Vu la procédure suivante :
Mme C... A... née B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 octobre 2020 par lequel le maire des Lilas (Seine-Saint-Denis) a refusé de lui délivrer un permis de construire un immeuble de dix logements comprenant un parking de neuf places en sous-sol, après démolition d'une maison individuelle, de boxes et de constructions annexes sur un terrain situé 45, rue du Tapis Vert et d'enjoindre au maire de lui délivrer le permis de construire sollicité dans le délai de deux mois. Par un jugement n° 2014807 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 23 octobre 2020 et enjoint au maire des Lilas de délivrer le permis de construire litigieux dans un délai d'un mois.
Par un arrêt n° 22PA02521 du 14 décembre 2023, la cour administrative d'appel de Paris a, sur l'appel formé par la commune des Lilas, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Montreuil.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 février et 14 mai 2024 et le 16 janvier 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la commune des Lilas ;
3°) de mettre à la charge de la commune des Lilas la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Isabelle Tison, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de Mme A... et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la commune des Lilas ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire des Lilas a délivré le 22 octobre 2018 à Mme A..., pour une parcelle située 45, rue du Tapis Vert, un certificat d'urbanisme. Le plan local d'urbanisme intercommunal d'Est Ensemble, qui s'est substitué notamment à celui de la commune des Lilas approuvé le 14 novembre 2007 et modifié le 4 juillet 2012, a été arrêté le 4 février 2020 et est entré en vigueur le 27 mars 2020. Le 21 avril 2020, Mme A... a demandé un permis de construire un immeuble de dix logements sur la parcelle ayant fait l'objet du certificat d'urbanisme du 22 octobre 2018. Par un arrêté du 23 octobre 2020, le maire des Lilas a refusé de délivrer à Mme A... le permis sollicité. Celle-ci a saisi le tribunal administratif de Montreuil, qui a annulé l'arrêté du 23 octobre 2020 et a enjoint au maire des Lilas de délivrer le permis de construire sollicité dans un délai d'un mois. Mme A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 14 décembre 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement et rejeté sa demande de première instance.
2. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. "
3. Les dispositions de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme ont pour effet de garantir à la personne à laquelle a été délivré un certificat d'urbanisme, quel que soit son contenu, un droit à voir sa demande de permis de construire, déposée durant les dix-huit mois qui suivent, examinée au regard des dispositions d'urbanisme applicables à la date de ce certificat, à la seule exception de celles qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. Elles n'ont en revanche ni pour objet ni pour effet de la priver de son droit d'obtenir un permis de construire lorsque son projet est conforme aux règles d'urbanisme applicables à la date de la décision prise sur sa demande ou, si le projet n'est pas conforme à celles de ces règles qui n'ont pas pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique ou à une partie divisible d'entre elles, lorsqu'il l'est aux règles de même objet applicables à la date du certificat d'urbanisme.
4. Par suite, en jugeant que les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal d'Est Ensemble n'étaient pas applicables à la demande de permis de construire de Mme A... et que sa demande devait être examinée au regard des seules dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de la commune des Lilas applicables à la date de délivrance du certificat d'urbanisme, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
5. Il s'ensuit que Mme A... est fondée à demander pour ce motif l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune des Lilas une somme de 3 000 euros à verser à Mme A... au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 14 décembre 2023 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : La commune des Lilas versera à Mme A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune des Lilas au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme C... A... née B... et à la commune des Lilas.
Délibéré à l'issue de la séance du 7 mai 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Édouard Geffray, Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, M. Raphaël Chambon, conseillers d'Etat ; M. Cyril Noël, maître des requêtes et Mme Isabelle Tison, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 6 juin 2025.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Isabelle Tison
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber