Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la commune de Nozay à lui verser, à titre principal, une somme de 15 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2020, à titre subsidiaire, une somme de 9 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2020, et en tout état de cause, une somme correspondant au supplément familial de traitement qu'il aurait dû percevoir depuis le 1er octobre 2016 et une somme de 2 500 euros au titre de son préjudice moral.
Par un jugement n° 2002752 du 21 février 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er avril 2022 et 17 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Rodier, avocat, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la commune de Nozay à lui verser, à titre principal, une somme de 15 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2020, à titre subsidiaire, une somme de 9 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2020, et en tout état de cause, une somme correspondant au supplément familial de traitement qu'il aurait dû percevoir depuis le 1er octobre 2016 et une somme de 2 500 euros au titre de son préjudice moral ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Nozay la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa rémunération ne correspond pas à la rémunération convenue aux termes de ses contrats successifs qui visent expressément les dispositions du décret n° 2012-437 du 29 mars 2012 et aux termes duquel, le temps de travail de référence à temps complet de son emploi est par dérogation au droit commun de 20 heures hebdomadaires ; en vertu des règles d'interprétation de l'article 1188 du code civil et à défaut de commun accord, dans la mesure où la dérogation est commune à tous les cadres d'emplois de l'enseignement et qu'elle correspond aux contraintes que représentent pour les enseignants la préparation et les sujétions particulières liées au suivi pédagogique des élèves, une telle interprétation constitue une interprétation raisonnable de ses contrats ; en outre, l'emploi pour lequel il a été recruté a été créé par délibération du conseil municipal et budgété sur une base de 20 heures hebdomadaires ainsi qu'il ressort de ladite délibération ; si par ailleurs sa rémunération a pu être déterminée librement dans le respect des dispositions de l'article 2 du décret du 15 février 1988 et de la jurisprudence applicable, en revanche, la durée de service et, le cas échéant, les missions qui lui sont imparties doivent être conformes à ce que la délibération créant l'emploi de fonctionnaire pour lequel il a été recruté en raison de sa vacance temporaire a prévu, dans le respect notamment des dispositions de l'article 3 du décret du 20 mars 1991 ; le maire ne pouvait fixer une durée de service hebdomadaire à temps complet différente de celle prévue à la délibération du conseil municipal, seul compétent au regard des dispositions de l'article 3 du décret du 20 mars 1991, pour la déterminer ;
- à titre subsidiaire, sa rémunération est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que celle-ci est largement inférieure à celle correspondant au premier échelon du grade des assistants principaux d'enseignement artistique ;
- en tout état de cause, il était en droit de bénéficier du supplément familial de traitement ;
- il y a lieu par suite de condamner la commune à lui verser, à titre principal, une somme de 15 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2020, à titre subsidiaire, une somme de 9 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2020, et en tout état de cause, une somme correspondant au supplément familial de traitement qu'il aurait dû percevoir depuis le 1er octobre 2016 et une somme de 2 500 euros au titre de son préjudice moral.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2023, la commune de Nozay, représentée par Me Begin, avocat, conclut au rejet la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la demande indemnitaire est irrecevable dès lors que le requérant n'a pas contesté le niveau de rémunération stipulé dans ses contrats qui comportaient la mention des voies et délais de recours ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 6 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le décret n° 91-769 du 2 août 1991 ;
- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;
- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ;
- le décret n°2012-437 du 29 mars 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florent,
- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,
- et les observations de Me Zadeh substituant Me Beguin pour la commune de Nozay, M. brochet n'étant ni présent, ni représenté.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... a été recruté par la commune de Nozay du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2020, en qualité d'assistant territorial d'enseignement artistique principal de 1ère classe non titulaire afin d'enseigner le saxophone. Estimant que la rémunération qui lui avait été versée ne correspondait pas à la rémunération convenue aux termes de ses contrats successifs, était en outre largement inférieure à celle des agents titulaires et qu'il aurait dû bénéficier du supplément familial de traitement, M. B... a saisi le tribunal administratif de Versailles d'une demande de condamnation de la commune de Nozay à lui verser, à titre principal, une indemnité de 15 000 euros en réparation de ses préjudices financiers. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 21 février 2022 par lequel le tribunal a rejeté cette demande.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Nozay :
2. Contrairement à ce qu'allègue la commune de Nozay, ni les contrats successifs de M. B..., ni mêmes ses bulletins de paie ne revêtent le caractère de décisions à objet purement pécuniaire pour lesquelles seul un recours pour excès de pouvoir introduit dans un délai de deux mois serait ouvert. La demande de M. B... tendant au versement des sommes impayées constitue en effet la réclamation d'une créance de rémunération détenue par un agent public sur une personne publique, soumise comme telle aux règles de prescription prévues par la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée en défense tirée de la tardiveté de la requête de première instance doit être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. L'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable au litige, dispose que : " (...) les agents contractuels employés en application des articles 3,3-1,3-2 (...) de la présente loi sont régis notamment par les mêmes dispositions que celles auxquelles sont soumis les fonctionnaires en application [de l'article] 20, premier et deuxième alinéas [de la loi du 13 juillet 1983] (...) ". Aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire (...) / Le montant du traitement est fixé en fonction du grade de l'agent et de l'échelon auquel il est parvenu, ou de l'emploi auquel il a été nommé. "
4. Aux termes de l'article 3 du décret du 29 mars 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique : " I. - Les membres du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique exercent leurs fonctions, selon les formations qu'ils ont reçues, dans les spécialités suivantes : 1° Musique (...) / Les membres du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique sont astreints à un régime d'obligation de service hebdomadaire de vingt heures. (...) ". En vertu de l'article 1er du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature : " La durée du travail effectif est fixée à trente-cinq heures par semaine dans les services et établissements publics administratifs de l'État ainsi que dans les établissements publics locaux d'enseignement. / Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale : " Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail applicables aux agents des collectivités territoriales et des établissements publics en relevant sont déterminées dans les conditions prévues par le décret du 25 août 2000 susvisé sous réserve des dispositions suivantes. " Enfin, l'article 7 de ce même décret dispose : " Les régimes d'obligations de service sont, pour les personnels qui y sont soumis, ceux définis dans les statuts particuliers de leur cadre d'emplois. "
5. M. B... soutient que sa rémunération a été calculée de façon erronée en fonction d'un régime hebdomadaire de 35h alors que ses contrats successifs faisaient référence au décret n° 2012-437 du 29 mars 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique prévoyant, dans son article 3, un régime d'obligation de service hebdomadaire de 20h. Le requérant fait par ailleurs valoir que la dérogation au régime d'obligation de service hebdomadaire de 35h est commune à tous les cadres d'emplois de l'enseignement dès lors qu'elle correspond aux contraintes que représentent pour les enseignants la préparation et les sujétions particulières liées au suivi pédagogique des élèves.
6. En l'espèce, toutefois, les contrats de M. B... se bornent à indiquer que l'intéressé est engagé à temps non complet 4h45 puis 5h hebdomadaires, sans indication du régime d'obligation de service hebdomadaire sur la base duquel sa rémunération sera calculée. La circonstance par ailleurs que ses contrats de recrutement visent le décret n° 2012-437 du 29 mars 2012, qui permet de caractériser le poste occupé, est insuffisant pour considérer que l'intention de la commune était de le soumettre à ces dispositions, qui ne sont pas directement applicables aux agents non titulaires. M. B... ne saurait se prévaloir en outre des délibérations de la commune créant l'emploi qu'il occupe dans l'attente du recrutement d'un fonctionnaire et définissant, conformément à l'article 3 du décret du 20 mars 1991, la durée hebdomadaire de service en fonction du régime d'obligation de service des fonctionnaires amenés à occuper ce poste, dès lors que ces délibérations n'évoquent aucunement la situation des agents contractuels. Enfin, la circonstance que ses recrutements par d'autres collectivités auraient toujours été établis sur la base d'une durée hebdomadaire de service de 20h, ce dont M. B... ne justifie pas au demeurant, est sans incidence sur l'interprétation de ses contrats conclus avec la commune de Nozay. Dans ces conditions, à défaut de toute précision dans son contrat, M. B... n'est pas fondé à soutenir que ses contrats doivent être interprétés comme établis sur la base d'un temps de travail à temps complet de 20h hebdomadaires et que la commune a commis une faute en calculant sa rémunération sur une base de 35h.
7. En revanche, si, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires relatives à la fixation de la rémunération des agents non titulaires, l'autorité compétente dispose d'une large marge d'appréciation pour déterminer, en tenant compte notamment des fonctions confiées à l'agent et de la qualification requise pour les exercer, le montant de la rémunération ainsi que son évolution, il appartient au juge, saisi d'une contestation en ce sens, de vérifier qu'en fixant ce montant l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
8. En l'espèce, la commune de Nozay a fixé la rémunération de M. B... par référence à l'indice brut 524 majoré 449, puis, à compter du 1er octobre 2019, par référence à l'indice brut 547 majoré 465, correspondant au cinquième échelon du grade des assistants d'enseignement artistique principal de première classe. En raison de l'application à l'intéressé du régime d'obligation de service de droit commun de 35h, ainsi qu'il a été dit précédemment, la rémunération effectivement perçue par le requérant est toutefois inférieure de près de 35% à celle perçue par un fonctionnaire titulaire au premier échelon de ce grade. Si la commune fait par ailleurs valoir que M. B... a également perçu, comme tous les agents de la commune, la prime mensuelle fixe et la prime de 13ème mois prévues par la délibération du 3 mars 2006 instaurant le régime indemnitaire, ces indemnités constituent des accessoires de rémunération devant être obligatoirement versés aux agents non titulaires en application de l'article 20 de la loi du 11 juillet 1983 cité au point 2. Dans ces conditions, M. B..., diplômé de l'American School of Modern Music en 1995 et justifiant d'une expérience de saxophoniste professionnel de près de trente ans, est fondé à soutenir la commune de Nozay a commis une erreur manifeste d'appréciation en fixant le montant de sa rémunération et à engager sa responsabilité pour ce motif. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice financier subi, qui ne saurait excéder la rémunération nette dont M. B... a été privé, en allouant à ce dernier une somme de 5 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 avril 2020.
9. Par ailleurs, aux termes de l'article 10 du décret du 24 octobre 1985 relatif à la rémunération des personnels civils et militaires de l'Etat, des personnels des collectivités territoriales et des personnels des établissements publics d'hospitalisation : " Le droit au supplément familial de traitement, au titre des enfants dont ils assument la charge effective et permanente à raison d'un seul droit par enfant, est ouvert (...) aux agents (...) de la fonction publique territoriale (...) dont la rémunération est fixée par référence aux traitements des fonctionnaires ou évolue en fonction des variations de ces traitements, à l'exclusion des agents rétribués sur un taux horaire ou à la vacation. / La notion d'enfant à charge à retenir pour déterminer l'ouverture du droit est celle fixée par le titre Ier du livre V du code de la sécurité sociale. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-2 du code de la sécurité sociale : " Les allocations sont versées à la personne qui assume, dans quelques conditions que ce soit, la charge effective et permanente de l'enfant "
10. Il résulte de l'instruction, notamment des attestations de la caisse des allocations familiales et des avis d'imposition de M. B... que ce dernier assume, avec son épouse, la charge effective et permanente des deux enfants de sa compagne, nés en 2003 et 2006, avec lesquels il réside et qui étaient mineurs et scolarisés au moment de l'emploi du requérant par la commune de Nozay. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir que la commune a commis une faute en ne lui versant pas le supplément familial de traitement et à demander sa condamnation à lui verser ce supplément pour la période du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2020.
11. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'allouer au requérant la somme de 2 500 euros que celui-ci sollicite en réparation de son préjudice moral.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Sur les frais relatifs à l'instance d'appel :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes que la commune de Nozay demande à ce titre. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Nozay la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2002752 du 21 février 2022 du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : La commune de Nozay est condamnée à verser à M. B... la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice financier, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 avril 2020, une somme de 2 500 euros au titre de son préjudice moral ainsi qu'une somme supplémentaire correspondant au supplément familial de traitement qui lui était dû pour la période du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2020.
Article 3 : La commune de Nozay versera à M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Nozay présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié M. A... B... et à la commune de Nozay.
Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023.
La rapporteure,
J. FLORENTLe président,
P-L. ALBERTINILa greffière,
F. PETIT-GALLAND
La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 22VE00752