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13/05/2025 | FRANCE | N°503966

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 13 mai 2025, 503966


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 5 mai 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution de la décision du 9 avril 2025 de la formation restreinte du conseil national de l'ordre des médecins (CNOM) (dossier n° 2412) ;



2°) d'enjoindre au CNOM de l'inscrire au tableau du conseil départemental des Hauts-de

-Seine de l'ordre des médecins dans un délai de dix jours à compter de la notification de l...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 5 mai 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du 9 avril 2025 de la formation restreinte du conseil national de l'ordre des médecins (CNOM) (dossier n° 2412) ;

2°) d'enjoindre au CNOM de l'inscrire au tableau du conseil départemental des Hauts-de-Seine de l'ordre des médecins dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ;

3°) de l'autoriser à exercer provisoirement ses fonctions dans l'attente de la décision au fond ;

4°) de mettre à la charge du CNOM la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, en premier lieu, il ne peut plus programmer de consultations avec de nouveaux patients ni assurer le suivi de ses anciens patients, dont certains ont besoin d'interventions complémentaires et ne peuvent être pris en charge que par un médecin spécialisé dans la rhinoplastie, alors que les médecins ayant cette spécialité sont peu nombreux et acceptent rarement d'assurer le suivi de patients qu'ils n'ont pas pris en charge initialement, en deuxième lieu, il est privé de tout revenu et n'a droit à aucune aide sociale, de sorte qu'il ne peut faire face à ses dettes et dépenses courantes, notamment au prélèvement de ses impôts, ce qui a pour conséquence qu'il fait l'objet d'une saisie à tiers détenteur de la part du service des impôts des entreprises, et au remboursement du crédit de sa résidence principale, sa situation présente n'étant pas couverte par sa police d'assurance, en troisième lieu, sa société Polyclinique Esthétique risque de faire sous peu l'objet d'une liquidation judiciaire s'il ne peut reprendre son activité, en quatrième lieu, la décision contestée le prive, sans limite dans le temps, de toute perspective d'activité professionnelle en France, le CNOM ayant au demeurant procédé, par une décision du 26 février 2025, à sa radiation du tableau de l'ordre, ainsi qu'à l'étranger, sa demande de certificat de bonne conduite étant restée sans réponse malgré ses relances, en cinquième lieu, il a été contraint de cesser ses fonctions auprès de différentes sociétés scientifiques et, en dernier lieu, il est atteint par la situation, son métier constituant une véritable passion ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- cette décision méconnaît le principe général du droit selon lequel une sanction ne peut être aggravée sur le seul recours de l'appelant qui en fait l'objet (prohibition de la " reformatio in pejus "), car elle est fondée sur des reproches nouveaux tirés de ce qu'il a fait l'objet de six décisions disciplinaires définitives et fait l'objet de quatre autres plaintes disciplinaires et de trois procédures judiciaires, alors que le conseil régional de l'ordre des médecins d'Ile-de-France (CROM d'Ile-de-France) s'était fondé sur les seules circonstances qu'il avait exercé la médecine sans être inscrit à un tableau de l'ordre et qu'il avait omis de mentionner l'ensemble des sanctions disciplinaires définitives et des procédures pendantes le concernant ;

- la formation restreinte du CNOM a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 4111-2 du code de la santé publique en ce que les reproches qui lui sont faits, même cumulés, n'atteignent pas, au regard de la jurisprudence en la matière, en particulier certaines décisions récentes, un degré de gravité suffisant pour considérer qu'il ne remplit pas la condition de moralité nécessaire pour être inscrit à un tableau de l'ordre ;

- le reproche tiré de ce qu'il aurait omis d'indiquer dans sa première demande d'inscription au tableau de la Ville de Paris, en janvier 2022, l'ensemble des sanctions définitives et procédures en cours le concernant ne s'applique en réalité, à la date de cette demande, qu'à un avertissement prononcé par la chambre disciplinaire nationale le 24 mai 2016, alors qu'il a bien fait mention de la sanction la plus sévère dont il a fait l'objet, une interdiction d'exercice pour une durée de 3 mois ferme prononcée le 10 juin 2021, et à une seule procédure alors en cours devant la chambre disciplinaire d'Ile-de-France, qui a ultérieurement abouti au prononcé d'une peine peu sévère, à savoir un blâme, et ne tient pas compte de ce que, après s'être vu opposer un refus d'inscription pour ce motif, il a immédiatement déposé une nouvelle demande complète au CDOM de la Ville de Paris, de même qu'il a indiqué l'ensemble des sanctions définitives et instances en cours dans sa demande présentée au CDOM des Hauts-de-Seine ;

- le reproche tiré de ce qu'il a poursuivi son exercice professionnel malgré le refus d'inscription au tableau de la Ville de Paris du 15 novembre 2023, en premier lieu, concerne des faits qui commencent maintenant à dater et qui ne présentent pas de lien direct avec la demande d'inscription dans les Hauts-de-Seine qui fait l'objet de la présente procédure, en deuxième lieu, vise une période de moins de deux mois au cours de laquelle il a pris des vacances, alors qu'il avait préalablement exercé ses fonctions de manière régulière depuis plus de vingt ans, et, en dernier lieu, ne tient pas compte de ce qu'il n'a aucunement voulu mettre en cause l'autorité des instances ordinales et de ses décisions, dès lors qu'il a légitimement cru pouvoir continuer à exercer ses fonctions, après s'être renseigné, par le biais de son conseil, auprès du service juridique du CDOM de la Ville de Paris ;

- aucune des six sanctions disciplinaires définitives prises en considération par le CNOM ne se fonde sur un manquement grave à l'obligation de moralité de nature à faire obstacle à son inscription et l'une d'entre elles fait l'objet d'un recours en cassation devant le Conseil d'Etat et n'est donc pas définitive ;

- les poursuites disciplinaires et les procédures judiciaires en cours mentionnées par le CNOM traduisent la vindicte et l'acharnement d'un confrère chirurgien maxillo-facial et de quelques patients et ne démontrent pas de manquement au devoir de moralité, d'autant que certaines décisions judiciaires récentes ont donné tort à ces personnes.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. M. B..., docteur spécialiste en chirurgie plastique reconstructrice et esthétique, spécialisé en rhinoplastie, inscrit au tableau du conseil départemental du Val-de-Marne de l'ordre des médecins a déposé le 3 janvier 2022, auprès du conseil départemental de la Ville de Paris de l'ordre des médecins, une demande d'inscription au tableau de ce département et sollicité sa radiation du tableau du Val-de-Marne. Par une première décision, non contestée, du 15 novembre 2023, puis, M. B... ayant déposé une nouvelle demande, par une décision du 13 mars 2024, le conseil départemental de la Ville de Paris a refusé d'inscrire M. B... au tableau de l'ordre des médecins. Ce refus a été confirmé, sur recours de M. B..., par la formation restreinte du conseil régional d'Ile-de-France, le 25 avril 2024, puis par la formation restreinte du CNOM, le 19 juin 2024. Par une ordonnance du 23 août 2024, le juge des référés du Conseil d'Etat a rejeté les conclusions à fin de suspension de cette dernière décision et d'injonction présentées par M. B....

3. Parallèlement, M. B... a sollicité, le 30 mai 2024, son inscription au tableau du conseil départemental des Hauts-de-Seine de l'ordre des médecins. Celui-ci, par une décision du 13 novembre 2024, a procédé à cette inscription. Mais, sur appel du CNOM, la formation restreinte du conseil régional d'Ile-de-France de l'ordre des médecins a, le 13 février 2025, annulé cette décision. Par une ordonnance du 2 avril 2025, le juge des référés du Conseil d'Etat a rejeté les conclusions à fin de suspension de cette décision et d'injonction présentées par M. B.... Puis, par une décision du 9 avril 2025, notifiée le 23 avril suivant, la formation restreinte du CNOM a rejeté le recours formé par M. B... contre la décision du 13 février 2025 et donc confirmé l'annulation de l'inscription de M. B... au tableau du conseil départemental des Hauts-de-Seine. Cette décision retient, en premier lieu, qu'à l'occasion de sa première demande d'inscription au tableau du conseil départemental de la Ville de Paris, M. B... a omis de mentionner, dans le questionnaire d'inscription, des sanctions et une procédure disciplinaire en cours, en second lieu, qu'il a fait l'objet, sur une période d'environ dix années, de six sanctions disciplinaires définitives, dont cinq relatives à un comportement contraire à la déontologie médicale à l'égard des patients, et qu'il fait l'objet de quatre autres plaintes disciplinaires et de trois procédures judiciaires, et, en dernier lieu, qu'il a exercé illégalement la médecine entre le 24 novembre 2023 et le 15 janvier 2024 alors que son inscription au tableau du conseil départemental de la Ville de Paris avait été refusée et qu'il ne bénéficiait plus des dispositions applicables en cas de transfert.

4. D'une part, si M. B... soutient que la formation restreinte du CNOM, en ajoutant des motifs à ceux retenus par la formation restreinte du CROM d'Ile-de-France pour confirmer l'annulation de son inscription au tableau de l'ordre des Hauts-de-Seine prononcé par ce dernier, a méconnu le principe général selon lequel une sanction ne peut être aggravée sur le seul recours de l'appelant qui en fait l'objet (" reformatio in pejus "), un tel moyen, formulé à l'encontre d'une décision administrative qui n'a pas le caractère d'une sanction et dont, au demeurant, le dispositif a exactement le même effet que celui de la décision à laquelle elle se substitue, n'est manifestement pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée. D'autre part, eu égard au nombre et à la nature des manquements, sanctions et procédures, dont la plupart touchent à la déontologie médicale, que la formation restreinte du CNOM a retenus pour estimer que M. B... ne remplit pas la condition de moralité exigée pour être inscrit à l'ordre des médecins, le moyen tiré de ce que cette formation aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 4111-2 du code de la santé publique, qui prévoient cette condition, n'est manifestement pas plus de nature à justifier la suspension de l'exécution de la décision contestée.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, les conclusions de M. B... doivent être rejetées selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761 1 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B....

Copie en sera adressée au conseil national de l'ordre des médecins.

Fait à Paris, le 13 mai 2025

Signé : Rémi Bouchez


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 503966
Date de la décision : 13/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 mai. 2025, n° 503966
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP GUÉRIN - GOUGEON

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:503966.20250513
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