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24/11/2023 | FRANCE | N°21NT03341

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 24 novembre 2023, 21NT03341


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 28 février 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France lui a refusé la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour au titre de la procédure de regroupement familial.



Par un jugement n°2007456 du 7 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour

:



Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2021, M. A... et M. E..., représentés par Me Cabioch, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 28 février 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France lui a refusé la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour au titre de la procédure de regroupement familial.

Par un jugement n°2007456 du 7 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2021, M. A... et M. E..., représentés par Me Cabioch, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 juin 2021 ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 28 février 2019 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, subsidiairement, d'enjoindre au ministre de réexaminer sa demande de visa, dans le même délai, sous astreinte de 20 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à leur conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- en retenant que l'état civil allemand n'avait pas pris en compte la filiation paternelle, sans diligenter au préalable une mesure d'instruction pour s'en assurer, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ;

- en estimant que les actes de naissance produits étaient inauthentiques et ne permettaient pas d'établir le lien de filiation l'unissant à M. F... A..., la commission de recours a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, d'une erreur de fait et d'une erreur de droit ;

- la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la requête d'appel en tant qu'elle émane de M. E....

Par un mémoire, enregistré le 16 février 2023, M. A... et M. F... A..., représentés par Me Cabioch soutiennent que M. F... A..., qui est à l'origine de la demande de regroupement familial, justifie d'un intérêt à agir contre le jugement attaqué.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dias,

- et les observations de Me Power, substituant Me Cabioch représentant M. A... et M. F... A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... et M. F... A... relèvent appel du jugement du 7 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 28 février 2019 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant le recours contre la décision par laquelle l'autorité consulaire française à Douala (Cameroun) a refusé de lui délivrer le visa de long séjour qu'il sollicitait, dans le cadre de la procédure de regroupement familial, en tant qu'enfant de M. E....

Sur la recevabilité de la requête en tant qu'elle émane de M. F... A... :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance ".

3. En vertu des principes généraux de la procédure, tels qu'ils sont rappelés à l'article R. 811-1 du code de justice administrative, le droit de former appel des décisions de justice rendues en premier ressort est ouvert aux parties présentes à l'instance sur laquelle le jugement qu'elles critiquent a statué. M. E... n'était pas partie à l'instance devant le tribunal administratif de Nantes. Il s'ensuit qu'il n'a pas qualité pour relever appel du jugement du 7 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. A.... Par suite, la requête d'appel n'est pas recevable en tant qu'elle émane de M. E....

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur (...) ". Aux termes de l'article L. 211-2-1 du même code, alors en vigueur : " (...) Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 411-1 du même code, alors en vigueur : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. ". En vertu de l'article L. 411-2 du même code, alors en vigueur : " Le regroupement familial peut également être sollicité pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint dont, au jour de la demande, la filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ou dont l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux. ". Si la venue en France de ressortissants étrangers a été autorisée au titre du regroupement familial, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que l'autorité consulaire use du pouvoir qui lui appartient de refuser leur entrée en France en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur des motifs d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère authentique des actes d'état civil produits.

5. Aux termes de l'article L.111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

6. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours a rejeté le recours de M. A... au motif que ses actes d'état civil étaient inauthentiques et qu'ils ne permettaient pas d'établir son identité et son lien de filiation avec le regroupant.

7. Pour justifier de son identité et du lien de filiation l'unissant à M. E..., M A... produit, pour la première fois en appel, un extrait de l'acte de naissance n° 2777/1998 indiquant qu'il est le fils de M. E.... Si le ministre de l'intérieur soutient que cet acte de naissance été rectifié au vu d'une simple attestation signée par la mère de l'enfant, le 9 février 1999 et non d'une déclaration émanant du père, cette seule circonstance ne suffit pas à faire regarder cet acte rectifié comme irrégulier, falsifié ou inexact s'agissant du lien de filiation paternelle qu'il constate. En estimant que ce lien n'était pas établi, et en refusant pour ce motif de délivrer le visa de long séjour sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 28 février 2019.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

9. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa d'entrée et de long séjour soit délivré à M. A.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de faire délivrer un tel visa dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

En ce qui concerne les frais liés au litige :

10. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Cabioch de la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 7 juin 2021 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La décision du 28 février 2019 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer un visa M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Cabioch une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à M. B... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2023.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

C. BUFFETLa greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT03341


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03341
Date de la décision : 24/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : SELARL DESMARS BELONCLE BARZ CABIOCH

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-24;21nt03341 ?
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