Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Par un jugement n°2103342 du 5 janvier 2023, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 27 janvier 2021, a enjoint à l'autorité préfectorale de procéder au réexamen de la demande de M. B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, mis à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 000 euros à verser au conseil du requérant sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle et rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédures devant la cour :
I - Par une requête, enregistrée le 2 février 2023, sous le n°23TL00309 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :
- d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 janvier 2023.
Il soutient que :
- il produit au débat l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, lequel est régulier ; par suite, c'est à tort que le tribunal a estimé non établie sa conformité aux dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ;
- au regard de l'avis du collège de médecins et alors que l'intéressé ne justifie pas être dans l'impossibilité d'accéder aux soins dans son pays d'origine, il ne peut être admis au séjour, de droit ou de manière discrétionnaire, en qualité d'étranger malade.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2023, M. B..., représenté par Me Barbot-Lafitte, conclut au rejet de la requête, à l'annulation de l'arrêté du 27 janvier 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat à verser à son conseil, en application des dispositions combinées des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, ou à lui verser sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle ne lui serait pas accordée.
Il fait valoir que :
- nonobstant la production de l'avis du collège de médecins, la procédure demeure irrégulière ;
- l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure dès lors que l'avis produit n'est pas motivé et qu'il est incomplet ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut d'examen de sa situation ; il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son état de santé ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences ;
- la mesure d'éloignement est privée de base légale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par une ordonnance du 9 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 juillet 2023.
Le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été maintenu au requérant par une décision du 19 juillet 2023.
II - Sous le n° 23TL00310, par une requête enregistrée le 2 février 2023, le préfet de la Haute-Garonne demande le sursis à exécution du jugement.
Il soutient qu'il existe un moyen sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué, dès lors que le tribunal administratif de Toulouse ne pouvait considérer l'avis de collège de médecins comme irrégulier.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2023, M. B..., représenté par Me Barbot-Lafitte conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l'Etat à verser à son conseil, en application des dispositions combinées des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, ou à lui verser sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle ne lui serait pas accordée.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne n'est susceptible de satisfaire les conditions requises à l'article R. 811-15 du code de justice administrative.
Le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été maintenu au requérant par une décision du 19 juillet 2023.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tchadien né le 29 octobre 1985 à N'Djamena (Tchad)), est entré en France le 5 octobre 2016. Il a sollicité le bénéfice de l'asile le 18 novembre 2016. Cette demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 31 août 2017, confirmée par une décision de la cour nationale du droit d'asile du 6 juin 2018. M. B... a également sollicité, le 16 avril 2019, son admission au séjour pour raisons de santé. Par un arrêté du 6 novembre 2019, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté cette demande et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français. Par un jugement du 14 février 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la demande de titre de séjour présentée par M. B.... Par un arrêté du 27 janvier 2021, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté la nouvelle demande de titre de séjour déposée par le requérant le 22 juin 2020, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 5 janvier 2023, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 27 janvier 2021, lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement, a mis à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 000 euros à verser au conseil du requérant sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle et rejeté le surplus des conclusions de la demande. Par sa requête n° 23TL00309, le préfet de la Haute-Garonne relève appel de ce jugement et, par sa requête n° 23TL00310, il demande à la cour d'en ordonner le sursis à exécution.
Sur la jonction :
2. Il y a lieu de joindre les requêtes n°s 23TL00309 et 23TL00310 dirigées contre le même jugement pour statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
3. Aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Aux termes des dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ". Selon l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié : / d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
4. En l'espèce, pour annuler l'arrêté attaqué, les premiers juges ont estimé, en l'absence de production de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pourtant sollicitée par le requérant pour lui permettre d'en vérifier la régularité, que le préfet de la Haute-Garonne n'établissait pas la conformité de cet avis aux dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016. Cependant, le préfet de la Haute-Garonne produit, pour la première fois en appel, l'avis de cet organisme collégial. Il ressort de celui-ci que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'état de santé de l'intéressé pouvait lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Dans ces conditions, le collège de médecins de l'Office n'était pas tenu de se prononcer sur la possibilité pour M. B... de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige a été pris au vu d'un avis entaché de défaut ou d'insuffisance de motivation et incomplet du collège de médecins. Il résulte également de l'avis produit que le médecin rédacteur du rapport médical ne faisait pas partie du collège de médecins, auteur de l'avis en sorte que la composition dudit collège était régulière.
5. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté du 27 janvier 2021 n'est pas entaché d'un vice de procédure, résultant de l'irrégularité de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur une telle irrégularité pour annuler son arrêté.
6. Il appartient toutefois à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés tant en première instance qu'en appel, par M. B... au soutien de sa demande d'annulation de l'arrêté pris le 27 janvier 2021 à son encontre par le préfet de la Haute-Garonne.
En ce qui concerne les autres moyens invoqués par M. B... :
S'agissant du refus de séjour :
7. L'arrêté attaqué vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier le 11° de l'article L. 313-11 et les I, II et III de l'article L. 511-1 ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il indique que M. B... est entré en France le 5 octobre 2016 et qu'il s'est vu débouter de sa demande d'asile. Il rappelle ses demandes d'admission au séjour en qualité d'étranger malade, la teneur de l'avis du collège des médecins de l'Office en date du 9 octobre 2020 et mentionne également les éléments relatifs à sa situation privée et familiale ainsi que le fait que l'intéressé n'établit pas être exposé à des traitements inhumains en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué, qui comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, est suffisamment motivé. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.
8. Il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des termes mêmes de l'arrêté en litige, que le préfet de la Haute-Garonne n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation du requérant.
9. Contrairement à ce que soutient M. B..., il ne ressort ni des termes de l'arrêté contesté, ni des pièces du dossier que le préfet se serait cru lié par l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
10. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout élément permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
11. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit, il ressort des pièces du dossier que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans son avis du 9 octobre 2020, que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé pouvait lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour remettre en cause cette appréciation, M. B... se prévaut de deux certificats médicaux établis par un médecin psychiatre les 19 novembre 2018 et 25 novembre 2019 et de l'inaccessibilité de son traitement du fait de l'insuffisance des structures sanitaires dans son pays d'origine. Le premier certificat présenté, en date du 19 novembre 2018, indique que l'intéressé souffre de troubles anxiodépressifs survenus dans un contexte d'état de stress post-traumatique nécessitant une prise en charge psychothérapeutique et la mise en place d'un traitement. Le second certificat, en date du 25 novembre 2019, fait état d'une aggravation de ses troubles mentaux, de la nécessité de poursuivre la prise en charge psychiatrique du patient et il précise également qu'existe, de ce fait, en cas d'éloignement et d'interruption de la prise en charge thérapeutique, un risque de décompensation psychotique grave. Cependant, ces documents, eu égard à leur relative ancienneté, n'apparaissent pas, à eux seuls, suffisants, pour infirmer les conclusions du collège de médecins dans son avis émis le 9 octobre 2020 quant aux conséquences pour le demandeur d'un défaut de prise en charge médicale. Dans ces conditions, la décision contestée ne méconnaît pas les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas entachée d'erreur d'appréciation.
12. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
13. Si M. B... se prévaut de la durée de sa présence sur le territoire français, il n'y a été admis que temporairement le temps nécessaire à l'examen de ses demandes d'admission au séjour au titre de l'asile ou en qualité d'étranger malade. Par ailleurs, il s'abstient de préciser les attaches privées qu'il y aurait nouées et il ne justifie, par aucun élément, d'une intégration particulière au sein de la société française. Enfin, il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales au Tchad où résident, d'après l'arrêté en litige, sa conjointe ainsi que deux sœurs et un frère. Par suite, la décision par laquelle le préfet de de la Haute-Garonne a refusé à M. B... un titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
14. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour.
15. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".
16. Dès lors qu'il n'est pas établi qu'un défaut de prise en charge médicale aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour l'intéressé, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
17. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 13, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut également qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
18. M. B... expose qu'un retour au Tchad, en ce qu'il entraînerait un défaut de prise en charge médicale, aurait des conséquences exceptionnellement graves sur sa santé mentale. Toutefois, il n'est pas établi, ainsi qu'il a été dit, qu'un tel défaut de prise en charge pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et, par suite, qu'il serait exposé à des traitement inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Il suit de là que la décision fixant le pays de renvoi ne méconnaît pas l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle n'est pas davantage, pour les mêmes raisons, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
19. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 27 janvier 2021, lui a, par voie de conséquence, enjoint de réexaminer la demande de M. B... et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à son conseil au titre des frais liés au litige, d'autre part, que la demande de M. B... présentée devant ce tribunal doit être rejetée, en ce compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles relatives aux frais liés au litige.
Sur les conclusions tendant au sursis à exécution :
20. Par le présent arrêt, il est statué au fond sur la requête d'appel dirigée contre le jugement n°2103342 du 5 janvier 2023. Par conséquent, les conclusions aux fins de sursis à exécution de ce jugement sont devenues, dans cette mesure, sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.
Sur les frais liés aux litiges :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas, dans les présentes instances, la qualité de partie perdante, une somme à verser au conseil de M. B... ou à ce dernier au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2103342 du tribunal administratif de Toulouse en date du 5 janvier 2023 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fins de sursis à exécution de la requête n°23TL00310 du préfet de la Haute-Garonne.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. A... C... B... et à Me Barbot-Lafitte.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.
Le rapporteur,
T. Teulière
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°s 23TL00309-23TL00310 2