Vu la procédure suivante :
Par une ordonnance n° 2313242, enregistrée le 4 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 2 juin 2023 au greffe de ce tribunal, par laquelle la fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles des B... et le syndicat Jeunes agriculteurs A...-D... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire du 14 novembre 2022 reconduisant en région B... le dispositif d'autorisation individuelle préalable à la conversion de prairies permanentes, ainsi que les décisions de rejet de leur recours gracieux ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, d'une part, de produire les extractions du système de paiement des aides de la PAC qui ont servi de base au calcul du taux de dégradation du ratio de prairies permanentes en B..., le nombre de déclarants PAC ainsi que le nombre de droits à paiement de base de la région depuis 2016, d'autre part, de procéder à la vérification des données utilisées afin d'aboutir à un ratio annuel cohérent pour l'année 2022 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- l'arrêté du 17 avril 2019 fixant certaines dispositions relatives au paiement pour les pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l'environnement dit " paiement vert " prévu par la politique agricole commune à partir de la campagne 2019 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Paul Levasseur, auditeur,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. D'une part, aux termes de l'article L. 311-1 du code de justice administrative : " Les tribunaux administratifs sont, en premier ressort, juges de droit commun du contentieux administratif, sous réserve des compétences que l'objet du litige ou l'intérêt d'une bonne administration de la justice conduisent à attribuer au Conseil d'Etat ". L'article R. 311-1 du même code dispose que " le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : / (...) 2° Des recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres (...) ".
2. D'autre part, l'article R. 312-1 du même code prévoit que " lorsqu'il n'en est pas disposé autrement par les dispositions de la section 2 du présent chapitre ou par un texte spécial, le tribunal administratif territorialement compétent est celui dans le ressort duquel a légalement son siège l'autorité qui, soit en vertu de son pouvoir propre, soit par délégation, a pris la décision attaquée (...) ". L'article R. 312-10 dispose que " les litiges relatifs aux législations régissant les activités professionnelles, notamment (...) les activités agricoles (...) relèvent, lorsque la décision attaquée n'a pas un caractère réglementaire, de la compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve soit l'établissement ou l'exploitation dont l'activité est à l'origine du litige, soit le lieu d'exercice de la profession ".
3. Enfin aux termes de l'article D. 615-35 du code rural et de la pêche maritime : " II. - Un arrêté du ministre chargé de l'agriculture fixe les cas dans lesquels, en application du 1 de l'article 44 du règlement délégué (UE) n° 639/2014 de la Commission du 11 mars 2014, un agriculteur doit obtenir une autorisation individuelle de retournement avant de convertir une prairie permanente ainsi que les critères et conditions auxquels est subordonnée l'obtention de cette autorisation ". L'article 3 de l'arrêté du 17 avril 2019 fixant certaines dispositions relatives au paiement pour les pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l'environnement dit " paiement vert " prévu par la politique agricole commune à partir de la campagne 2019 dispose : " Maintien des prairies permanentes / L'obligation de maintien des prairies permanentes se vérifie à l'échelle de la région. (...) / I. - Lorsque la baisse du ratio annuel de prairie permanente par rapport au ratio de référence est strictement supérieure à 2,5 % dans une région, l'obtention d'une autorisation préalable individuelle de conversion d'une prairie permanente en un autre couvert est obligatoire pour tout agriculteur souhaitant convertir une prairie permanente localisée dans ladite région ". Cet article détermine par ailleurs à son I les modalités de dépôt d'une demande d'autorisation de retournement, la date limite de dépôt d'une telle demande et les critères d'examen de celle-ci ainsi que l'autorité compétente pour accorder l'autorisation demandée et, à son II, les mesures d'injonction qui peuvent être prises en cas de conversion d'une prairie permanente sans autorisation préalable.
4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 14 novembre 2022 dont les requérants demandent l'annulation pour excès de pouvoir, par lequel le ministre chargé de l'agriculture a maintenu en région B..., en application des dispositions citées au point précédent, le régime d'autorisation préalable de conversion d'une prairie permanente en un autre couvert, se borne à rendre applicable à cette région la réglementation en cause. Par suite, cet arrêté ne présente pas un caractère réglementaire. La requête dirigée contre cet acte ne relève, dès lors, d'aucune des catégories d'actes dont il appartient au Conseil d'État de connaître en premier et dernier ressort en vertu de l'article R. 311-1 du code de justice administrative.
5. Il résulte des dispositions combinées des articles R. 312-1 et R. 312-10 du même code que le tribunal administratif compétent pour connaître en premier ressort d'une telle demande est celui dans le ressort duquel s'applique cet arrêté ou, lorsque la zone concernée excède le ressort d'un seul tribunal administratif, le tribunal dans le ressort duquel a son siège l'autorité qui a pris l'arrêté. Dès lors que l'arrêté attaqué, pris par le ministre de l'agriculture, s'applique dans le ressort des tribunaux administratifs d'Amiens et de Lille, les dispositions de l'article R. 312-10 du code de justice administrative ne trouvent pas à s'appliquer et le tribunal administratif de Paris est compétent pour statuer sur une telle demande, en application de l'article R. 312-1 du même code. Par suite, il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'attribuer le jugement de la requête au tribunal administratif de Paris.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement de la requête de la fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles des B... et du syndicat Jeunes agriculteurs B... est attribué au tribunal administratif de Paris.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles des B..., au syndicat Jeunes agriculteurs B..., à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et au président du tribunal administratif de Paris.
Délibéré à l'issue de la séance du 14 mai 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, Mme Catherine Fischer-Hirtz, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, conseillers d'Etat et M. Paul Levasseur, auditeur-rapporteur.
Rendu le 5 juin 2025.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Paul Levasseur
La secrétaire :
Signé : Mme Elisabeth Ravanne