Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 12 octobre 2022 du président du conseil départemental de l'Essonne refusant de finaliser son dossier auprès de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) en vue du rétablissement de ses droits au régime général de retraite, de condamner le département de l'Essonne à lui verser la somme de 10 000 euros à parfaire en réparation de ses préjudices et d'enjoindre au département de l'Essonne de reconstituer son dossier administratif et de finaliser son dossier de rétablissement auprès de la CNRACL dans un délai de quinze jours à compter du jugement du tribunal. Par un jugement n° 2208603 du 29 janvier 2024, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Par une ordonnance n° 24VE00388 du 14 février 2024, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Versailles a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 12 février 2024 au greffe de cette cour, présenté par M. B... contre ce jugement.
Par ce pourvoi et un nouveau mémoire, enregistré le 2 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge du département de l'Essonne la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Lehman, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Balat, avocat de M. B... et à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du département de l'Essonne ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., recruté en 1979 par le département de l'Essonne en qualité d'auxiliaire du service du cadre départemental au sein de la préfecture de l'Essonne, a, à la suite de la mise en œuvre des lois de décentralisation, été mis à disposition du préfet de l'Essonne par un arrêté du 2 décembre 1982 du président du conseil général de l'Essonne, et a quitté ses fonctions le 1er janvier 1989. Constatant, après avoir fait valoir ses droits à la retraite le 1er mai 2021, qu'il ne percevait pas de pension de retraite au titre de la totalité de la période pendant laquelle il avait ainsi travaillé en qualité d'agent public, M. B... a demandé au département de l'Essonne de faire le nécessaire auprès de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales afin que ses droits soient rétablis par la Caisse nationale d'assurance vieillesse et de lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices qu'il estimait subir à raison de la négligence fautive du département. Le département de l'Essonne ayant rejeté sa demande, M. B... a saisi le tribunal administratif de Versailles de conclusions tendant à l'annulation du refus du département, à la condamnation de celui-ci à l'indemniser de ses préjudices et à ce qu'il lui soit enjoint de faire le nécessaire auprès de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. Par un jugement du 29 janvier 2024, contre lequel M. B... se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposées ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / (...) ". Aux termes de l'article R. 613-2 de ce code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne. / (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 613-4 du même code : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. Cette décision est notifiée dans les mêmes formes que l'ordonnance de clôture. / La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que, d'une part, il appartient au président de la formation de jugement, dans le cas où une partie produirait des conclusions ou moyens nouveaux ne pouvant utilement être discutés par les autres parties avant la clôture de l'instruction, de décider sa réouverture. D'autre part, la mention, contenue dans un courrier communiquant un mémoire d'une partie, invitant l'autre partie à produire, le cas échéant, un mémoire en réplique " dans les meilleurs délais ", n'a pas pour effet de reporter la date de clôture de l'instruction.
4. Il ressort des pièces du dossier que, alors que la clôture de l'instruction devait intervenir trois jours francs avant l'audience, qui s'est tenue le 15 janvier 2024, un premier mémoire en défense a été produit par le département de l'Essonne le 10 janvier 2024. Par ce mémoire, le département concluait au rejet des conclusions indemnitaires de M. B..., faute pour son préjudice de présenter un caractère certain, et au non-lieu à statuer sur ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction, à raison des démarches accomplies par le département auprès de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales quelques jours plus tôt. Ce mémoire a été communiqué à M. B... le 11 janvier 2024, par un courrier l'invitant à présenter ses éventuelles observations en réponse " dans les meilleurs délais ". Cette mention n'ayant pas eu pour effet de reporter la date de clôture de l'instruction, M. B..., qui n'a pu utilement discuter du contenu de ce mémoire avant la clôture de l'instruction intervenue quelques heures après qu'il lui eut été communiqué, est fondé à soutenir que le caractère contradictoire de la procédure a été méconnu et à demander, pour ce motif, l'annulation du jugement qu'il attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de l'Essonne la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 29 janvier 2024 du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Versailles.
Article 3 : Le département de l'Essonne versera une somme de 3 000 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions du département de l'Essonne tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au département de l'Essonne.
Copie en sera adressée à la Caisse des dépôts et consignations.