La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2025 | FRANCE | N°504162

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 16 mai 2025, 504162


Vu la procédure suivante :

M. A... Sow a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et d'enjoindre, à titre principal, au président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques de l'orienter vers un hébergement d'urgence, dans un délai de vingt-quatre heures à compter de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, au préfet des Pyré

nées-Atlantiques de l'orienter vers un hébergement d'urgence dans l'atte...

Vu la procédure suivante :

M. A... Sow a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et d'enjoindre, à titre principal, au président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques de l'orienter vers un hébergement d'urgence, dans un délai de vingt-quatre heures à compter de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, au préfet des Pyrénées-Atlantiques de l'orienter vers un hébergement d'urgence dans l'attente de la décision du juge des enfants, dans un délai de vingt-quatre heures à compter de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2500464 du 21 février 2025, la juge des référés du tribunal administratif de Pau, après avoir admis M. Sow au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a rejeté le surplus de sa demande.

Par une requête, enregistrée le 9 mai 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. Sow demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance du 21 février 2025 de la juge des référés du tribunal administratif de Pau ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la SCP Bauer-Violas Feschotte-Desbois Sebagh, son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite eu égard à la situation de particulière vulnérabilité dans laquelle il se trouve compte tenu de son âge et du fait qu'il est sans solution d'hébergement alors qu'il ne dispose d'aucune attache sur le territoire français ni d'aucune ressource et qu'il souffre d'une hépatite B à un stade avancé, que ses conditions de vie précaires contribuent à aggraver ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit à l'hébergement d'urgence, à l'intérêt supérieur de l'enfant, au droit de ne pas subir des traitements inhumains et dégradants et au respect de la dignité humaine ;

- c'est à tort que la juge des référés du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à sa prise en charge par le conseil départemental alors que l'existence d'un doute persistant sur sa minorité devait conduire à le présumer mineur et qu'il avait produit une copie d'acte de naissance qui, bien que n'ayant pas été légalisée par les services diplomatiques français en Guinée, pouvait être prise en compte à titre de preuve ;

- c'est à tort que la juge des référés a écarté l'existence d'une carence caractérisée de l'Etat dans l'accomplissement de sa mission relative au droit à l'hébergement d'urgence alors que la gravité de son état de santé suffit à rapporter la preuve d'une telle carence.

Par une décision du 25 avril 2025 du bureau d'aide juridictionnelle établi près le Conseil d'Etat, M. Sow a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Il résulte de l'instruction conduite par le juge des référés du tribunal administratif de Pau que M. Sow, ressortissant guinéen qui déclare être né le 16 janvier 2008 et être arrivé à Pau le 14 novembre 2024, a été pris en charge à cette date par les services du département des Pyrénées-Atlantiques. II a fait l'objet d'une mise à l'abri dans l'attente de son entretien d'évaluation sociale. Par une décision du 27 décembre 2024, le conseil départemental a décidé de mettre fin à sa prise en charge, au vu de cette évaluation, au motif que sa minorité n'était pas caractérisée. M. Sow a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre, à titre principal, au département des Pyrénées-Atlantiques de l'orienter dans un délai de vingt-quatre heures vers un hébergement adapté à son âge et, à titre subsidiaire, au préfet des Pyrénées-Atlantiques de l'orienter dans ce délai vers un hébergement d'urgence, dans l'attente de la décision du juge des enfants. M. Sow relève appel de l'ordonnance du 21 février 2025 par laquelle la juge des référés du tribunal a rejeté sa requête.

Sur la demande principale de M. Sow :

3. L'article 375 du code civil dispose que : " Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l'un d'eux, de la personne ou du service à qui l'enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public (...) ". Aux termes de l'article 375-3 du même code : " Si la protection de l'enfant l'exige, le juge des enfants peut décider de le confier : / (...) 3° A un service départemental de l'aide sociale à l'enfance (...) ". Aux termes des deux premiers alinéas de l'article 373-5 de ce code : " A titre provisoire mais à charge d'appel, le juge peut, pendant l'instance, soit ordonner la remise provisoire du mineur à un centre d'accueil ou d'observation, soit prendre l'une des mesures prévues aux articles 375-3 et 375-4. / En cas d'urgence, le procureur de la République du lieu où le mineur a été trouvé a le même pouvoir, à charge de saisir dans les huit jours le juge compétent, qui maintiendra, modifiera ou rapportera la mesure. (...) ".

4. L'article L. 221-1 du code de l'action sociale et des familles dispose que : " Le service de l'aide sociale à l'enfance est un service non personnalisé du département chargé des missions suivantes : / 1° Apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique tant aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l'autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social, qu'aux mineurs émancipés et majeurs de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre (...) / ; 3° Mener en urgence des actions de protection en faveur des mineurs mentionnés au 1° du présent article ; / 4° Pourvoir à l'ensemble des besoins des mineurs confiés au service et veiller à leur orientation (...) ". L'article L. 222-5 du même code dispose que : " Sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur décision du président du conseil départemental : (...) / 3° Les mineurs confiés au service en application du 3° de l'article 375-3 du code civil (...) ". L'article L. 223-2 de ce code dispose que : " Sauf si un enfant est confié au service par décision judiciaire ou s'il s'agit de prestations en espèces, aucune décision sur le principe ou les modalités de l'admission dans le service de l'aide sociale à l'enfance ne peut être prise sans l'accord écrit des représentants légaux ou du représentant légal du mineur ou du bénéficiaire lui-même s'il est mineur émancipé. / En cas d'urgence et lorsque le représentant légal du mineur est dans l'impossibilité de donner son accord, l'enfant est recueilli provisoirement par le service qui en avise immédiatement le procureur de la République. / (...) Si, dans le cas prévu au deuxième alinéa du présent article, l'enfant n'a pas pu être remis à sa famille ou le représentant légal n'a pas pu ou a refusé de donner son accord dans un délai de cinq jours, le service saisit également l'autorité judiciaire en vue de l'application de l'article 375-5 du code civil ".

5. Aux termes de l'article L. 221-2-4 du code de l'action sociale et des familles : " I.- Le président du conseil départemental du lieu où se trouve une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille met en place un accueil provisoire d'urgence. / II.- En vue d'évaluer la situation de la personne mentionnée au I et après lui avoir permis de bénéficier d'un temps de répit, le président du conseil départemental procède aux investigations nécessaires au regard notamment des déclarations de cette personne sur son identité, son âge, sa famille d'origine, sa nationalité et son état d'isolement. / L'évaluation est réalisée par les services du département. Dans le cas où le président du conseil départemental délègue la mission d'évaluation à un organisme public ou à une association, les services du département assurent un contrôle régulier des conditions d'évaluation par la structure délégataire. / (...) / Il statue sur la minorité et la situation d'isolement de la personne, en s'appuyant sur les entretiens réalisés avec celle-ci, sur les informations transmises par le représentant de l'Etat dans le département ainsi que sur tout autre élément susceptible de l'éclairer. / (...) / V.- Les modalités d'application du présent article, notamment des dispositions relatives à la durée de l'accueil provisoire d'urgence mentionné au I et au versement de la contribution mentionnée au IV, sont fixées par décret en Conseil d'Etat ". L'article R. 221-11 du même code dispose que : " I. - Le président du conseil départemental du lieu où se trouve une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille met en place un accueil provisoire d'urgence d'une durée de cinq jours, à compter du premier jour de sa prise en charge, selon les conditions prévues aux deuxième et quatrième alinéas de l'article L. 223-2. / II. - Au cours de la période d'accueil provisoire d'urgence, le président du conseil départemental procède aux investigations nécessaires en vue d'évaluer la situation de cette personne au regard notamment de ses déclarations sur son identité, son âge, sa famille d'origine, sa nationalité et son état d'isolement. (...) / IV. - Au terme du délai mentionné au I, ou avant l'expiration de ce délai si l'évaluation a été conduite avant son terme, le président du conseil départemental saisit le procureur de la République en vertu du quatrième alinéa de l'article L. 223-2 et du second alinéa de l'article 375-5 du code civil. En ce cas, l'accueil provisoire d'urgence mentionné au I se prolonge tant que n'intervient pas une décision de l'autorité judiciaire. / S'il estime que la situation de la personne mentionnée au présent article ne justifie pas la saisine de l'autorité judiciaire, il notifie à cette personne une décision de refus de prise en charge délivrée dans les conditions des articles L. 222-5 et R. 223-2. En ce cas, l'accueil provisoire d'urgence mentionné au I prend fin ". L'article R. 223-2 du même code dispose que les décisions de refus de prise en charge sont motivées et mentionnent les voies et délais de recours.

6. Enfin, selon l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

7. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe aux autorités du département, le cas échéant dans les conditions prévues par la décision du juge des enfants ou par le procureur de la République ayant ordonné en urgence une mesure de placement provisoire, de prendre en charge l'hébergement et de pourvoir aux besoins des mineurs confiés au service de l'aide sociale à l'enfance. A cet égard, une obligation particulière pèse sur ces autorités lorsqu'un mineur privé de la protection de sa famille est sans abri et que sa santé, sa sécurité ou sa moralité est en danger. Lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour le mineur intéressé, une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette mission porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Il incombe au juge des référés d'apprécier, dans chaque cas, les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de santé et de la situation de famille de la personne intéressée.

8. Il en résulte également que, lorsqu'il est saisi par un mineur d'une demande d'admission à l'aide sociale à l'enfance, le président du conseil départemental peut seulement, au-delà de la période provisoire de cinq jours prévue par l'article L. 223-2 du code de l'action sociale et des familles, décider de saisir l'autorité judiciaire mais ne peut, en aucun cas, décider d'admettre le mineur à l'aide sociale à l'enfance sans que l'autorité judiciaire l'ait ordonné. L'article 375 du code civil autorise le mineur à solliciter lui-même le juge judiciaire pour que soient prononcées, le cas échéant, les mesures d'assistance éducative que sa situation nécessite. Lorsque le département refuse de saisir l'autorité judiciaire à l'issue de l'évaluation mentionnée au point 5 ci-dessus, au motif que l'intéressé n'aurait pas la qualité de mineur isolé, l'existence d'une voie de recours devant le juge des enfants par laquelle le mineur peut obtenir son admission à l'aide sociale rend irrecevable le recours formé devant le juge administratif contre la décision du département.

9. Il appartient toutefois au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, lorsqu'il lui apparaît que l'appréciation portée par le département sur l'absence de qualité de mineur isolé de l'intéressé est manifestement erronée et que ce dernier est confronté à un risque immédiat de mise en danger de sa santé ou de sa sécurité, d'enjoindre au département de poursuivre son accueil provisoire.

10. Il résulte de l'instruction conduite devant la juge des référés du tribunal administratif de Pau que M. Sow a déclaré être un ressortissant guinéen né le 16 janvier 2008, et être arrivé à Pau le 9 novembre 2024. A la suite du rapport d'évaluation de la situation et de la minorité de l'intéressé prévu par l'article L. 221-2-4 du code de l'action sociale et des familles, réalisé le 10 décembre 2024 à l'issue de deux entretiens et ayant retenu que les éléments recueillis ne permettaient pas de conclure à la minorité de M. Sow, le président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques a refusé sa prise en charge au titre de l'accueil provisoire d'urgence des mineurs non accompagnés, aux motifs que son récit était stéréotypé, que ses propos relatifs à sa famille, sa scolarité et sa vie quotidienne en Guinée ainsi qu'à son parcours migratoire étaient insuffisamment précis, non situés dans le temps, contradictoires et incohérents au regard de l'âge allégué, que l'intéressé ne produisait par ailleurs aucun document d'identité ni acte d'état civil alors qu'il déclarait être parti de Guinée en avion, et qu'ainsi, il ne pouvait être tenu pour mineur. La juge des référés du tribunal administratif de Pau a estimé qu'au vu des éléments ainsi recueillis et des pièces produites devant lui par M. Sow, et alors que le juge des enfants, saisi par ce dernier le 12 février 2025, ne s'est pas encore prononcé sur sa demande ni n'a ordonné l'une des mesures prévues à l'article 375-3 du code civil, il n'apparaissait pas que l'appréciation portée par le département des Pyrénées-Atlantiques sur l'absence de qualité de mineur de l'intéressé serait manifestement erronée et révèlerait, au vu de la situation de M. Sow, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. En particulier, elle a estimé que la seule production d'une copie, n'ayant pas été légalisée par les services diplomatiques français en Guinée, d'un jugement supplétif d'acte de naissance et de l'extrait d'acte de naissance le transcrivant, établi dans des conditions présentant des incohérences avec les déclarations de M. Sow et alors que ce dernier ne fournissait pas d'autre document officiel pourvu d'une photographie susceptible d'établir un lien entre sa personne et l'acte d'état-civil qu'il avait produit, ne pouvait suffire à établir une telle erreur et à infirmer l'ensemble des éléments ayant conduit à écarter sa minorité.

11. A l'appui de sa requête d'appel, M. Sow se borne à faire valoir, sans avancer ou produire d'autres éléments que ceux soumis à la juge des référés du tribunal administratif de Pau, que sa minorité serait établie au vu de la copie d'acte de naissance qu'il avait fournie et à soutenir que le rapport d'évaluation du 10 décembre 2024, s'il relevait que son attitude et sa posture observées lors de l'entretien étaient en contradiction avec l'âge allégué et amenaient à " considérer une majorité présumée ", ne permettait toutefois pas d'exclure catégoriquement sa minorité en ce qu'il avait notamment relevé que son développement physique et ses traits pouvaient tout aussi bien être ceux d'un jeune majeur que d'un mineur. M. Sow n'apporte ainsi aucun élément de nature à établir que l'estimation de son âge par le président du conseil départemental était manifestement erronée et à remettre en cause, compte tenu de l'ensemble du dossier et des éléments recueillis dans le cadre de l'instruction devant la juge des référés du tribunal administratif de Pau, l'appréciation portée par cette dernière sur l'absence d'atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales qu'il invoque.

12. Dans ces conditions, et au vu de l'office de ce juge, M. Sow n'est manifestement pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la juge des référés du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au département des Pyrénées-Atlantiques de l'orienter dans un délai de vingt-quatre heures vers un hébergement adapté aux mineurs.

Sur la demande subsidiaire de M. Sow :

13. Aux termes de l'article L. 121-7 du code de l'action sociale et des familles : " Sont à la charge de l'Etat au titre de l'aide sociale : (...) / 8° Les mesures d'aide sociale en matière de logement, d'hébergement et de réinsertion, mentionnées aux articles L. 345-1 à L. 345-3 (...) ". L'article L. 345-2 du même code prévoit que, dans chaque département, est mis en place, sous l'autorité du préfet, un dispositif de veille sociale chargé d'accueillir les personnes sans abri ou en détresse. L'article L. 345-2-2 de ce code dispose que : " Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence. (...) ". Aux termes de son article L. 345-2-3 : " Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée Cette orientation est effectuée vers une structure d'hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation ".

14. Il appartient aux autorités de l'Etat, sur le fondement des dispositions citées au point précédent, de mettre en œuvre le droit à l'hébergement d'urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique ou sociale. Une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette mission peut faire apparaître, pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée. Il incombe au juge des référés d'apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée. Il ne peut, compte tenu du cadre temporel dans lequel il se prononce, ordonner que des mesures utiles en tenant compte des moyens dont dispose l'autorité administrative compétente et des mesures qu'elle a déjà prises.

15. Pour rejeter la demande de M. Sow tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet des Pyrénées-Atlantiques de lui proposer à très bref délai un hébergement d'urgence, la juge des référés du tribunal administratif de Pau a relevé que si M. Sow faisait valoir qu'il présente une vulnérabilité particulière eu égard à sa pathologie et aux complications qu'elle entraîne, étant atteint d'une hépatite B découverte sur un bilan sanguin et présentant déjà une fibrose hépatique avancée, il résultait de l'instruction que le requérant, qui reçoit un traitement par Entecavir, bénéficie de soins adaptés à son état de santé pris en charge par la permanence d'accès aux soins de santé pour les jeunes malades. Elle a aussi relevé que le requérant avait été, dans les semaines précédant son ordonnance, pris en charge à sept reprises sur différentes structures d'hébergement d'urgence à la suite d'appels au 115. Enfin, elle a constaté l'état d'extrême saturation du dispositif d'hébergement d'urgence à la date de sa décision, en dépit des efforts importants de l'administration pour accroître, face à des demandes en constante augmentation, les capacités d'hébergement d'urgence à Pau et dans le département, et souligné qu'au titre de la seule période du 10 au 16 février 2025, 347 personnes qui ont sollicité le 115 n'avaient pas pu être pris en charge, dont 291 à cause de la saturation du dispositif d'hébergement. La juge des référés du tribunal administratif de Pau a estimé que, compte tenu de la présence de familles encore plus vulnérables en attente de solution dans le contexte d'extrême saturation des hébergements d'urgence, l'absence de proposition immédiate d'hébergement au bénéfice de M. Sow ne révélait pas, en l'état de l'instruction, une carence caractérisée de l'Etat justifiant que soit ordonné, au motif d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, de prendre dans un très bref délai les mesures pour le mettre à l'abri.

16. A l'appui de sa requête d'appel, M. Sow se borne à renvoyer à sa demande de première instance et à faire à nouveau valoir la gravité de sa pathologie, en produisant un certificat médical indiquant que le traitement instauré ne suffit pas à écarter toute possibilité que des complications puissent à terme présenter un risque vital, mais sans remettre en cause les constatations de la juge des référés du tribunal administratif de Pau relatives à l'état d'extrême saturation du parc d'hébergement d'urgence dans le département et à l'existence de demandes en attente émanant de familles plus vulnérables. Il n'apporte pas, par la seule production de ce certificat, d'élément de nature à établir qu'il résulterait de son état de santé une situation de détresse telle qu'elle doive être regardée comme prioritaire par rapport à ces autres familles. Eu égard à l'office du juge rappelé au point 14 et compte tenu du cadre temporel dans lequel il se prononce, M. Sow n'est dès lors manifestement pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la juge des référés du tribunal administratif de Pau a retenu l'absence de carence caractérisée de l'Etat et rejeté les conclusions subsidiaires de sa demande.

17. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, la requête de M. Sow doit être rejetée selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête de M. Sow est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... Sow.

Copie en sera adressée à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et au département des Pyrénées-Atlantiques.

Fait à Paris, le 16 mai 2025

Signé : Emilie Bokdam-Tognetti


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 504162
Date de la décision : 16/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 16 mai. 2025, n° 504162
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS - FESCHOTTE-DESBOIS - SEBAGH

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:504162.20250516
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award