Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 9 juillet 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a confirmé la décision du préfet du Val-de-Marne déclarant irrecevable sa demande de naturalisation.
Par un jugement n° 1809356 du 7 mai 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 mars 2022, Mme A... B... épouse B..., représentée par Me Sillet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 mai 2021 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 9 juillet 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a déclaré irrecevable sa demande de naturalisation ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande de naturalisation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme A... B... épouse B... soutient que la décision contestée est entachée de discrimination, en méconnaissance des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Mme A... B... épouse B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 décembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 7 mai 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme A... B... épouse B..., ressortissante djiboutienne tendant à l'annulation de la décision du 9 juillet 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté l'irrecevabilité de sa demande de naturalisation. Mme A... B... épouse B... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " (...) / Lorsque les conditions requises par la loi sont remplies, le ministre chargé des naturalisations propose, s'il y a lieu, la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité française. Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, il déclare la demande irrecevable. / (...). ".
3. Aux termes de l'article 21-24 du code civil : " Nul ne peut être naturalisé s'il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue, de l'histoire, de la culture et de la société françaises, dont le niveau et les modalités d'évaluation sont fixés par décret en Conseil d'État (...) ". Aux termes de l'article 37 du décret du 30 décembre 1993, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour l'application de l'article 21-24 du code civil : / 1° Tout demandeur doit justifier d'une connaissance de la langue française caractérisée par la compréhension des points essentiels du langage nécessaire à la gestion de la vie quotidienne et aux situations de la vie courante ainsi que par la capacité à émettre un discours simple et cohérent sur des sujets familiers dans ses domaines d'intérêt. Son niveau est celui défini par le niveau B1, rubriques "écouter", "prendre part à une conversation" et "s'exprimer oralement en continu" du Cadre européen commun de référence pour les langues, tel qu'adopté par le comité des ministres du Conseil de l'Europe dans sa recommandation CM/ Rec (2008) du 2 juillet 2008. (...) ". Aux termes de l'article 37-1 de ce décret : " La demande est accompagnée des pièces suivantes : / (...) 9° Un diplôme ou une attestation justifiant d'un niveau de langue égal ou supérieur à celui exigé en application de l'article 37 et délivré dans les conditions définies par cet article ou, à défaut, une attestation délivrée dans les mêmes conditions justifiant d'un niveau inférieur. Sont toutefois dispensées de la production de ce diplôme ou de cette attestation les personnes titulaires d'un diplôme délivré dans un pays francophone à l'issue d'études suivies en français. Bénéficient également de cette dispense les personnes souffrant d'un handicap ou d'un état de santé déficient chronique ou âgées d'au moins soixante ans ". Aux termes de l'article 41 du même décret, dans sa rédaction applicable au litige : " Le postulant se présente en personne devant un agent désigné nominativement par l'autorité administrative chargée de recevoir la demande. / Lors d'un entretien individuel, l'agent vérifie que le demandeur possède les connaissances attendues de lui, selon sa condition, sur l'histoire, la culture et la société françaises, telles qu'elles sont définies au 2° de l'article 37. (...) / L'entretien individuel prévu au deuxième alinéa permet de vérifier que maîtrisent un niveau de langue correspondant au niveau exigé en vertu de l'article 37 : / (...) / b) Les demandeurs souffrant d'un handicap ou d'un état de santé déficient chronique ou âgés d'au moins soixante ans. / (...) ".
4. Si les dispositions citées aux points précédents n'exonèrent pas, en principe, le postulant à la nationalité française âgé d'au moins soixante ans ou atteint d'un handicap de justifier d'une connaissance de la langue française dans les conditions qu'elles édictent, l'autorité administrative ne peut légalement déclarer irrecevable une demande de naturalisation en se fondant sur l'existence d'une maladie ou d'un handicap ni, par suite, sur l'insuffisante connaissance de la langue française lorsqu'elle résulte directement d'une maladie ou d'un handicap.
5. Pour déclarer irrecevable la demande de naturalisation de Mme A... B... épouse B..., le ministre chargé des naturalisations s'est fondé sur le motif tiré de ce que son niveau de connaissance de la langue française, inférieur au niveau B1 oral requis par les dispositions de l'article 37 du décret du 30 décembre 1993, était insuffisant.
6. Il ressort du compte rendu de l'entretien individuel d'assimilation du 20 mars 2017, au cours duquel le niveau de maîtrise de la langue française de Mme A... B... épouse B... a été évalué, conformément aux dispositions des articles 37 et 41 du décret du 30 décembre 1993 dans leur rédaction alors applicable, que la requérante a été en mesure de comprendre et de répondre à des questions simples qui lui ont été posées tenant à son environnement social et aux activités de son conjoint mais qu'elle n'a pas su répondre aux autres questions qui ont suivi, relatives, par exemple, aux liens la rattachant encore à son pays d'origine. Il est vrai qu'à la date de cet entretien, Mme Mme A... B... épouse B... souffrait d'une surdité de transmission à l'oreille droite et d'une suspicion d'otospongiose bilatérale nécessitant un suivi en oto-rhino-laryngologie. L'hypoacousie bilatérale a été constatée ensuite, par des certificats médicaux des 9 mars 2018 et 2 octobre 2020, postérieurs à l'entretien d'évaluation, indiquant que les troubles auditifs sévères affectant la requérante gênent la compréhension verbale et rendent impossible son évaluation linguistique. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des mentions figurant dans le compte rendu d'entretien d'assimilation ainsi que dans les pièces médicales produites par Mme A... B... épouse B... qu'à la date de l'entretien du 20 mars 2017, les troubles auditifs qui l'affectaient l'auraient effectivement gênée dans la compréhension des questions qui lui ont été posées ni que le caractère insatisfaisant des réponses apportées, ainsi que le niveau insuffisant de maîtrise de la langue française qu'elles révèlent, trouvent leur origine dans la pathologie dont elle souffre. Dans ces conditions, le ministre de l'intérieur a pu, sans commettre une erreur de droit, ni entacher sa décision de discrimination prohibée par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, déclarer irrecevable la demande de naturalisation de Mme A... B... épouse B... au motif que son niveau de connaissance de la langue française n'était pas suffisant.
7. La décision contestée déclarant irrecevable la demande de naturalisation de Mme A... B... épouse B... n'est pas, en elle-même, susceptible de porter atteinte au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... B... épouse B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées dans la requête de Mme A... B... épouse B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par Mme A... B... épouse B... doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du ministre de l'intérieur et des outre-mer, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par Mme A... B... épouse B... au titre des frais de procès.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... B... épouse B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Dias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2023.
Le rapporteur,
R. DIAS
La présidente,
C. BUFFETLe greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT00702