Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 5 mai 2022 par lequel le préfet de La Réunion a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2200895 du 21 décembre 2022, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 mai 2023, Mme A..., représentée par Me Ali, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 décembre 2022 du tribunal administratif de La Réunion ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 mai 2022 du préfet de La Réunion ;
3°) d'enjoindre au préfet de La Réunion de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " en sa qualité de parent d'enfant français dans le délai de deux semaines à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- les décisions attaquées sont entachées d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- la procédure est irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour alors qu'elle résidait en France depuis plus de 10 ans ;
- la décision de refus de séjour a été prise en méconnaissance des articles L. 313-11-6° et L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle justifie participer à l'entretien et l'éducation de sa fille française à hauteur de ses moyens ;
- l'arrêté attaqué a été pris en violation de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- il a été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 octobre 2023, le préfet de La Réunion conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante comorienne, née le 16 décembre 1990, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français ainsi qu'en raison de ses attaches familiales en France. Par un arrêté du 5 mai 2022, le préfet de La Réunion a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a désigné le pays de destination. Elle relève appel du jugement du 21 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
3. Mme A... est mère d'une enfant de nationalité française, née en 2013 et de trois enfants de nationalité comorienne nés en 2013, 2019 et 2020. Il est constant que la fille française de Mme A... ne vit pas avec elle. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle fréquente la même école que sa sœur aînée et la requérante verse pour la première fois en appel des attestations du pédiatre et du médecin traitant de l'enfant qui déclarent qu'elle accompagne régulièrement sa fille aux consultations et examens médicaux depuis sa naissance ainsi que des attestations de la directrice de l'école maternelle où elle était scolarisée de 2016 à 2019 et de son enseignante pour l'année 2021-2022 qui indiquent que Mme A... accompagnait sa fille à l'école durant cette période et était l'interlocutrice de l'équipe éducative. Dans ces conditions, alors que Mme A... ne disposait d'aucune ressource financière propre, elle doit être regardée comme justifiant qu'elle contribuait effectivement, à hauteur de ses moyens à l'entretien et à l'éducation de sa fille de nationalité française depuis plus de deux ans à la date de la décision en litige. Ainsi, Mme A... remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour en tant que parent d'enfant français sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de La Réunion du 5 mai 2022.
Sur l'injonction :
5. Le présent arrêt, qui annule la décision portant refus de titre de séjour, implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, la délivrance à Mme A... d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de droit ou de fait nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose à la demande de Mme A... une nouvelle décision de refus de titre de séjour. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de La Réunion de lui délivrer le titre de séjour mentionné ci-dessus dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais de l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme demandée de 1 200 euros, à verser à Me Ali en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-64 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 21 décembre 2022 et la décision du préfet de La Réunion du 5 mai 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de La Réunion de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du préfet arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me Ali, avocat de Mme A..., une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B..., au préfet de La Réunion, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Ali.
Délibéré après l'audience du 2 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 novembre 2023.
La rapporteure,
Christelle Brouard-LucasLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX01355