pourvoit contre l'arrêt du 15 mai 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la commune, d'une part annulé ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser une astreinte provisoire et une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, d'autre part, supprimé l'astreinte provisoire prononcée par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 novembre 2017.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. / Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence de définition, par le jugement ou l'arrêt dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative d'y procéder lui-même en tenant compte des situations de droit et de fait existant à la date de sa décision. Si la décision faisant l'objet de la demande d'exécution prescrit déjà de telles mesures en application de l'article L. 911-1 du même code, il peut, dans l'hypothèse où elles seraient entachées d'une obscurité ou d'une ambigüité, en préciser la portée. Le cas échéant, il lui appartient aussi d'en édicter de nouvelles en se plaçant, de même, à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir remettre en cause celles qui ont précédemment été prescrites ni méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. / Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. / Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 921-7 du même code : " A compter de la date d'effet de l'astreinte prononcée (...) par le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, le président de la juridiction ou le magistrat qu'il désigne, après avoir accompli le cas échéant de nouvelles diligences, fait part à la formation de jugement concernée de l'état d'avancement de l'exécution de la décision. La formation de jugement statue sur la liquidation de l'astreinte ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à la juridiction qui a prononcé une astreinte ou qui l'a modifiée de la liquider. Par suite, lorsque la cour administrative d'appel, saisie d'un appel contre le jugement d'un tribunal administratif ayant prononcé une astreinte, rejette cet appel, seul ce tribunal est compétent pour procéder, d'office ou à la demande d'une partie, à la liquidation de cette astreinte.
4. En l'espèce, la cour administrative d'appel de Marseille a, par arrêt du 21 mai 2019, rejeté l'appel formé par la commune d'Enchastrayes contre le jugement du 7 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 17 juillet 2015 refusant de faire droit à la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de Mme A... et enjoint au maire de cette commune de régulariser la situation administrative et financière de celle-ci, dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement et sous astreinte de 200 euros par jour de retard. En vertu des principes rappelés au point 2, la cour administrative de Marseille, saisie par Mme A... d'une demande d'exécution de ce jugement en application de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, était compétente pour préciser, ainsi qu'elle l'a fait par son arrêt du 5 juillet 2022, la portée de l'obligation faite à la commune de régulariser la situation administrative et financière de l'intéressée, mais non pour supprimer les mesures déjà ordonnées par le tribunal administratif et notamment l'astreinte qu'il avait prononcée. Dès lors, la circonstance que la cour a par cet arrêt, après avoir constaté que le jugement n'était pas complètement exécuté, accordé à la commune un délai de deux mois pour prendre l'arrêté, qu'il impliquait, portant reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de Mme A... ne faisait pas obstacle à ce que le tribunal administratif, statuant huit jours plus tard sur la demande de liquidation de l'astreinte dont il était simultanément saisi et qu'il était seul compétent pour examiner, procède, par le jugement du 13 juillet 2022, à la liquidation provisoire qui lui était demandée. Par suite, en jugeant par l'arrêt contesté du 15 mai 2023 que le tribunal administratif ne pouvait procéder à la liquidation provisoire de l'astreinte sans tenir compte du délai de deux mois qu'elle avait accordé par son jugement du 5 juillet 2022, la cour a commis une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que Mme A... est fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 15 mai 2023.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
7. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...) ; Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) ".
8. En premier lieu, l'exécution du jugement du 7 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 17 juillet 2015 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie contractée par Mme A... et a enjoint à la commune d'Enchastrayes de régulariser, dans le délai d'un mois, la situation administrative et financière de Mme A..., impliquait nécessairement, eu égard à ses motifs, que cette commune reconnaisse l'imputabilité au service de sa maladie. Contrairement à ce qui est soutenu, les circonstances que l'intéressée s'est trouvée maintenue en congé de longue durée jusqu'au 31 mai 2018 et que la commune a régularisé en décembre 2017 la différence entre les traitements qu'elle avait perçus jusqu'alors et une rémunération à plein traitement n'était pas de nature à rendre cette reconnaissance inutile, eu égard aux conséquences attachées à une telle reconnaissance, qui ne se limitent pas au maintien du plein traitement. Si la commune a pris un arrêté en ce sens le 11 août 2022, il est constant que le jugement du 7 novembre 2017 n'était pas entièrement exécuté à la date du 13 juillet 2022 à laquelle le tribunal administratif a prononcé la liquidation provisoire de l'astreinte.
9. En deuxième lieu, la circonstance que l'intéressée, qui avait vainement cherché par ses demandes à obtenir la pleine exécution du jugement du 7 novembre 2017, n'a déposé de requête en liquidation d'astreinte que le 21 novembre 2021 ne saurait faire obstacle à la liquidation de celle-ci.
10. En troisième lieu, la commune d'Enchastrayes fait valoir qu'elle a régularisé la situation financière de Mme A... dès le 10 décembre 2017 et que celle-ci, qui n'a pas contesté la prolongation de son congé de longue durée, a bénéficié dès cette date de son plein traitement et des avantages qui y sont liés auxquels sa situation lui donnait droit, ainsi que l'a jugé la cour administrative d'appel dans son arrêt d'exécution du 5 juillet 2022, si bien que le jugement du 7 novembre 2017 n'était, selon elle, que très partiellement inexécuté, alors que la liquidation de l'astreinte représente une charge très lourde pour son budget. Le tribunal administratif de Marseille n'a pas fait une inexacte appréciation de ces circonstances en réduisant, par le jugement contesté, le taux de l'astreinte qu'il avait prononcée de 200 à 10 euros par jour de retard et en procédant à la liquidation de l'astreinte, pour la période s'étendant du 10 décembre 2017 au 29 juin 2022, à hauteur de la somme de 16 600 euros dont 20 % seulement versés à Mme A....
11. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Enchastrayes n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque, ni la suppression de l'astreinte ordonnée par le jugement du 7 novembre 2017.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme A..., qui n'est la partie perdante ni dans l'instance d'appel ni devant le Conseil d'Etat. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Enchastrayes la somme de 3 000 euros à verser, à ce titre, à Mme A....
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 15 mai 2023 est annulé.
Article 2 : La requête d'appel de la commune d'Enchastrayes est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune d'Enchastrayes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La commune d'Enchastrayes versera à Mme A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à la commune d'Enchastrayes.
Délibéré à l'issue de la séance du 10 avril 2025 où siégeaient : Mme Sylvie Pellissier, conseillère d'Etat, présidant ; M. Philippe Ranquet, conseiller d'Etat et M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 30 avril 2025.
La présidente :
Signé : Mme Sylvie Pellissier
Le rapporteur :
Signé : M. Géraud Sajust de Bergues
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova