Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :
1°) d'annuler la décision du 24 mai 2019 par laquelle le directeur des Hôpitaux du Léman a prononcé à son encontre la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quinze jours avec sursis ;
2°) d'enjoindre au directeur des Hôpitaux du Léman de reconstituer sa carrière en conséquence ;
3°) de condamner les Hôpitaux du Léman à lui verser 5 000 euros en réparation des préjudices subis ;
4°) de mettre à la charge des Hôpitaux du Léman la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par jugement n° 1905163 du 7 décembre 2021, le tribunal a fait droit à la demande d'annulation et mis à la charge du centre hospitalier une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 31 janvier 2022, les Hôpitaux du Léman, représentés par Me Lamotte, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 décembre 2021 en ce qu'il annule la sanction du 24 mai 2019 et met à leur charge une somme de 1 500 euros au titre des frais de procès ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les faits reprochés à M. A... sont établis et fautifs ;
- les autres moyens de légalité interne et externe soulevés en première instance ne sont pas fondés.
Par mémoire enregistré le 5 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Favre (SCP Favre-Escoubès), conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge des Hôpitaux du Léman la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;
- le décret n° 2007-1188 du 3 août 2007 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
¬ le rapport de Mme Sophie Corvellec ;
¬ et les conclusions de M. Bertrand Savouré, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Aide-soignant au sein des Hôpitaux du Léman depuis le 1er novembre 2016, M. A... a fait l'objet d'une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de deux semaines, avec sursis, par décision du directeur du centre hospitalier du 24 mai 2019. M. A... en a demandé l'annulation auprès du tribunal administratif de Grenoble, outre le versement d'une indemnité en réparation des préjudices causés. Les Hôpitaux du Léman relèvent appel du jugement du tribunal du 7 décembre 2021, en ce qu'il a annulé cette sanction et mis à leur charge une somme de 1 500 euros au titre des frais de procès.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité (...) Le fonctionnaire traite de façon égale toutes les personnes et respecte (...) leur dignité (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 29 de la même loi : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire (...) ". Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : L'avertissement, le blâme ; Deuxième groupe : La radiation du tableau d'avancement, l'abaissement d'échelon, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 4 du décret du 3 août 2007 portant statut particulier du corps des aides-soignants et des agents des services hospitaliers qualifiés de la fonction publique hospitalière : " Les aides-soignants (...) collaborent aux soins infirmiers (...) ". Aux termes de l'article R. 4311-2 du code de la santé publique : " Les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, intègrent qualité technique et qualité des relations avec le malade (...) Ils ont pour objet, dans le respect des droits de la personne (...) et en tenant compte de la personnalité de celle-ci dans ses composantes physiologique, psychologique, économique, sociale et culturelle : 1° De protéger, maintenir (...) la santé physique et mentale des personnes (...) en vue de favoriser leur maintien, leur insertion ou leur réinsertion dans leur cadre de vie familial ou social (...) ".
4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
5. Pour prononcer la sanction litigieuse, le directeur des Hôpitaux du Léman a retenu que M. A... avait commis des violences physiques et psychologiques envers certains résidents, eu un comportement irrespectueux à l'égard de collègues et négligé la qualité des soins, en qualifiant certains de ces faits d'actes de maltraitance. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de onze témoignages concordants annexés au rapport de saisine du conseil de discipline, émanant de collègues de M. A... et témoins directs des faits rapportés, que celui-ci usait régulièrement de termes dégradants pour désigner ou s'adresser à des résidents ou à des collègues et a par ailleurs adopté, à plusieurs reprises, un comportement inapproprié pour la réalisation de certaines tâches, notamment en bloquant la respiration d'un résident pour lui mettre son appareil dentaire, en s'abstenant de soigner les saignements causés par la coupe des ongles de l'un d'eux ou encore en neutralisant brutalement un résident agressif en lui tordant le bras et en lui pinçant la joue, tout en le menaçant verbalement. Contrairement à ce que prétend M. A..., ces témoignages ne sauraient être privés de force probante du seul fait qu'ils ont été recueillis lors d'entretiens menés par l'autorité hiérarchique, puis retranscrits dans des comptes rendus contresignés par l'agent entendu, ni davantage en raison de l'absence de contresignature de l'un d'eux due au départ de l'agent. Ainsi, et alors même qu'aucun de ces témoignages n'émane d'un résident et que d'autres agents du service ont indiqué ne pas avoir constaté de tels manquements, le comportement reproché à M. A... est établi. Il est attentatoire à la dignité des patients, ne saurait être justifié par son humour personnel, ni par une éventuelle insuffisance d'effectifs, et méconnaît l'obligation statutaire de soin lui incombant en vertu des dispositions rappelées au point 3. En conséquence, il revêt un caractère fautif, de nature à justifier une sanction disciplinaire.
6. Il suit de là que les Hôpitaux du Léman sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a, pour annuler la décision du 24 mai 2019, retenu le moyen tiré de ce que les faits reprochés à M. A... n'étaient pas établis.
7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les parties tant devant le tribunal administratif que devant la cour.
8. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., la décision du 11 février 2019 ordonnant sa suspension à titre conservatoire comporte la signature de son auteur, ainsi qu'il ressort de la copie annexée au rapport de saisine du conseil de discipline versé au dossier d'appel. Le moyen tiré de l'inexistence de cette décision manque, en tout état de cause, en fait et ne peut dès lors qu'être écarté. Il en est, par suite, de même de celui tiré de l'illégalité, par voie de conséquence, de la décision du 3 avril 2019 prolongeant cette suspension.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 82 de la loi du 9 janvier 1986 : " L'autorité investie du pouvoir de nomination exerce le pouvoir disciplinaire après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline (...) ". Aux termes de l'article 83 de la même loi : " (...) Le conseil de discipline est saisi par un rapport de l'autorité investie du pouvoir de nomination. Ce rapport précise les faits reprochés et les circonstances dans lesquelles ils ont été commis (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 1er du décret du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable : " Le fonctionnaire contre lequel est engagée une procédure disciplinaire doit être informé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Il doit être invité à prendre connaissance du rapport mentionné à l'article 83 de la loi du 9 janvier 1986 (...) ". Enfin, aux termes de l'article 2 du même décret : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline, quinze jours au moins avant la date de la réunion de ce conseil (...) Il peut, devant le conseil de discipline, présenter des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix ".
10. Aucune des dispositions précitées, ni aucun principe général du droit n'exigent que l'autorité administrative propose une sanction déterminée au conseil de discipline. En l'espèce, l'autorité administrative n'ayant, dans son rapport de saisine, soumis aucun projet de sanction précis au conseil de discipline, M. A... ne saurait lui faire grief de ne pas avoir préalablement porté à sa connaissance la sanction requise à son encontre. Par ailleurs, M. A... n'établit pas l'irrégularité de sa convocation devant ce conseil de discipline, M. B... ayant alors, contrairement à ce qui est allégué, la qualité de directeur adjoint chargé des ressources humaines. Par suite, les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure de consultation du conseil de discipline et, en tout état de cause, de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
11. Il résulte de ce qui précède que les Hôpitaux du Léman sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision de son directeur du 24 mai 2019 prononçant l'exclusion temporaire de fonctions de deux semaines, avec sursis, de M. A... et mis à leur charge une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des Hôpitaux du Léman, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. A.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le paiement des frais exposés par les Hôpitaux du Léman en application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 1905163 du 7 décembre 2021 est annulé en tant qu'il annule la décision du directeur des Hôpitaux du Léman du 24 mai 2019 prononçant l'exclusion temporaire de fonctions de deux semaines, avec sursis, de M. A... et met à leur charge une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble tendant à l'annulation de la décision du directeur des Hôpitaux du Léman du 24 mai 2019 et à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par les Hôpitaux du Léman en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux Hôpitaux du Léman et à M. C... A....
Délibéré après l'audience du 2 novembre 2023, où siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023.
La rapporteure,
S. CorvellecLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
A.-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY00295