Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2021, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ".
Par un jugement n° 2106907 du 30 janvier 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 mars 2023 et régularisée le 9 mars 2023, M. A..., représenté par Me Bissane, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 janvier 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " et à titre subsidiaire, d'instruire à nouveau sa demande et de prendre une décision dans les quatre mois de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet des Bouches-du-Rhône a porté atteinte à son droit de mener une vie privée et familiale normale et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles de l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant ainsi que les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- contrairement à ce que lui a opposé le préfet, il justifie résider habituellement sur le territoire français depuis dix années ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 432-13 du même code en ne saisissant pas la commission du titre de séjour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,
- et les observations de Me Bissane, pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien né en 1978, a sollicité le 18 décembre 2020 la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale ". Par arrêté du 12 juillet 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer le titre demandé. M. A... a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par le jugement du 30 janvier 2023, le tribunal administratif a rejeté cette demande. M. A... fait appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., présent sur le territoire français depuis 2012 et résidant à Nîmes, est père d'une enfant née le 13 août 2011, qu'il est séparé de la mère, de nationalité comorienne, qu'il a résidé dans un premier temps à Nîmes avant de s'installer à Agen, et que, par jugement du 20 juillet 2020, le juge des affaires familiales d'Agen, sur sa demande, lui a accordé un droit de visite et d'hébergement et a fixé sa contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant à 50 euros par mois. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que la mère de son enfant est titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2021et que l'appelant s'acquitte du paiement de cette pension alimentaire et qu'il produit de nombreux billets de train de Nîmes vers Agen ainsi que des photographies de lui et sa fille. Dans les circonstances particulières de l'espèce, M. A... est fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas porté l'attention requise à l'intérêt supérieur de son enfant et que, par suite, la décision en litige est entachée d'illégalité au regard des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Elle doit, dès lors, pour ce seul motif, être annulée.
4. Il résulte de ce qui précède que sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 juillet 2021.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. L'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". L'article L. 911-2 du même code prévoit que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ". Aux termes de son article L. 911-3 : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".
6. Eu égard aux motifs du présent arrêt et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la situation du requérant se serait modifiée, en droit ou en fait, depuis l'intervention de la décision attaquée, l'exécution de cet arrêt implique nécessairement la délivrance à M. A... d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à cette délivrance dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : L'arrêté du 12 juillet 2021 du préfet des Bouches-du-Rhône et le jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 janvier 2023 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le Tribunal judiciaire de Marseille.
Délibéré après l'audience du 13 novembre 2023, où siégeaient :
- M. Alexandre Badie, président de chambre,
- M. Renaud Thielé, président assesseur,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 novembre 2023.
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No 23MA00577