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16/05/2025 | FRANCE | N°491078

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 16 mai 2025, 491078


Vu la procédure suivante :



M. F... C... et Mme G... B..., agissant tant en leur nom personnel qu'au nom de leur enfant mineure ont demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler les décisions du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 31 août 2022 rejetant leur demande d'asile et de leur reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de leur accorder le bénéfice de la protection subsidiaire. Par une décision n°s 22059242 et 22059244 du 3 mai 2023, la Cour nationale du droit d'asile a rej

eté leurs demandes.



Par un pourvoi sommaire, un mémoire complé...

Vu la procédure suivante :

M. F... C... et Mme G... B..., agissant tant en leur nom personnel qu'au nom de leur enfant mineure ont demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler les décisions du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 31 août 2022 rejetant leur demande d'asile et de leur reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de leur accorder le bénéfice de la protection subsidiaire. Par une décision n°s 22059242 et 22059244 du 3 mai 2023, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté leurs demandes.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 janvier et 22 avril 2024 et le 29 avril 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de mettre à la charge de l'OFPRA la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Zribi et Texier, leur avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967, relatifs au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Alexandra Bratos, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Frédéric Puigserver, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat de M. C... et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des refugies et apatrides ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que Mme B... et M. C..., ressortissants ivoiriens, ont présenté une demande d'asile à l'occasion de laquelle ils ont été entendus à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) pour un entretien personnel le 11 août 2022 pour la première et le 24 août 2022 pour le second. Par deux décisions du 31 août 2022, l'OFPRA a rejeté leurs demandes. Mme B... et M. C... ont, le 12 décembre 2022, chacun saisi la Cour nationale du droit d'asile d'un recours contre ces décisions. Par un mémoire complémentaire enregistré au greffe de la Cour le 24 janvier 2023, Mme B... a informé la Cour de la naissance, le 25 août 2022, de leur fille, E... C.... La demande d'asile de cette enfant a été enregistrée au guichet unique de demande d'asile le 7 avril 2023. Les requérants se pourvoient en cassation contre la décision du 3 mai 2023 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile, examinant à cette occasion la demande d'asile de leur enfant mineure, a rejeté leurs recours contre les décisions de l'OFPRA.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la demande d'asile est présentée par un étranger qui se trouve en France accompagné de ses enfants mineurs, la demande est regardée comme présentée en son nom et en celui de ses enfants ". Aux termes de l'article L. 531-23 du même code : " Lorsqu'il est statué sur la demande de chacun des parents présentée dans les conditions prévues à l'article L.521-3, la décision accordant la protection la plus étendue est réputée prise également au bénéfice des enfants. Cette décision n'est pas opposable aux enfants qui établissent que la personne qui a présenté la demande n'était pas en droit de le faire ".

3. D'autre part, l'article L. 521-13 de ce code fait obligation au demandeur d'asile de " coopérer avec l'autorité administrative compétente en vue d'établir son identité, sa nationalité ou ses nationalités, sa situation familiale, son parcours depuis son pays d'origine ainsi que, le cas échéant, ses demandes d'asile antérieures " et, aux termes de l'article L. 531-5 du même code : " de présenter, aussi rapidement que possible, tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande d'asile. (...) ". Et l'article L. 531-9 de ce code dispose que : " Si des éléments nouveaux sont présentés par le demandeur d'asile alors que la procédure concernant sa demande est en cours, ils sont examinés, dans le cadre de cette procédure, par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides s'il n'a pas encore statué ou par la Cour nationale du droit d'asile si elle est saisie ".

4. Enfin, aux termes de l'article L. 531-12 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides convoque le demandeur d'asile à un entretien personnel (...). Il peut s'en dispenser dans les situations suivantes :1° Il s'apprête à prendre une décision reconnaissant au demandeur la qualité de réfugié à partir des éléments en sa possession ; / 2° Des raisons médicales, durables et indépendantes de la volonté de l'intéressé interdisent de procéder à l'entretien. " Et aux termes de l'article L. 532-3 du même code : " la Cour nationale du droit d'asile ne peut annuler une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et lui renvoyer l'examen de la demande d'asile que lorsqu'elle juge que l'office a pris cette décision sans procéder à un examen individuel de la demande ou en se dispensant, en dehors des cas prévus par la loi, d'un entretien personnel avec le demandeur et qu'elle n'est pas en mesure de prendre immédiatement une décision positive sur la demande de protection au vu des éléments établis devant elle ".

5. Il résulte de la combinaison de ces différentes dispositions qu'il appartient à l'étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile de présenter une demande en son nom et, le cas échéant, en celui de ses enfants mineurs qui l'accompagnent et de faire valoir, s'il y a lieu, les craintes propres de persécution de ses enfants lors de l'entretien prévu à l'article L. 531-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il en va également ainsi en cas de naissance ou d'entrée en France d'un enfant mineur postérieurement à l'enregistrement de sa demande, l'étranger étant tenu d'informer dans les meilleurs délais l'Office de cette naissance ou entrée, y compris lorsque l'Office a déjà statué sur sa demande.

6. En cas de naissance ou d'entrée en France d'un enfant mineur antérieurement à l'entretien avec l'étranger, la décision rendue par l'Office est réputée l'être à l'égard du demandeur et de l'enfant, sauf s'il est établi que la personne qui a présenté la demande n'était pas en droit de le faire.

7. Si cette naissance ou cette entrée intervient postérieurement à l'entretien avec l'étranger, et si que des craintes de persécution propres à l'enfant sont invoquées, il appartient à l'OFPRA de convoquer à nouveau l'étranger afin qu'il puisse, le cas échéant, faire valoir de telles craintes. Lorsque l'Office est informé de ces craintes postérieurement à sa décision sur la demande de l'étranger, il lui appartient en outre de réformer cette décision afin d'en tenir compte. Il en est ainsi y compris après l'enregistrement d'un recours devant la Cour nationale du droit d'asile.

8. Dans ces différents cas, lorsque l'OFPRA n'a pas procédé à un tel examen individuel des craintes propres à l'enfant ou s'est abstenu de convoquer l'étranger à un nouvel entretien, il appartient, en cas de recours, à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision de l'OFPRA et de lui renvoyer l'examen des craintes propres à l'enfant si, d'une part, elle n'est pas en mesure de prendre immédiatement une décision positive sur la demande de protection de l'enfant au vu des éléments établis devant elle et que, d'autre part, elle estime que l'absence de prise en compte de l'enfant ou de ses craintes propres par l'Office n'est pas imputable au parent de cet enfant.

9. En premier lieu, l'information relative à la naissance de l'enfant qui, en vertu de ce qui a été dit au point 5, doit être portée à la connaissance de l'OFPRA dans les meilleurs délais, doit nécessairement être faite auprès des autorités en charge de l'asile, soit par une demande d'asile, soit, à tout le moins, par une information directe de l'OFPRA. Ne peut valoir information de l'OFPRA la seule mention, dans un mémoire contentieux présenté dans le cadre d'une procédure devant la Cour nationale du droit d'asile, de la naissance de l'enfant. Par suite, en rejetant la demande d'asile de E... C..., enfant mineure de M. C... et Mme B... née dans les jours suivant les entretiens personnels de ses parents devant l'OFPRA, sans avoir préalablement renvoyé l'affaire à l'Office, alors que sa mère n'avait enregistré la demande d'asile de sa fille au guichet unique du demandeur d'asile que le 7 avril 2023, soit plus de sept mois après sa naissance, la Cour nationale du droit d'asile, qui a considéré que la naissance de l'enfant n'avait pas été portée à la connaissance des autorités de l'asile dans les meilleurs délais par ses parents, de sorte que le défaut d'entretien personnel relatif à l'enfant devant l'Office leur était imputable, n'a pas commis d'erreur de droit. Est sans incidence, à cet égard, la circonstance que la naissance de l'enfant ait été préalablement mentionnée dans le mémoire complémentaire présenté par sa mère devant la Cour nationale du droit d'asile le 24 janvier 2023.

10. En second lieu, la Cour, qui a suffisamment motivé sa décision, n'a ni commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier en jugeant que les pièces produites par les requérants, notamment le certificat médical concernant la mère de l'enfant et les déclarations orales des parents de l'enfant relatives à la prévalence de la pratique de l'excision au sein de leurs familles respectives et à leur impossibilité de protéger leur fille de cette pratique ne permettaient pas de tenir pour fondées les craintes que E... C... soit exposée à un risque d'excision en cas de retour dans son pays d'origine.

11. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de M. C... et de Mme B... doit être rejeté. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par la SCP Zribi et Texier, avocat de M. C... et Mme B....

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. C... et de Mme B... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. F... C..., premier requérant dénommé, et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 491078
Date de la décision : 16/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

095-02 - DEMANDE PRÉSENTÉE PAR L'ÉTRANGER PARENT D’ENFANTS MINEURS – ENFANTS NÉS OU ENTRÉS EN FRANCE POSTÉRIEUREMENT À L’ENREGISTREMENT DE LA DEMANDE DES PARENTS [RJ1] – OBLIGATION D’EN INFORMER L’OFPRA DANS LES MEILLEURS DÉLAIS – 1) MODALITÉS PERMETTANT DE SATISFAIRE À CETTE OBLIGATION – 2) ESPÈCE – INFORMATION TARDIVE.

095-02 Il appartient à l’étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l’asile de présenter une demande en son nom et, le cas échéant, en celui de ses enfants mineurs qui l’accompagnent et de faire valoir, s’il y a lieu, les craintes propres de persécution de ses enfants lors de l’entretien prévu à l'article L. 531-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Il en va également ainsi en cas de naissance ou d’entrée en France d’un enfant mineur postérieurement à l’enregistrement de sa demande, l’étranger étant tenu d’informer dans les meilleurs délais l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) de cette naissance ou entrée, y compris lorsque l’Office a déjà statué sur sa demande. ...1) L’information relative à la naissance de l’enfant postérieurement à l’enregistrement de la demande d’asile des parents, doit nécessairement être faite auprès des autorités en charge de l’asile, soit par une demande d’asile, soit, à tout le moins, par une information directe de l’OFPRA. Ne peut valoir information de l’OFPRA la seule mention, dans un mémoire contentieux présenté dans le cadre d’une procédure devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), de la naissance de l’enfant....2) En l’espèce, l’OFPRA ne peut être regardée comme ayant été informée dans les meilleurs délais de la naissance d’un enfant, intervenue quelques jours après les entretiens personnels de ses parents, par une demande d’asile présentée en son nom au guichet unique du demandeur d’asile (GUDA), intervenue sept mois après cette naissance. Par suite, le défaut d’entretien personnel relatif à l’enfant n’est pas imputable à l’Office.


Publications
Proposition de citation : CE, 16 mai. 2025, n° 491078
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Alexandra Bratos
Rapporteur public ?: M. Frédéric Puigserver
Avocat(s) : SCP ZRIBI, TEXIER ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:491078.20250516
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