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28/11/2023 | FRANCE | N°21TL04773

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 28 novembre 2023, 21TL04773


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune d'Alzonne à lui verser la somme globale de 55 773,87 euros en réparation des préjudices financiers, de carrière, moraux et de troubles dans les conditions d'existence qu'elle a subis du fait de fautes commises à son égard et de mettre à la charge de la commune d'Alzonne une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune d'Alzonne à lui verser la somme globale de 55 773,87 euros en réparation des préjudices financiers, de carrière, moraux et de troubles dans les conditions d'existence qu'elle a subis du fait de fautes commises à son égard et de mettre à la charge de la commune d'Alzonne une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1905468 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 21M A04773 puis le 1er mars 2022, au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL04773, et un mémoire, enregistré le 30 juin 2022, Mme C..., représentée par Me Sabatté, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1905468 du 21 octobre 2021 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de condamner la commune d'Alzonne à lui verser la somme globale de 55 773,87 euros, à parfaire, en réparation de ses préjudices, ou, subsidiairement, la somme de 50 220,89 euros en réparation des préjudices subis résultant des fautes de la commune ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Alzonne une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité en retenant une irrecevabilité des conclusions formulées au titre de la suppression du régime indemnitaire par l'arrêté du 30 juin 2016, sans soumettre aux parties un moyen d'ordre public alors que la commune n'avait pas soulevé une argumentation tirée de la tardiveté de ses conclusions ;

- il a commis une erreur de droit en qualifiant la décision de suppression de l'indemnité d'administration et de technicité et de l'indemnité spéciale de fonctions de décision à objet purement pécuniaire ; elle a présenté sur ce terrain des conclusions indemnitaires au sens strict qui sont recevables ;

- l'arrêté du 30 juin 2016 est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, de détournement de pouvoir et, en organisant la suppression intégrale des indemnités, d'erreur de droit ; les délibérations visées du conseil municipal ne prévoient pas la modulation de l'indemnité spéciale de fonctions ; la suppression de son régime indemnitaire ne repose sur aucun fait matériellement établi ;

- l'arrêté du 6 décembre 2017 portant suppression de l'indemnité spéciale de fonctions est illégal en tant qu'il produit rétroactivement effet au 1er décembre 2017 ; il ne pouvait légalement s'accompagner de la suppression intégrale de l'indemnité, cette prime, étant au moins en partie, attachée au cadre d'emplois ;

- son placement en surnombre du 29 décembre 2017, illégal en tant qu'il a produit effet antérieurement au 26 janvier 2018, date de sa notification, lui a causé un préjudice financier sur la période couverte par la rétroactivité illégale ; rien ne justifie, notamment pas l'exigence de placement de l'agent en situation régulière, de faire rétroagir ce placement, qui n'est que la conséquence de l'impossibilité de son reclassement ;

- le motif économique de la suppression de son emploi par délibération du 9 octobre 2017 est entaché d'inexactitude matérielle et de détournement de pouvoir ;

- la commune n'a pas justifié avoir satisfait à son obligation de reclassement, pas même de la moindre démarche de recherche, alors qu'il lui appartenait de justifier de l'impossibilité de lui proposer, avant de la placer en surnombre, un emploi vacant dans un autre cadre d'emplois ; il lui appartenait aussi de lui proposer l'emploi d'agent de surveillance de la voie publique, ce qu'elle n'a jamais envisagé de faire ; le tribunal ne pouvait exciper de l'absence de préjudice pour conclure à l'absence de faute ;

- son employeur a commis une faute en la menaçant de représailles disciplinaires pour la contraindre à demeurer en congé de maladie ;

- la privation illégale d'emploi depuis le mois de décembre 2017 lui a notamment causé un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 18 janvier et 18 juillet 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, ainsi qu'un dépôt de pièces, enregistré le 15 mai 2023, qui n'a pas été communiqué, la commune d'Alzonne, représentée par la SELARL Lysis Avocats, agissant par Me Girard, conclut à la confirmation du jugement attaqué, au rejet des prétentions de Mme C... et à ce que les dépens et une somme de 2 000 euros soient mis à la charge de la requérante au titre des dispositions des articles R.761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'intéressée n'ayant pas contesté dans un délai raisonnable l'arrêté du 30 juin 2016, celui-ci est devenu définitif et la requérante n'est, par suite, plus recevable à demander une indemnité pour suppression du régime indemnitaire alors que la suppression des indemnités en litige a un objet purement pécuniaire ; cette tardiveté était soulevée en première instance et est au demeurant d'ordre public ;

- l'action en annulation est prescrite dès lors que la délibération du 9 octobre 2017 est devenue définitive ;

- la suppression du poste de brigadier est justifiée par un motif d'économie des dépenses de personnel ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 30 juin 2022, la clôture de l'instruction a été reportée au 25 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°97-702 du 31 mai 1997 ;

- le décret n°2002-61 du 14 janvier 2002 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- les observations de Me Sabatté, représentant Mme C... et de Me Bequain de Coninck, représentant la commune d'Alzonne.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... occupait un emploi de gardien brigadier de la police municipale d'Alzonne (Aude) depuis l'année 2015. Par arrêté du 30 juin 2016, le maire d'Alzonne a supprimé, à compter du 1er juillet 2016, l'indemnité d'administration et de technicité et l'indemnité spéciale de fonctions, dont elle bénéficiait. Par une délibération du conseil municipal du 9 octobre 2017, l'emploi de l'intéressée a été supprimé pour des motifs économiques et sociaux et par arrêté du maire en date du 29 décembre 2017, Mme C... a été maintenue en surnombre pendant une année à compter du 1er décembre 2017. A compter du 1er décembre 2018, elle a été prise en charge par le centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Aude. Mme C... a présenté à la commune une réclamation préalable en date du 29 mai 2019 tendant à obtenir l'indemnisation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait des fautes commises par la commune à son égard. Elle s'est vu opposer un refus d'indemnisation par décision du 19 août 2019. Mme C... relève appel du jugement n° 1905468 du 21 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur la régularité du jugement :

2. La requérante soutient que le jugement est irrégulier en ce qu'il a retenu à tort l'irrecevabilité de sa demande fondée sur l'illégalité fautive de l'arrêté du 30 juin 2016 portant suppression du régime indemnitaire et sans soulever sur ce point de moyen d'ordre public.

3. D'une part, la suppression d'une indemnité implique une appréciation de la manière de servir du fonctionnaire. La décision de suppression d'une telle indemnité ne présente donc pas un caractère purement pécuniaire. D'autre part, il est constant que, dans ses écritures de première instance, la commune d'Alzonne s'était bornée à faire valoir que Mme C... n'avait pas contesté en temps utile la légalité de l'arrêté du 30 juin 2016 sans toutefois opposer à sa demande indemnitaire une fin de non-recevoir. Dès lors, Mme C... est fondée à soutenir que le tribunal administratif de Montpellier a entaché son jugement d'irrégularité en retenant à tort, au surplus sans soumettre aux parties un moyen d'ordre public, l'irrecevabilité de la demande indemnitaire fondée sur l'illégalité de l'arrêté du 30 juin 2016 aux motifs de son objet purement pécuniaire et de son caractère définitif en l'absence de contestation dans un délai raisonnable d'un an à compter de la date où l'agent en avait pris connaissance.

4. Par suite, il y a lieu, pour la cour, de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de Mme C... tendant à la réparation des préjudices liés à l'illégalité fautive de l'arrêté du 30 juin 2016 et, par la voie de l'effet dévolutif, sur les conclusions de Mme C... tendant à la réparation des autres préjudices invoqués.

Sur la responsabilité pour fautes de la commune d'Alzonne :

S'agissant de l'illégalité fautive de l'arrêté du 30 juin 2016 portant suppression du régime indemnitaire :

5. Il résulte du principe de sécurité juridique que le destinataire d'une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s'il entend obtenir l'annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an. Toutefois, cette règle ne trouve pas à s'appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique qui, s'ils doivent être précédés d'une réclamation auprès de l'administration, ne tendent pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés. Par suite, la fin de non-recevoir tirée du caractère définitif de l'arrêté litigieux ne saurait être accueillie.

6. En l'espèce, il est constant que, par arrêté du 30 juin 2016, le maire d'Alzonne a décidé que Mme C... cesserait de bénéficier, à compter du 1er juillet suivant, de l'indemnité spéciale mensuelle de fonctions et de l'indemnité d'administration et de technicité. L'indemnité spéciale de fonctions a, quant à elle, été rétablie à compter du 1er août 2016 jusqu'au 1er décembre 2017 date à laquelle Mme C... a été placée en surnombre dans les effectifs de la collectivité.

7. Il résulte de l'instruction que l'arrêté litigieux est fondé sur un comportement général inapproprié de l'agent vis-à-vis de l'autorité territoriale à propos duquel la commune ne fournit cependant aucun élément ou justification. Ce motif est également contredit par les évaluations professionnelles de Mme C... au titre des années 2015 et 2016, qui la qualifient d'agent sérieux, exerçant pleinement sa fonction et ne comportent aucune réserve. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que l'arrêté du 30 juin 2016 est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et par conséquent, d'illégalité fautive.

S'agissant de la faute relative à la suppression de l'emploi de Mme C... :

8. Par une délibération du 9 octobre 2017, le conseil municipal d'Alzonne a décidé de la suppression de l'emploi de brigadier de la police municipale occupé par Mme C... en raison de motifs économiques et sociaux. Mme C... conteste la réalité du motif économique ayant conduit à la suppression de son emploi et soutient que la commune a, en réalité, souhaité l'évincer du service pour d'autres motifs et que cette suppression d'emploi s'est accompagnée, compte tenu de la création concomitante d'un emploi d'agent de surveillance de la voie publique, d'une augmentation des dépenses de personnel. Cependant, il résulte de l'instruction, qu'entre 2014 et 2016, la commune a enregistré une augmentation de 32,50 % de ses dépenses de personnel, celles-ci passant de 690 000 à 914 000 euros et qu'elle s'est ainsi trouvée confrontée à une croissance plus rapide des dépenses de fonctionnement que des recettes diminuant son épargne brute, ce qui l'a conduite à engager une politique de contrôle de ses dépenses de fonctionnement. Par ailleurs, la commune a précisé, pour justifier cette suppression d'emploi, qu'elle a entendu réorganiser sa police administrative autour d'un agent de surveillance de la voie publique et que M. B..., l'agent territorial concerné, qui travaillait déjà pour la collectivité et qu'elle a affecté sur ce poste, consacrait un tiers de son temps hebdomadaire aux missions spécifiques d'agent de surveillance et deux tiers à des tâches administratives, notamment de gestion des salles communales et de communication qui n'étaient auparavant pas réalisées par Mme C.... Si la commune a augmenté la rémunération de M. B..., cette augmentation n'équivalait pas au maintien d'un emploi à temps plein de policier municipal. Eu égard à ces éléments, il n'est pas établi que la suppression d'emploi contestée se traduirait par une augmentation des dépenses de personnel et le motif économique la justifiant ne peut être regardé comme entaché d'inexactitude matérielle. En outre, la commune se prévaut sans être contredite sur ce point de ce que l'emploi d'un policier municipal sur son territoire rural qui comprend une gendarmerie nationale n'est, en réalité, pas justifié. Enfin, il n'est pas démontré que la suppression de l'emploi de la requérante aurait pour véritable motif l'état de ses relations avec la commune en sorte que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi. Dans ces conditions et alors que le comité technique paritaire du centre de gestion saisi sur cette question a émis, le 25 juillet 2017, un avis favorable à la suppression de poste, la requérante n'établit pas que la commune aurait commis une faute en décidant de supprimer son emploi.

S'agissant de l'illégalité fautive de l'arrêté du 6 décembre 2017 portant suppression de l'indemnité spéciale de fonctions :

9. D'une part, les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. Par suite, l'arrêté du 6 décembre 2017 portant suppression de l'indemnité spéciale de fonctions est entaché d'illégalité fautive en tant qu'il prend rétroactivement effet au 1er décembre 2017, antérieurement à son édiction et sa notification.

10. D'autre part, si Mme C... soutient que l'indemnité spéciale de fonctions ne pouvait être intégralement supprimée, cette indemnité est liée à l'exercice effectif des fonctions. Or, l'emploi de l'intéressé a, ainsi qu'il a été dit précédemment, été légalement supprimé par une délibération du 9 octobre 2017. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

S'agissant des fautes relatives au maintien en surnombre :

11. Ainsi qu'il a été dit au point 9, les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. Par suite, l'arrêté du 29 décembre 2017 est entaché d'illégalité en tant qu'il prend rétroactivement effet au 1er décembre 2017, antérieurement au 26 janvier 2018, sa date de notification.

12. Par ailleurs, aux termes de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984, alors applicable : " Dès lors qu'un emploi est susceptible d'être supprimé, l'autorité territoriale recherche les possibilités de reclassement du fonctionnaire concerné. I. -Un emploi ne peut être supprimé qu'après avis du comité technique sur la base d'un rapport présenté par la collectivité territoriale ou l'établissement public. Le président du centre de gestion dans le ressort duquel se trouve la collectivité ou l'établissement est rendu destinataire, en même temps que les représentants du comité technique, du procès-verbal de la séance du comité technique concernant la suppression de l'emploi. (...) Si la collectivité ou l'établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade dans son cadre d'emplois ou, avec son accord, dans un autre cadre d'emplois, le fonctionnaire est maintenu en surnombre pendant un an. Pendant cette période, tout emploi créé ou vacant correspondant à son grade dans la collectivité ou l'établissement lui est proposé en priorité ; la collectivité ou l'établissement, la délégation régionale ou interdépartementale du Centre national de la fonction publique territoriale et le centre de gestion examinent, chacun pour ce qui le concerne, les possibilités de reclassement. Est également étudiée la possibilité de détachement ou d'intégration directe du fonctionnaire sur un emploi équivalent d'un autre cadre d'emplois au sein de la même collectivité ou de l'établissement. Sont également examinées les possibilités d'activité dans une autre collectivité ou un autre établissement que celle ou celui d'origine sur un emploi correspondant à son grade ou un emploi équivalent. Au terme de ce délai, le fonctionnaire est pris en charge par le centre de gestion dans le ressort duquel se trouve la collectivité ou l'établissement, ou par le Centre national de la fonction publique territoriale s'il relève d'un cadre d'emplois mentionné à l'article 45 ou du grade d'ingénieur en chef du cadre d'emplois des ingénieurs territoriaux. (...) ".

13. Pour prendre l'arrêté du 29 décembre 2017 de maintien en surnombre de Mme C..., le maire d'Alzonne s'est borné à constater l'absence d'emploi vacant correspondant au grade de brigadier de la police municipale. Il ne résulte ainsi pas de l'instruction que la commune aurait recherché si elle pouvait offrir à Mme C... après avoir recueilli son accord, un emploi dans un autre cadre d'emplois que celui de la police municipale. Ainsi, la commune a commis une faute en ne satisfaisant pas à ses obligations de recherche de reclassement avant de placer l'agent en surnombre.

14. Si Mme C... soutient également que la commune n'a jamais envisagé, pendant la période de maintien en surnombre de lui proposer l'emploi d'agent de surveillance de la voie publique, il ne résulte pas de l'instruction que ce poste aurait été créé ou vacant sur cette même période allant du 1er décembre 2017 au 1er décembre 2018. Par suite, ce moyen doit être écarté.

S'agissant de la faute relative à la menace d'une sanction disciplinaire :

15. Mme C... soutient que la commune a commis une faute en la menaçant de représailles disciplinaires pour la contraindre à demeurer en congé de maladie. Pour en justifier, elle produit un courriel en date du 23 décembre 2016 du directeur général des services répondant à un message téléphonique de l'agent laissant entendre une possible reprise du travail à compter du 3 janvier 2017, l'informant qu'un arrêté de suspension de fonctions à la signature du maire était joint et qu'il était conditionné à la mise en œuvre d'une procédure disciplinaire. Si la commune fait valoir qu'elle avait engagé à l'encontre de l'agent une procédure disciplinaire dès le mois de janvier 2016, soit bien antérieurement au courriel de son directeur, aucun élément ne l'établit. Par ailleurs, si Mme C... a vu son régime indemnitaire supprimé par un arrêté du 30 juin 2016 du fait d'un " comportement général inapproprié vis-à-vis de l'autorité territoriale ", sa fiche d'évaluation pour l'année 2016 ne fait mention d'aucune réserve et d'aucun grief sur sa manière de servir. Ainsi, la réalité des faits reprochés à l'agent ne résulte pas de l'instruction. Par suite, Mme C... est fondée à soutenir que la commune d'Alzonne a usé, par le courriel précité, d'une menace infondée de suspension de fonctions suivie de poursuites disciplinaires et qu'un tel comportement revêt un caractère fautif.

En ce qui concerne les préjudices subis et le lien de causalité :

16. Ainsi qu'il a été dit précédemment, les fautes susceptibles d'engager la responsabilité de la commune sont la suppression du régime indemnitaire de la requérante à compter du 1er juillet 2016 par l'arrêté du 30 juin 2016, la suppression rétroactive de l'indemnité spéciale de fonctions par l'arrêté du 6 décembre 2017, son placement rétroactif en surnombre par l'arrêté du 29 décembre 2017 en méconnaissance de l'obligation de recherche des possibilités de reclassement de l'intéressé dans un autre cadre d'emplois et la menace infondée de poursuites disciplinaires dont elle a fait l'objet en décembre 2016.

17. Au titre de son préjudice financier, Mme C... sollicite d'abord le versement d'une somme de 9 646,66 euros ou, subsidiairement, de celle de 4 093,68 euros, en soutenant que l'illégalité de son placement en surnombre est à l'origine d'une perte de chance sérieuse de percevoir son régime indemnitaire à compter du 1er décembre 2017. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressée aurait perdu une chance sérieuse d'être reclassée dans les effectifs de la collectivité, à défaut d'emploi vacant susceptible de lui être proposé, ainsi qu'il résulte des tableaux des effectifs versés au débat. Par suite, en l'absence de lien direct entre la faute et le préjudice, cette demande doit être rejetée. Pour ce même motif, sa demande de versement de l'indemnité spéciale de fonctions au titre des mois de décembre 2017 et janvier 2018 doit également être rejetée, eu égard à la suppression légale de son emploi à compter du 9 octobre 2017.

18. Mme C... sollicite ensuite le paiement de l'indemnité d'administration et de technicité et de l'indemnité spéciale de fonctions dont elle a été illégalement privée du fait de l'arrêté illégal du 30 juin 2016. Si la commune fait valoir sur ce point que Mme C... ne peut prétendre au versement de l'indemnité d'administration et de technicité pendant la période au titre de laquelle ses fonctions ont été suspendues, soit du 2 janvier au 2 mai 2017, mais aussi durant la période de décembre 2016 à mai 2017 au titre de laquelle elle se trouvait en congé de maladie ordinaire, il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressée aurait été effectivement suspendue de ses fonctions sur la période considérée de janvier à mai 2017 et les délibérations du conseil municipal relatives au régime indemnitaire en date des 2 juin 2014 et 3 avril 2017 n'ont pas prévu une suppression de celui-ci en cas de maladie ordinaire, mais seulement et aux termes de la dernière délibération d'avril 2017, une modulation de ce régime. Par suite et compte tenu de la suppression légale de son emploi à compter du 9 octobre 2017, il sera fait une juste appréciation du préjudice financier subi et correspondant à la privation du versement de l'indemnité d'administration et de technicité au titre de la période allant de juillet 2016 à septembre 2017 et de l'indemnité spéciale de fonctions au titre du mois de juillet 2016, en le fixant à la somme de 1 515,34 euros.

19. Dans la mesure où il n'est pas établi que la faute de la commune consistant en des menaces infondées de poursuites disciplinaires aurait été la cause déterminante du maintien de Mme C... en congé de maladie à compter du 3 janvier 2017, sa demande tendant au paiement d'une indemnité de 3 773,03 euros au titre d'une perte de traitement sur la période du 3 janvier au 18 mai 2017 ne peut qu'être rejetée.

20. Eu égard à la suppression légale de son emploi et en l'absence de perte de chance sérieuse de reclassement dans les effectifs de la commune, Mme C... n'est pas fondée à solliciter une indemnité en réparation d'un préjudice de carrière et d'un préjudice moral et de troubles dans les conditions d'existence liés à son éviction prétendument illégale.

21. Enfin, il n'est pas établi que la faute de la commune consistant en des menaces infondées de poursuites disciplinaires résultant d'un courrier du directeur général des services qui n'a été diffusé qu'à sa destinataire aurait causé à cette dernière un préjudice d'atteinte à ses droits et à sa dignité dont elle ne démontre pas la réalité.

22. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande indemnitaire fondée sur l'illégalité de l'arrêté du 30 juin 2016 et que la commune d'Alzonne doit être condamnée à lui verser une indemnité de 1 515,34 euros en réparation de son préjudice financier.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la commune d'Alzonne de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Alzonne une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement n°1905468 du 21 octobre 2021 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La commune d'Alzonne est condamnée à verser à Mme C... une indemnité de 1 515,34 euros en réparation de son préjudice financier.

Article 3 : La commune d'Alzonne versera à Mme C... une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et à la commune d'Alzonne.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au préfet de l'Aude en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°21TL04773


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL04773
Date de la décision : 28/11/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. - Contentieux de la fonction publique. - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: M. Thierry TEULIÈRE
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : SELARL LYSIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-28;21tl04773 ?
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