Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler le certificat d'urbanisme informatif délivré le 3 mai 2019 par le maire de Saint-Alban à Me Gemin-Bonnet concernant une parcelle cadastrée section ... n° ... et de condamner la commune de Saint-Alban à l'indemniser des préjudices financiers et moraux qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de cette décision.
Par un jugement n° 1903584 du 17 septembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ainsi que les conclusions de la commune de Saint-Alban présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n° 21BX04224 puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL24224 le 16 novembre 2021, M. C..., représenté par Me Tran, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler le certificat d'urbanisme informatif délivré le 3 mai 2019 par le maire de Saint-Alban à Me Gemin-Bonnet ;
3°) d'enjoindre au maire de Saint-Alban de réexaminer la demande de certificat d'urbanisme à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de condamner la commune de Saint-Alban à l'indemniser des préjudices financiers et moraux qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de ce certificat d'urbanisme en lui versant une somme correspondant aux intérêts calculés au taux légal sur la somme de 150 000 euros à compter de la saisine du tribunal administratif avec capitalisation des intérêts ainsi qu'une somme supplémentaire de 5 944 euros ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Alban une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal administratif a répondu au moyen tiré du défaut de motivation, lequel n'était pas soulevé ;
- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de l'absence des mentions obligatoires au regard des articles R. 151-52 et R. 151-53 du code de l'urbanisme ;
- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré du vice de procédure entachant la décision attaquée ;
- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le certificat d'urbanisme méconnaît les dispositions de l'article L. 410-15 du code de l'urbanisme du fait d'indications ambiguës en matière de droit de préemption ;
- le certificat d'urbanisme a été signé par une personne n'ayant pas compétence à cet effet dès lors qu'un conseiller municipal aurait dû être désigné, le maire étant intéressé par le sort du terrain ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il a été notifié par lettre simple en méconnaissance des articles R. 410-16 et R. 423-46 du code de l'urbanisme ;
- il est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il mentionne des informations négatives relatives aux conditions de la desserte du terrain sans consultation préalable des gestionnaires des réseaux ;
- il est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il fait référence à une convention de droit privé ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il mentionne que le terrain n'est pas viabilisé et indique l'état des réseaux privés ;
- il est illégal dès lors qu'il ne fournit pas une assurance suffisante sur la constructibilité du terrain de l'exposant ;
- il est illégal dans la mesure où il ne comporte pas des mentions obligatoires notamment des indications des servitudes d'utilité publique mais des éléments totalement étrangers, lesquels ne sont pas énumérés par les dispositions des articles R. 151-52 et R. 151-53 du code de l'urbanisme ;
- il est illégal dès lors que les mentions concernant la servitude privée sont erronées ;
- il méconnaît les dispositions de l'article R. 410-15 du code de l'urbanisme ;
- il est entaché d'un détournement de pouvoir et de manœuvres délictueuses ;
- ces irrégularités fautives ont été à l'origine d'un préjudice moral d'un montant de 50 000 euros et d'un préjudice financier correspondant au taux d'intérêt légal appliqué à la somme de 150 000 euros correspondant au prix de sa parcelle et la somme de 1 944 euros au titre des frais avancés aux tiers en vue d'une vente qui a été empêchée par l'acte contesté ;
- le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation sur le quantum de la demande indemnitaire.
La commune de Saint-Alban, à qui la requête d'appel de M. C... a été communiquée le 24 novembre 2021, n'a pas produit d'observation en défense.
Par ordonnance du 10 février 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 28 février 2022.
Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. C....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 ;
- le décret n° 2014-90 du 31 janvier 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Sur mandat de M. A... C..., maître Gemin-Bonnet, notaire, a déposé le 2 mai 2019 une demande de certificat d'urbanisme informatif, sur le fondement du a) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, concernant une parcelle cadastrée section ... ... sur la commune de Saint-Alban (Haute-Garonne). Le maire de Saint-Alban a délivré, le 3 mai 2019, le certificat d'urbanisme sollicité. Par la présente requête, M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce certificat d'urbanisme ainsi que sa demande tendant à la réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de cette décision.
Sur les conclusions en annulation :
2. Aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : / a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; / b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus (...) ".
3. Il ressort des mentions figurant sur le certificat d'urbanisme délivré sur le fondement des dispositions précitées du a) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme que le maire de Saint-Alban a indiqué, en ce qui concerne la viabilisation du terrain concerné, que ce terrain est non viabilisé et dépourvu de réseau pluvial. Le maire a également ajouté la mention suivante : " A noter toutefois les autres réseaux sont sur la propriété de M. D... C... et de ses fils. Par ailleurs, il existe une servitude privée appartenant aux Consorts C... E.... De plus cette servitude n'est réservée qu'à M. C... D..., à ses enfants et à M. C... A... pour son exploitation maraîchère et non à des tiers ".
4. Il ressort des pièces du dossier que la servitude privée mentionnée dans le certificat d'urbanisme en litige fait l'objet d'un conflit entre le maire de Saint-Alban et son frère, propriétaire du terrain objet du certificat d'urbanisme, et que, contrairement à ce qui est indiqué dans ce certificat d'urbanisme, cette servitude de passage n'est pas réservée à M. A... C... pour sa seule exploitation maraichère. Enfin, une telle servitude de passage n'est pas au nombre des servitudes devant être mentionnées aux termes des dispositions de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme dans un certificat d'urbanisme informatif. Par suite, en faisant mention de cette servitude de passage et en donnant des indications erronées sur cette dernière au sein du certificat d'urbanisme informatif en litige du 3 mai 2019, le maire de Saint Alban a cherché à dissuader un acheteur potentiel du terrain de son frère, ainsi que le démontre le courriel du 14 mai 2019 de Mme B..., laquelle avait conclu un compromis de vente de la parcelle faisant l'objet du certificat d'urbanisme en litige le 19 avril 2019. Dans ces conditions, le maire de Saint-Alban doit être regardé comme ayant agi dans un but étranger à ceux au vu desquels le pouvoir de prendre cet acte lui a été conféré. Par suite, le moyen tiré d'un détournement de pouvoir doit être accueilli.
5. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est susceptible de fonder l'annulation de l'acte attaqué.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement, que M. C... est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 septembre 2021 en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation du certificat d'urbanisme informatif du 3 mai 2019 ainsi que ses conclusions en injonction.
Sur les conclusions en injonction :
7. Au regard de ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au maire de Saint-Alban, qui n'est plus le frère du requérant, de réexaminer la demande de certificat d'urbanisme sollicité par maître Gemin-Bonnet, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions en indemnisation :
8. La responsabilité d'une personne publique n'est susceptible d'être engagée que s'il existe un lien de causalité suffisamment direct entre les fautes qu'elle a commises et le préjudice subi par la victime.
9. En premier lieu, si M. C... soutient que les illégalités entachant le certificat d'urbanisme informatif du 3 mai 2019 lui ont causé un préjudice financier tenant à la perte des intérêts calculés aux taux légal appliqué à la somme de 150 000 euros correspondant au prix de sa parcelle, un tel préjudice présente un caractère purement éventuel. Par suite, la demande d'indemnité présentée à ce titre doit être écartée.
10. En deuxième lieu, les frais de géomètre engagés par M. C... ne sont pas en lien avec les illégalités entachant le certificat d'urbanisme informatif du 3 mai 2019 mais avec sa volonté de procéder à la vente de sa parcelle. Par suite, la demande d'indemnité présentée à ce titre doit être écartée.
11. En troisième lieu, les frais de recherche de servitude engagés auprès de son notaire en 2017 et 2018 et les frais de renseignements auprès du service de publicité foncière du 2 octobre 2016 ne sauraient être regardés comme procédant des illégalités entachant le certificat d'urbanisme informatif du 3 mai 2019, ce dernier ayant été édicté postérieurement à ces recherches et demande de renseignements. Par suite, les demandes d'indemnités présentées à ce titre doivent être écartées.
12. En quatrième lieu, M. C... soutient qu'il a subi un préjudice moral dès lors qu'âgé de 75 ans et ayant des problèmes de santé sérieux, il souhaite vendre son terrain afin de pouvoir se reposer. Il résulte de l'instruction qu'un tel préjudice est en lien avec le détournement de pouvoir entachant le certificat d'urbanisme informatif, le maire de Saint Alban ayant cherché à dissuader un acheteur potentiel d'acquérir la parcelle de M. C.... Par suite, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 2 000 euros.
13. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé, d'une part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions en indemnisation et, d'autre part, à demander la condamnation de la commune de Saint-Alban à lui verser une somme de 2 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des illégalités entachant le certificat d'urbanisme informatif du 3 mai 2019.
Sur les frais liés au litige :
14. En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Alban qui a, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... C... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le certificat d'urbanisme informatif délivré par le maire de Saint-Alban à maître Gemin-Bonnet le 3 mai 2019 est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au maire de Saint-Alban de réexaminer la demande de certificat d'urbanisme informatif de maître Gemin-Bonnet dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : La commune de Saint-Alban versera la somme de 2 000 euros à M. A... C... au titre du préjudice moral subi.
Article 4 : Le jugement n° 1903584 du 17 septembre 2021 du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel est rejeté.
Article 6 : La commune de Saint-Alban versera la somme de 1 500 euros à M. A... C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la commune de Saint-Alban.
Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
Mme Lasserre, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023.
La rapporteure,
N. Lasserre
Le président,
D. ChabertLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21TL24224