Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société banque populaire du Sud a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :
1°) d'annuler les permis de construire délivrés le 12 octobre 2005 et le 9 novembre 2007 par le maire de la commune de Laveissière ;
2°) de condamner solidairement la commune de Laveissière et l'Etat à lui payer la somme totale de 22 592 432,38 euros au titre des préjudices financiers dont elle fait état, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2017 et de la capitalisation de ces intérêts ;
3°) de condamner solidairement la commune de Laveissière et l'Etat à lui payer la somme de 1 000 000 euros au titre des préjudices moral et d'image dont elle fait état assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2017 et de la capitalisation de ces intérêts.
Par un jugement n° 1800652 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, après avoir donné acte du désistement des conclusions de la société banque populaire du Sud tendant à l'annulation des permis de construire délivrés le 12 octobre 2005 et le 9 novembre 2007 par le maire de la commune de Laveissière, a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés le 5 août 2021, le 29 septembre 2021, le 22 décembre 2021, le 12 janvier 2023, le 30 janvier 2023, le 28 février 2023, le 6 juin 2023, le 19 juillet 2023 et le 21 septembre 2023, la société banque populaire du Sud, représentée par Me Brin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif Clermont-Ferrand du 8 juin 2021, en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) de faire droit à sa demande d'indemnisation ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Laveissière et de l'Etat, pour chacun, une somme de 25 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la commune de Laveissière et l'Etat ont commis des fautes engageant leur responsabilité à l'occasion de la procédure d'instruction des dossiers de permis de construire déposés par M. B... et/ou la SCV Merboul Le Lioran et de la délivrance des arrêtés de permis de construire illégaux accordés les 12 octobre 2005 et 9 novembre 2007 ;
- les services de l'Etat ont commis une faute lourde engageant sa responsabilité dans l'exercice du contrôle de légalité ; le préfet s'est abstenu d'inviter le maire de Laveissière à retirer ces arrêtés et/ou à les déférer devant la juridiction administrative aux fins d'annulation ;
- la responsabilité de l'Etat est également engagée à raison de la violation, par le maire, agissant au nom de l'Etat, des dispositions pénales du code de l'urbanisme ;
- elle justifie d'un préjudice financier à hauteur des sommes principales de 8 724 780,03 euros et de 13 867 652,35 euros, avec intérêts de droit à compter du 18 décembre 2017 ;
- elle prend acte du refus de la commune de s'engager dans une médiation.
Par des mémoires enregistrés, le 27 octobre 2021, le 20 janvier 2022, le 14 février 2023 et le 30 août 2023, la commune de Laveissière, représentée par Me Juilles, avocate, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2) à être garantie par l'Etat de toute(s) condamnation(s) qui pourraient être prononcées à son encontre ;
3°) à ce que soit mise à la charge de la requérante une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requérante ne fait pas de critique du jugement ;
- elle s'oppose à toute mesure de médiation ;
- elle disposait des éléments nécessaires pour mener l'instruction du dossier ;
- elle n'avait pas à prendre en considération la façon dont les terrassements devaient se faire, ni la topographie des lieux ;
- la circonstance que l'arrêté ne vise pas l'avis du service départemental d'incendie et de secours est sans incidence sur sa légalité ;
- le second permis de construire est parfaitement régulier ;
- il n'existe aucun lien de causalité entre les prétendues fautes commises par la commune et le préjudice que la requérante prétend avoir subi ;
- en cas de condamnation, elle devra être garantie par l'Etat qui a procédé à l'instruction des dossiers de permis de construire et qui reste seul responsable au titre de la mise en œuvre des pouvoirs de police de l'urbanisme.
Par des mémoires enregistrés le 24 novembre 2022 et le 14 février 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- aucune illégalité fautive ne permet d'ouvrir à la requérante un droit à indemnisation sur le fondement de la faute lourde relative à l'absence de déféré effectué par le préfet du Cantal ;
- s'agissant de l'absence de procès-verbal, l'appelante ne démontre pas que les éléments constitutifs d'une infraction seraient réunis en se bornant à indiquer que le maire de Laveissière aurait eu connaissance de l'exécution irrégulière de l'autorisation d'urbanisme ; par ailleurs, s'agissant de l'absence d'arrêté interruptif de travaux, celle-ci ne peut constituer une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, dès lors qu'aucun procès-verbal d'infraction n'a été dressé ;
- le cas échéant, la responsabilité de l'Etat peut être partiellement exonérée dès lors que c'est un ensemble de comportements fautifs ou de négligences des appelants et de la société Merboul Le Lioran qui sont à l'origine des préjudices invoqués ;
- les préjudices allégués ne sont pas justifiés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure,
- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,
- les observations de Me Brin, représentant la SA Banque Populaire du Sud, et de Me Juilles, représentant la commune de Laveissière ;
Considérant ce qui suit :
1. Le 18 mai 2005, M. B... a déposé une demande de permis de construire pour la construction d'une résidence de tourisme dénommée " Le Grand Phénix " ainsi que pour la rénovation d'un bâtiment, l'ancien " hôtel Anglard ", sur le site de la station " super Lioran " se trouvant sur le territoire de la commune de Laveissière. Le 12 octobre 2005, le maire de Laveissière a délivré à M. B... le permis de construire sollicité et le 4 mai 2006, ce permis de construire a été transféré à la société civile de vente (SCV) Merboul Le Lioran, dont M. B... était le gérant et qui a été chargée de commercialiser, dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement, différents lots de cet ensemble immobilier. Le 18 juillet 2006, la société banque populaire du Sud a signé, avec le pétitionnaire, un acte de garantie extrinsèque d'achèvement, sur le fondement des dispositions de l'article R. 261-21 du code de la construction et de l'habitation, et lui a accordé des concours financiers pour la réalisation de l'opération. Le 27 août 2007, la SCV Merboul Le Lioran a déposé une nouvelle demande de permis de construire, afin de tenir compte d'importantes modifications apportées au projet initial. Le 9 novembre 2007, le maire de Laveissière a accordé, en imposant des prescriptions, le permis de construire sollicité portant sur la construction de 127 logements pour une surface de 8 617 m² de surface hors d'œuvre brute et de 4 408 m² de surface hors d'œuvre nette. Alors que la société banque populaire du Sud procédait au règlement des travaux et prestations depuis des comptes approvisionnés par les fonds réglés par les acquéreurs au fur et à mesure de l'avancement des travaux, le 17 juillet 2009, la SCV Merboul Le Lioran a saisi le président du tribunal de grande instance d'Aurillac afin de désigner un expert en vue de constater des vices de construction et de non-conformité affectant les ouvrages. M. D... a été chargé de l'expertise sollicitée par une ordonnance de référé du 29 juillet 2009. En 2010, afin de pallier les défaillances du promoteur, un administrateur ad'hoc, M. C... a été désigné, en vue de permettre l'achèvement de l'ensemble immobilier. Alors que le 21 avril 2011, la banque a décidé de suspendre son préfinancement, les acquéreurs ont saisi l'autorité judiciaire afin d'obtenir la poursuite par la banque de ses engagements financiers. E..., devant l'impossibilité d'obtenir l'achèvement des travaux, les parties ont accepté de procéder à un règlement amiable dont le protocole a été homologué par le tribunal de commerce d'Aurillac, le 5 janvier 2016, par lequel la banque a offert aux acquéreurs le remboursement des versements effectués correspondant au prix de vente. Par courriers du 18 décembre 2017, la société banque populaire du Sud a sollicité du maire de la commune de Laveissière ainsi que du préfet du Cantal, la réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de la mise en œuvre de ses engagements financiers, de la garantie extrinsèque d'achèvement ainsi que du remboursement du prix de vente des lots aux acquéreurs. La société banque populaire du Sud relève appel du jugement du 8 juin 2021 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle prétend avoir subis.
Sur la légalité du permis de construire du 12 octobre 2005 :
En ce qui concerne l'insuffisance de la notice architecturale :
2. En se bornant à se prévaloir de l'insuffisance de la notice architecturale, " notamment sur les aspects sécuritaires ", la requérante ne fournit à la cour aucun élément suffisamment précis permettant d'établir que des omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier de demande de permis de construire auraient été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
En ce qui concerne l'avis défavorable rendu par le service départemental d'incendie et de secours :
3. La requérante fait valoir que, par un avis du 28 septembre 2005, non visé par le permis litigieux, le service départemental d'incendie et de secours s'est montré défavorable au projet. E..., il résulte de l'instruction que la commission de sécurité et d'accessibilité de l'arrondissement de Saint-Flour a rendu un avis favorable au projet. Par suite, compte tenu de cet avis, et contrairement à ce que soutient la requérante, l'avis défavorable rendu par le service départemental d'incendie et de secours ne pouvait conduire à refuser de délivrer le permis litigieux.
En ce qui concerne le moyen tiré par voie d'exception, de l'illégalité du plan d'occupation des sols de la commune en tant qu'il classe le terrain d'assiette du projet en zone UC :
4. La requérante se borne à invoquer l'illégalité du classement du terrain d'assiette du projet en zone UC au motif qu'il ne serait pas inclus dans le tissu urbain de la station et qu'il serait isolé entre deux épingles à cheveux d'une route remontant d'une manière abrupte vers le haut de la station, sans faire valoir en outre que les dispositions pertinentes du document d'urbanisme que cette illégalité aurait pour effet de remettre en vigueur feraient obstacle à la délivrance du permis de construire en litige. Par suite, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité du plan d'occupation des sols de la commune doit être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article UC 3 du plan d'occupation des sols de la commune :
5. Aux termes des dispositions de l'article UC 3 relatives à la voirie : " Les voies privées doivent avoir des caractéristiques adaptées à l'approche du matériel de lutte contre l'incendie. Les dimensions, formes et caractéristiques techniques des voies privées doivent être adaptées aux usages qu'elles supportent et aux opérations qu'elles desservent. La pente maximale est de 12 %. Les voies en impasse doivent être aménagées de telle sorte que les véhicules puissent faire demi-tour "
6. En se bornant à faire valoir qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du plan de masse qu'aucun accès ne permet aux véhicules de secours de parvenir au droit des bâtiments de façon satisfaisante, la requérante n'apporte aucun élément suffisamment précis permettant d'établir que le projet litigieux aurait été autorisé en méconnaissance des dispositions précitées.
En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :
7. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".
8. La requérante fait valoir que le maire de la commune aurait dû exiger la production d'une étude des sols qui aurait permis de déceler les risques d'effondrement auxquels la construction autorisée a été exposée. E..., la seule circonstance que des éboulements sont apparus au moment de l'accomplissement des travaux ne suffit pas à établir l'existence de tels risques pouvant affecter le terrain d'assiette du projet dont le maire aurait dû tenir compte, notamment en exigeant une étude des sols. Dès lors le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées doit être écarté.
Sur la légalité du permis de construire du 9 novembre 2007 :
En ce qui concerne l'existence d'une fraude :
9. Un permis de construire n'a d'autre objet que d'autoriser la construction d'immeubles conformes aux plans et indications fournis par le pétitionnaire. La circonstance que ces plans et indications pourraient ne pas être respectés ou que ces immeubles risqueraient d'être ultérieurement transformés ou affectés à un usage non conforme aux documents et aux règles générales d'urbanisme n'est pas, par elle-même, sauf le cas d'éléments établissant l'existence d'une fraude à la date de la délivrance du permis, de nature à affecter la légalité de celui-ci.
10. Il résulte de l'instruction que le permis de construire du 9 novembre 2007 prescrit notamment que " toutes dispositions seront prises pour éviter tout éboulement et garantir la sécurité des personnes et des biens en pied de talus créé ". La requérante soutient que ce permis litigieux a été obtenu de manière frauduleuse dès lors que l'existence de constructions déjà érigées ainsi que celle de risques importants d'éboulement liés au terrassement nécessaire à l'implantation des constructions ne pouvaient que compromettre le respect des prescriptions édictées par l'arrêté du 9 novembre 2007. E..., il ne résulte pas de l'instruction et notamment des plans et indications fournies dans le dossier de demande de permis de construire, que la société pétitionnaire aurait eu l'intention de tromper l'administration notamment en ce qui concerne l'existence de constructions déjà réalisées et de ses conséquences éventuelles sur le respect des prescriptions édictées. La circonstance que les travaux et constructions réalisés à la suite de l'édiction de l'autorisation en litige, pourraient ne pas en respecter les prescriptions ne saurait suffire à établir l'existence d'une fraude, dont l'existence doit être appréciée à la date de la délivrance de l'autorisation d'urbanisme en litige.
En ce qui concerne la complétude du projet :
11. Contrairement à ce que soutient la requérante, il résulte de l'instruction que les pièces complémentaires qui avaient été sollicitées au pétitionnaire pour compléter son dossier ont été déposées le 13 septembre 2007. Par suite, le moyen tiré de ce que le maire de la commune se serait prononcé au vu d'un dossier incomplet doit être écarté.
En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article UC 3 du plan d'occupation des sols de la commune :
12. Il ne résulte pas de l'instruction que la demande présentée par le pétitionnaire comprenait un accès au bâtiment depuis la voie publique par une pente de 14 %, supérieure aux 12 % autorisés par les dispositions précitées de l'article UC3 du plan d'occupation des sols de la commune et qu'elle se terminait en impasse dans des garages, sans aucune aire de retournement. La seule circonstance que la réalisation des travaux aurait été effectuée en méconnaissance de ces règles ne saurait permettre d'établir que le permis de construire en litige aurait été accordé en méconnaissance des dispositions de l'article UC 3 du plan d'occupation des sols de la commune.
En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article UC 7 du plan d'occupation des sols de la commune :
13. Aux termes des dispositions de l'article UC 7 relatif à " l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives " du règlement du plan d'occupation des sols : " Lorsque les constructions ne jouxtent pas les limites séparatives aboutissant sur les voies, la distance comptée horizontalement de tout point du bâtiment à édifier au point de la limite parcellaire qui en est le plus rapproché devra être au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points sans pouvoir être inférieure à 3 m (A.../2 minimum 3 m). L'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives n'aboutissant pas sur les voies, devra respecter la règle H/2 minimum 3 m. E..., l'implantation en limite séparative arrière est autorisée pour des constructions n'excédant pas une hauteur de 4 m hors tout mesure prise à partir du niveau naturel du fond voisin considéré. "
14. La requérante fait valoir que les distances par rapport aux limites séparatives étaient inférieures à 3 mètres, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article UC 7 du plan d'occupation des sols. E..., il résulte de l'instruction que le permis de construire du 9 novembre 2007 impose au pétitionnaire de respecter la prescription selon laquelle : " L'implantation des bâtiments A, B, D devra respecter l'article UC 7 du règlement du plan d'occupation des sols (la distance comptée horizontalement de tout point d'un bâtiment au point de la limite parcellaire qui en est le plus rapproché doit être au moins égale à la différence d'altitude entre ces deux points, sans être inférieure à trois mètres - H/2 minimum 3 mètres) par rapport à la limite de propriété Nord-Ouest. ". Il ne résulte pas de l'instruction, qu'en accordant, dans ces conditions, le permis de construire en litige, le maire de la commune de Laveissière aurait insuffisamment pris en compte les contraintes liées au respect des dispositions précitées de l'article UC 7 du règlement du plan d'occupation des sols, ou qu'il aurait pris sa décision sur la base d'un dossier qui dissimulerait de manière frauduleuse, le fait que les bâtiments étant déjà construits, la modification de leur implantation pouvait être difficilement réalisable, sauf à les détruire. Enfin, si la requérante fait valoir que le 20 décembre 2010, le maire de la commune a accordé un nouveau permis de construire sur le fondement d'un nouveau projet établi par M. C..., désigné administrateur ad'hoc de la SCV Merboul Le Lioran par ordonnance de référé rendue le 17 mars 2010, lequel avait reçu judiciairement la mission " (...) de mener à son terme l'opération immobilière de construction de l'ensemble immobilier le grand Phoenix à Super Lioran ", cette circonstance ne suffit pas à établir que le permis de construire du 9 novembre 2007 aurait été délivré en méconnaissance des dispositions précitées du plan d'occupation des sols.
En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article UC 8 du plan d'occupation des sols de la commune :
15. L'article UC 8 du plan d'occupation des sols de la commune relatif à " l'implantation des constructions les unes par rapport aux autres sur une même propriété " prévoit que " (...) En aucun cas la distance entre deux bâtiments ne peut être inférieure à 4 (quatre) mètres si ils ne sont pas contigus. "
16. Il résulte de l'instruction et notamment du plan de masse joint à la demande de permis de construire qu'il existe une distance de 4 mètres entre les bâtiments, sauf pour les bâtiments A et B qui sont reliés entre eux par un passage couvert, donc contigus. Alors que la requérante n'apporte aucun élément permettant d'établir que ce passage n'aurait aucune fonction utile et devrait être regardé comme établi dans le seul but de créer une contiguïté entre les deux bâtiments, elle n'est pas fondée à soutenir que le permis en litige a été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article UC 8 du règlement du plan d'occupation des sols.
En ce qui concerne la surface hors d'œuvre nette et la surface hors d'œuvre brute :
17. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise réalisée par M. D..., le 12 décembre 2012, qu'il est " constaté une erreur ou omission dans l'imprimé de demande de permis de construire puisque les surfaces de plancher hors d'œuvre de l'existant n'ont pas été additionnées aux surfaces créées ". La surface existante qui aurait dû être prise en compte correspond à une surface de 1 611 m², qui aurait dû être additionnée à la surface de 4 408 m² correspondant à cinq immeubles construits, de telle sorte que la surface hors d'œuvre brute de 8 617 m² et la surface hors d'œuvre nette de 4 408 m² accordées par le permis de construire litigieux auraient dû être évaluées respectivement à 11 137 m² et à 6 019 m². L'expert en déduit qu'alors que la surface hors d'oeuvre nette ne devait pas excéder 5 296 m², il y a eu 723 m² de dépassement de coefficient d'occupation des sols.
18. E..., et alors, que l'expert indique lui-même qu'il s'agit d'" une erreur ou omission dans l'imprimé " rempli par le nouvel architecte, il ne résulte pas de l'instruction que les indications relatives à ces surfaces, telles que mentionnées dans le dossier de permis de construire résulteraient d'une intention du pétitionnaire de tromper l'autorité administrative sur ses intentions de se conformer aux plans et indications fournis. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le permis de construire en litige n'a pu légalement se conformer à ses indications.
En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :
19. Ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne résulte pas de l'instruction que l'existence de risques d'éboulement pouvant affecter le terrain d'assiette du projet aurait dû conduire le maire à exiger une étude des sols, avant d'accorder le permis de construire en cause. Dès lors, en se bornant à faire valoir que ce n'est que tardivement que le maire a prescrit dans l'arrêté en litige que " Toutes dispositions seront prises pour éviter tout éboulement et garantir la sécurité des personnes et des biens en pied de talus créés ", la requérante n'apporte pas d'élément suffisant permettant d'établir que ce permis serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Enfin, une telle illégalité ne saurait résulter de l'absence de voie permettant aux services de sécurité d'accéder à la partie amont des constructions déjà réalisées, laquelle ne ressort d'aucune des pièces du dossier.
Sur la faute commise par le maire dans l'exercice de la police municipale :
20. Aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable au litige : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs. ". Aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. ".
21. La requérante ne produit aucun élément de nature à établir l'existence de risques pour la sécurité ou la salubrité publique, ni même de nuisances particulières pour le voisinage. Par suite, elle ne peut rechercher la responsabilité de la commune de Laveissière pour carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police générale.
Sur la responsabilité de l'Etat :
En ce qui concerne la faute résultant de l'absence d'exercice du contrôle de légalité :
22. Compte tenu de la légalité des permis de construire en litige, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait commis une illégalité fautive en ne les déférant pas au tribunal administratif.
En ce qui concerne la méconnaissance des articles L. 480-1 et L. 480-2 du code de l'urbanisme et 40 du code de procédure pénale :
23. Aux termes de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme : " (...) Lorsque l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétente ont connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 480-4 et L. 610-1, ils sont tenus d'en faire dresser procès-verbal. (...) ". Aux termes de l'article L. 480-4 du même code : " Le fait d'exécuter des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application (...) est puni d'une amende (...). Les peines prévues à l'alinéa précédent peuvent être prononcées contre les utilisateurs du sol, les bénéficiaires des travaux, les architectes, les entrepreneurs ou autres personnes responsables de l'exécution desdits travaux. (...) ".
24. Il résulte de ces dispositions que le maire est tenu de dresser un procès-verbal en application de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme lorsqu'il a connaissance d'une infraction mentionnée à l'article L. 480-4, résultant soit de l'exécution de travaux sans les autorisations prescrites par le livre IV du code, soit de la méconnaissance des autorisations délivrées. Si, après établissement d'un procès-verbal, le maire peut, dans le second cas, prescrire par arrêté l'interruption des travaux, il est tenu de le faire dans le premier cas.
25. La requérante soutient que le maire de la commune avait connaissance du fait que les travaux entrepris l'ont été en méconnaissance du permis du construire délivré le 12 octobre 2005 dès lors que, dès janvier 2006, le préfet du Cantal aurait relevé des incohérences entre le permis accordé et le nombre de logements en définitive envisagés, que le dossier décrit dans ce permis était techniquement irréalisable, et que le maire aurait fait état de ces infractions dans le procès-verbal de son audition réalisé, le 5 août 2009. E..., et alors que ces circonstances ne sauraient à elle seules établir l'existence d'éléments constitutifs d'une infraction, il résulte de l'instruction et notamment du procès-verbal d'audition du 5 août 2009, qu'à la suite d'une visite de chantier effectuée le 12 octobre 2005, le maire, constatant que des modifications avaient eu lieu par rapport à l'autorisation initiale, a demandé au pétitionnaire de déposer une nouvelle demande, laquelle a été effectivement présentée, donnant lieu à la délivrance du permis de construire du 9 novembre 2007. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que des infractions auraient dû être relevées et que le maire, au nom de l'Etat, aurait commis une faute en ne dressant pas un procès-verbal et en ne prescrivant pas un arrêté d'interruption des travaux.
26. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que la société banque populaire du Sud n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa requête tendant à la condamnation de la commune de Laveissière et l'Etat à lui payer une somme en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.
Sur les frais liés au litige :
27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la requérante demande sur leur fondement soit mise à la charge de la commune de Laveissière et de l'Etat qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance.
28. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société banque populaire du Sud une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Laveissière sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société banque populaire du Sud est rejetée.
Article 2 : La société banque populaire du Sud versera une somme de 2 000 euros à la commune de Laveissière au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société banque populaire du Sud, à la commune de Laveissière et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 novembre 2023.
La rapporteure,
P. DècheLe président,
F. Bourrachot
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique de la cohésion des territoires en ce qui les concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY02717
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