Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL SSTL a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er juillet 2015 au 31 décembre 2016.
Par un jugement n° 2000003 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 avril 2021, la SARL SSTL, représentée par Me Wartel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations qui lui ont été réclamés ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations qui lui ont été réclamés pour la période du 1er juillet 2015 au 31 décembre 2016.
Elle soutient que :
- l'administration fiscale a insuffisamment motivé la proposition de rectification en ce qu'elle n'a pas précisé en quoi les prestations rendues entraient dans le champ d'application de la taxe de valeur ajoutée ;
- les sommes enregistrées sur le compte 411 Setrex ne rémunèrent pas des prestations de services mais constituent des débours au sens du 2° du II de l'article 267 du code général des impôts ;
- la majoration pour manquement délibéré qui lui a été infligée est insuffisamment motivée ;
- elle est injustifiée dans la mesure où les rappels de taxe sur la valeur ajoutée sont infondés et la déduction de la taxe ayant grevé les frais engagés pour le compte de la société Setrex résulte d'une erreur comptable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL SSTL ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mosser,
- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL SSTL, qui a une activité de commissionnaire de transport, effectue notamment des prestations de services dans le domaine du transport terrestre. Après avoir fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 8 août au 22 septembre 2017, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, au titre de la période du 1er juillet 2015 au 31 décembre 2016, lui ont été assignés par la notification des bases du 27 septembre 2017. Ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis de pénalités, ont été partiellement maintenus à la suite des observations présentées par la SARL SSTL et mis en recouvrement par un avis du 15 juin 2018. La réclamation préalable présentée par la SARL SSTL le 20 octobre 2019 a été rejetée le 28 novembre suivant. La SARL SSTL relève appel du jugement du 23 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande tendant à la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations correspondantes.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions (...) ".
3. La SARL SSTL a été régulièrement taxée d'office sur le fondement du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales à la suite du dépôt tardif de sa déclaration annuelle de taxe sur la valeur ajoutée des année 2015 et 2016. La notification des bases du 27 septembre 2017, établie selon la procédure de taxation d'office, fait état des dispositions fondant les rappels, à savoir les articles 256-1, 266-1 et 269-2 du code général des impôts et précise ensuite les éléments de fait, en l'occurrence la situation créditrice du compte client de la société Setrex, justifiant la soumission des prestations de services réalisées au bénéfice de cette société à la taxe sur la valeur ajoutée. Si la SARL SSTL soutient que la " proposition de rectification " ne fait pas état du contrat de représentation de Setrex Maroc du 1er juillet 2016 et du contrat de délégation d'entretien du 8 juillet suivant, il n'est pas contesté que ces contrats ont été transmis postérieurement à l'élaboration de cette notification. Dans ces conditions, cette notification est suffisamment motivée au regard de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
4. Selon l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". Aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".
5. Les impositions assignées à la SARL SSTL ayant été régulièrement établies d'office en application du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, elle supporte, en application des dispositions de l'article R. 193-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'exagération des impositions litigieuses.
6. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Aux termes de l'article 267 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) II. - Ne sont pas à comprendre dans la base d'imposition : (...) 2° Les sommes remboursées aux intermédiaires, autres que les agences de voyage et organisateurs de circuits touristiques, qui effectuent des dépenses au nom et pour le compte de leurs commettants dans la mesure où ces intermédiaires rendent compte à leurs commettants, portent ces dépenses dans leur comptabilité dans des comptes de passage, et justifient auprès de l'administration des impôts de la nature ou du montant exact de ces débours... ".
7. Il ressort de la notification des bases du 27 septembre 2017 que l'administration, regardant la société redevable comme un intermédiaire opaque, a estimé que les sommes enregistrées au crédit du compte client 411 Setrex constituaient des prestations de services qui devaient être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. Le service souligne à cet effet que les explications présentées par la SARL SSTL quant à la nature de ces sommes ont évolué. La société a, dans un premier temps, indiqué que ces sommes, comptabilisées sur un compte client, constituaient des redevances de management dits " management fees " en application du contrat du 1er juillet 2016 conclu entre la SARL SSTL et la société Setrex avant de considérer, dans un second temps, qu'il s'agissait de débours prévus dans le cadre d'un contrat d'entretien signé entre les deux sociétés le 8 juillet suivant. Le service fait valoir en outre, sans être contesté, que le compte 411 Setrex, qui est créditeur dès son ouverture le 17 mars 2016, ne comprend pas, contrairement aux autres comptes, de lettrage permettant une correspondance entre les factures et les paiements. La SARL SSTL, qui se présente comme un intermédiaire transparent, soutient que les sommes en litige constituaient le remboursement de débours effectués pour le compte de la société marocaine Setrex. Toutefois, pour justifier de la réalité de ces débours, elle se borne à produire le contrat d'entretien du 8 juillet 2016 et une seule facture intitulée " Renault16 " du 31 décembre 2016 relative à l'entretien d'un tracteur pour un montant net hors taxe de 16 090 euros. Or, cette facture ne précise pas les prestations afférentes à l'entretien du véhicule alors que la SARL SSTL n'a pas justifié de la possession et l'utilisation d'un tracteur, le seul matériel roulant dont la possession étant démontrée étant une remorque. Ce faisant, cette société ne rapporte pas la preuve qui lui incombe en vertu de la règle énoncée au point 5 ci-dessus et de l'article 267, II, 2° précité, que les sommes enregistrées sur le compte client 411 Setrex constituent des débours qui doivent être exclus des bases d'impositions soumises à la taxe sur la valeur ajoutée.
Sur les pénalités :
8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré
9. En premier lieu, en vertu de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions qui infligent une sanction doivent être motivées. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. ".
10. Pour justifier l'application à la SARL SSTL de la majoration pour manquement délibéré, l'administration vise, dans la notification des bases du 27 septembre 2017, les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts et précise que les prestations de services rendues à la société Setrex ont été systématiquement exclues de la base imposable à la taxe sur la valeur ajoutée sans que la société soit en mesure de présenter de document, tel un mandat, permettant de justifier du caractère de débours des sommes en cause. Cette notification comportait ainsi, de manière circonstanciée et non stéréotypée, l'ensemble des considérations de fait et de droit justifiant l'application de la majoration contestée. Il s'ensuit que le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales: " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ". Il résulte de ces dispositions que, pour établir le manquement délibéré, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.
12. D'une part, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la SARL SSTL n'est pas fondée à soutenir que les pénalités devraient être déchargées en conséquence de la décharge des droits en principal.
13. D'autre part, pour appliquer des pénalités pour manquement délibéré, outre le montant de la taxe sur la valeur ajoutée éludée, à savoir 20 574 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2016, l'administration relève, ainsi qu'il a été dit au point 7, que la SARL SSTL n'a produit que tardivement des documents justifiant de la réduction de l'assiette de taxe sur la valeur ajoutée dont elle se prévalait. Ces éléments caractérisent l'intention délibérée de la société d'éluder l'impôt, indépendamment de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée sur les frais ayant donné lieu aux débours que la SARL SSTL soutient avoir déduit par erreur, et justifient que les impositions contestées soient assorties de pénalités pour manquement délibéré. L'administration fiscale doit, par suite, être regardée comme ayant suffisamment établi les manquements délibérés justifiant la majoration de 40 % en litige.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL SSTL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins de décharge et sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL SSTL est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL SSTL et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2023.
La rapporteure,
Signé : C. MosserLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 21NC01256