Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
Sous le n° 1904181, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté en date du 2 octobre 2019 par lequel le préfet de la zone défense et de sécurité Sud l'a placé en disponibilité d'office pour raison de santé du 15 mai 2019 au 15 décembre 2019.
Sous le n° 1904182, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté en date du 3 octobre 2019 par lequel le préfet la zone défense et de sécurité Sud l'a admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 15 décembre 2019 pour atteinte de la limite d'âge.
Par un jugement n° 1904181, 1904182 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2021 sous le n° 21MA04880 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL04880, et un mémoire enregistré le 6 novembre 2023, M. A... B..., représenté par la SCP Lemoine Clabeaut, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 octobre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 2 octobre 2019 par lequel le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud l'a placé en disponibilité d'office pour raison de santé du 15 mai 2019 au 15 décembre 2019, ainsi que l'arrêté en date du 3 octobre 2019 par lequel le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud l'a admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 16 décembre 2019 pour atteinte de la limite d'âge ;
3°) d'ordonner la reconstitution de sa carrière ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté le plaçant en disponibilité d'office est entaché d'erreur d'appréciation en l'absence de proposition d'emploi dans son grade et dans son corps d'origine ou dans un autre corps, alors qu'il a demandé une affectation auprès du centre de commandement et d'information à quatre reprises ; une période de préparation au reclassement aurait dû être mise en place et il n'a pas été informé de cette possibilité ; le reclassement relève d'un principe général du droit ;
- en ce qui concerne l'arrêté du 3 octobre 2019 : le jugement est entaché d'erreur de fait en ce qu'il a retenu qu'il avait atteint la limite d'âge pour faire valoir ses droits à la retraite à 56 ans et 2 mois, en méconnaissance de l'article 2 du décret n° 2011-2103 du 30 décembre 2011 ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, il a formulé sa demande de prolongation d'activité auprès de sa hiérarchie le 24 janvier 2019, compte-tenu de sa situation familiale ;
- aucune proposition de poste adapté ne lui a été faite depuis le 12 novembre 2018.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il reprend les observations présentées devant le tribunal et fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par M. B... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 ;
- le décret n° 2011-2013 du 30 décembre 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lemoine, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., brigadier-chef de la police nationale affecté à la circonscription de sécurité publique de Nîmes, a été victime d'un accident de la circulation en moto hors service le 15 mai 2016. Par un avis du 5 mars 2019, le comité médical interdépartemental l'a déclaré inapte de manière absolue et définitive à toute fonction active, mais apte au reclassement dans le corps des personnels administratifs. Par courrier recommandé réceptionné le 9 mars 2019, l'administration a notifié à M. B... cet avis et lui a proposé de solliciter son reclassement ou d'indiquer son refus de reclassement signifiant son placement à la retraite. Par courriers des 4 mai et 28 août 2019, le requérant a formé un recours gracieux auprès du comité médical supérieur. Par une requête enregistrée sous le n° 1904181, M. B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2019 par lequel il a été placé en disponibilité d'office pour raison de santé du 15 mai 2019 au 15 décembre 2019. Par une seconde requête enregistrée sous le n° 1904182, M. B... a demandé l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2019 par lequel il a été admis à la retraite pour limite d'âge à compter du 16 décembre 2019 avec radiation des cadres. M. B... relève appel du jugement en date du 26 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes.
Sur la légalité de l'arrêté du 2 octobre 2019 :
2. Aux termes de l'article 51 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 34. (...) ". Aux termes de l'article 63 de cette loi, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / En vue de permettre ce reclassement, l'accès à des corps d'un niveau supérieur, équivalent ou inférieur est ouvert aux intéressés, quelle que soit la position dans laquelle ils se trouvent, selon les modalités retenues par les statuts particuliers de ces corps, en exécution de l'article 26 ci-dessus et nonobstant les limites d'âge supérieures, s'ils remplissent les conditions d'ancienneté fixées par ces statuts. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles le reclassement, qui est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé, peut intervenir. / (...) Le fonctionnaire à l'égard duquel une procédure tendant à reconnaître son inaptitude à l'exercice de ses fonctions a été engagée a droit, selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat, à une période de préparation au reclassement avec traitement d'une durée maximale d'un an. Cette période est assimilée à une période de service effectif. Pendant son congé pour raison de santé, le fonctionnaire peut, sur la base du volontariat et avec l'accord de son médecin traitant, suivre une formation ou un bilan de compétences. ". Aux termes de l'article 3 du décret du 30 novembre 1984 pris pour l'application de ces dispositions, dans sa rédaction applicable : " Le fonctionnaire qui a présenté une demande de reclassement dans un autre corps doit se voir proposer par l'administration plusieurs emplois pouvant être pourvus par la voie du détachement. L'impossibilité, pour l'administration, de proposer de tels emplois doit faire l'objet d'une décision motivée. / (...) La procédure de reclassement telle qu'elle résulte du présent article doit être conduite au cours d'une période d'une durée maximum de trois mois à compter de la demande de l'agent. ".
3. Il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l'employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, son licenciement.
4. La mise en œuvre du principe général du droit au reclassement implique que, sauf si l'agent manifeste expressément sa volonté non équivoque de ne pas reprendre une activité professionnelle, l'employeur propose à ce dernier un emploi compatible avec son état de santé et aussi équivalent que possible avec l'emploi précédemment occupé ou, à défaut d'un tel emploi, tout autre emploi, y compris relevant d'une catégorie inférieure, si l'intéressé l'accepte. Ce n'est que lorsque ce reclassement est impossible, soit qu'il n'existe aucun emploi vacant pouvant être proposé à l'intéressé, soit que l'intéressé est déclaré inapte à l'exercice de toutes fonctions, soit que l'intéressé refuse la proposition d'emploi qui lui est faite, qu'il appartient à l'employeur de prononcer, dans les conditions applicables à l'intéressé, son licenciement.
5. Il ressort des pièces du dossier que, le 5 mars 2019, le comité médical interdépartemental a reconnu M. B... inapte de manière définitive et absolue à l'exercice de toute fonction active, en estimant toutefois qu'il était apte au reclassement dans le corps des administratifs. Par un courrier recommandé avec accusé de réception daté du 7 mars 2019 réceptionné le 9 mars suivant, le requérant a été informé de ce que, compte-tenu de l'avis émis par cette instance, il avait la possibilité de présenter une demande de reclassement avant le 7 mai 2019 et que, à défaut, une procédure de mise à la retraite non imputable au service serait mise en œuvre. Ce courrier ajoutait que, dans l'attente, il serait placé en disponibilité d'office pour raison de santé à compter du 15 mai 2019. Si M. B... a indiqué, dans le courrier du 4 mai 2019 adressé par son conseil, qu'un reclassement ne pourrait être envisagé qu'après recherche infructueuse d'un poste adapté et qu'il entendait contester l'avis émis par le comité médical interdépartemental devant le comité médical supérieur, la circonstance que l'intéressé n'aurait pas expressément présenté de demande de reclassement ne saurait à elle seule être assimilée à un refus de reprendre une activité professionnelle. Il résulte en effet des termes du courrier de son conseil que, selon M. B..., il pouvait prétendre à " un poste en service actif dispensé de voies publiques ", ajoutant avoir postulé sur un emploi au centre de commandement et d'information. Alors que M. B... a manifesté son souhait de manière expresse de reprendre une activité professionnelle et qu'il a été déclaré apte au reclassement dans le corps des administratifs, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud ne justifie avoir effectué aucune diligence pour proposer un poste en reclassement à l'intéressé et n'établit pas que son reclassement était impossible. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a fait une inexacte application des dispositions énoncées au point 2 et a méconnu le principe général du droit énoncé au point 4 en décidant, pour ce motif, de le placer en disponibilité d'office pour raison de santé du 15 mai au 15 décembre 2019.
Sur la légalité de l'arrêté du 3 octobre 2019 :
6. Il résulte de ce qui vient d'être exposé qu'en décidant d'admettre M. B... à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 16 décembre 2019 pour atteinte de la limite d'âge et de le radier des cadres à cette date, sans lui proposer un poste en reclassement, alors qu'il justifie en appel avoir présenté, le 24 janvier 2019, une demande de prolongation pour raison familiale jusqu'au 15 décembre 2021, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a commis une erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Lorsqu'un agent public irrégulièrement évincé a été admis à la retraite, l'obligation de reconstitution juridique de sa carrière qui découle de l'annulation de la décision de licenciement prend nécessairement fin à compter de la date de son départ en retraite. L'admission à la retraite, quelles que soient les circonstances dans lesquelles elle est intervenue, fait obstacle à ce que l'exécution de la décision juridictionnelle implique la réintégration effective de l'intéressé dans son emploi ou dans un emploi équivalent.
9. Le présent arrêt implique nécessairement que le ministre de l'intérieur procède à la reconstitution de carrière de M. B... à compter du 15 mai 2019 jusqu'au 15 décembre 2019, date à laquelle il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite.
Sur les frais de l'instance :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1904181, 1904182 du 26 octobre 2021 du tribunal administratif de Nîmes et les arrêtés des 2 octobre 2019 et 3 octobre 2019 du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de procéder à la reconstitution de la carrière de M. B... au titre de la période du 15 mai 2019 au 15 décembre 2019.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera délivrée au préfet de la zone de défense et de sécurité Sud.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.
La rapporteure,
A. Blin
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°21TL04880 2