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12/12/2023 | FRANCE | N°23BX02335

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 12 décembre 2023, 23BX02335


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. G... A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 4 août 2021 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2101328 du 13 juillet 2023, le tribunal a annulé l'arrêté du 4 août 2021 et a enjoint au préfet de la Guyane de réexaminer la demande de M. A

... dans un délai de deux mois à compter de la notification de sa décision.



Procédure devant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 4 août 2021 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2101328 du 13 juillet 2023, le tribunal a annulé l'arrêté du 4 août 2021 et a enjoint au préfet de la Guyane de réexaminer la demande de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification de sa décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 août 2023, le préfet de la Guyane, représenté par Me Tomasi et Me Dumoulin, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane n° 2101328 du 13 juillet 2023 ;

2°) de rejeter la demande de première instance présentée par M. A....

Il soutient que :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

- c'est à tort que les premiers juges ont annulé pour incompétence l'arrêté en litige ; le signataire de cet arrêté, adjointe au chef du bureau de l'éloignement et du contentieux, bénéficiait d'une délégation de signature avant l'intérim assuré par Mme F... en qualité de directrice générale de la sécurité, de la réglementation et des contrôles ; cette délégation du 28 février 2021 est produite au débat et est antérieure à l'arrêté en litige.

En qui concerne les moyens soulevés en première instance par M. A... :

- ces moyens doivent être écartés comme infondés.

La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 31 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 octobre 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frédéric Faïck ayant été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. M. G... A..., ressortissant de Guinée-Bissau né le 8 février 1972, est entré en France en 2005 selon ses déclarations. Le 12 avril 2021, il a déposé en préfecture de Guyane une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 4 août 2021, le préfet de la Guyane a rejeté cette demande et a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi. M. A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler cet arrêté du 4 août 2021. Par un jugement rendu le 13 juillet 2023, le tribunal a fait droit à la demande de M. A... et a prescrit au préfet de réexaminer le droit au séjour de ce dernier sur le territoire français. Le préfet de la Guadeloupe relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 221-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'entrée en vigueur d'un acte réglementaire est subordonnée à l'accomplissement de formalités adéquates de publicité, notamment par la voie, selon les cas, d'une publication ou d'un affichage, sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d'autres formalités préalables. Un acte réglementaire entre en vigueur le lendemain du jour de l'accomplissement des formalités prévues au premier alinéa, sauf à ce qu'il en soit disposé autrement par la loi, par l'acte réglementaire lui-même ou par un autre règlement (...) ".

3. L'arrêté en litige du 4 août 2021 a été signé par Mme E..., adjointe au chef du bureau de l'éloignement et du contentieux de la préfecture de Guyane. Pour annuler cet arrêté, au motif qu'il était entaché d'incompétence, les premiers juges ont retenu que Mme E... ne bénéficiait d'aucune subdélégation de signature consentie par Mme F..., chargée par un arrêté préfectoral du 3 août 2021 d'exercer par intérim les fonctions de directrice générale de la sécurité, de la réglementation et des contrôles. Toutefois, la consultation du site internet de la préfecture de la Guyane fait apparaître, à la rubrique " publications ", que l'arrêté du 3 août 2021, qui revêt un caractère réglementaire, a été publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 4 août 2021, et qu'il n'est ainsi entré en vigueur que le lendemain conformément aux dispositions précitées de l'article L. 221-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, au 4 août 2021, date de la décision en litige, l'arrêté du 28 février 2021 par lequel M. B..., sous-préfet, directeur général de la sécurité, de la réglementation et des contrôles avait subdélégué sa compétence à M. C..., directeur de l'immigration et de la citoyenneté, à l'effet de signer l'ensemble des actes relatifs à l'activité de ce service était encore en vigueur. L'article 2 de l'arrêté du 28 février 2021 précisait, en son article 2 qu'en cas d'absence ou d'empêchement de M. C..., la délégation de signature serait exercée par M. D..., chef du bureau de l'éloignement et du contentieux et, en cas d'absence ou d'empêchement de ce dernier, par Mme E.... Or, il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est pas allégué, que M. C... et M. D... n'auraient pas été absents ou empêchés le 4 août 2021, date de l'arrêté en litige, que Mme E... pouvait, dans ces conditions, signer. Il en résulte que le préfet de la Guyane est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté en litige pour vice d'incompétence.

4. Il y a lieu pour la Cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. A....

Sur les autres moyens de première instance :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 (...) ".

6. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... produit une série de pièces censées établir sa présence en France depuis 2005 et chacune des années suivantes jusqu'à la date de l'arrêté contesté. Il s'agit notamment de déclarations de revenus, d'avis d'imposition, d'attestations d'hébergement, de pièces médicales diverses et de factures. Ces pièces, ne révèlent pas, par elles-mêmes, que ce dernier, qui est sans ressources, aurait noué en France des liens privés et familiaux d'une nature particulière. Si M. A... allègue avoir noué une relation avec une ressortissante française, aucun élément du dossier ne permet d'estimer que cette relation présenterait un caractère suffisamment stable et intense, les quelques attestations d'hébergement versées au dossier étant à cet égard insuffisamment probantes, notamment quant à la réalité de la vie commune alléguée. Par ailleurs, si M. A... produit une promesse d'embauche datée du 3 septembre 2018, soit antérieure de près de trois ans à l'arrêté en litige, ainsi qu'un courrier du 21 septembre 2021, postérieur à cet arrêté, dans lequel la personne qu'il présente comme sa compagne fait part de son souhait qu'il reprenne son entreprise, ces éléments n'établissent toutefois pas de manière probante que M. A..., qui est sans ressources et ne justifie d'aucune expérience particulière, justifierait en France d'une intégration sur le plan professionnel. Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, M. A... n'est pas fondé à soutenir que sa demande d'admission exceptionnelle au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait par des motifs exceptionnels propres à justifier une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 précité, et qu'en la rejetant le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Si le requérant invoque, au soutien de son moyen, sa présence en France depuis 2005, il ressort des pièces du dossier qu'il y réside en situation irrégulière et qu'il ne justifie pas, ainsi qu'il a été dit, d'une insertion et de liens privés ou familiaux particuliers. Dans ces conditions, l'arrêté en litige ne peut être regardé comme portant une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. En troisième lieu, pour les même motifs, l'arrêté en litige n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

11. Le refus de titre de séjour énonce de manière détaillée les conditions de séjour de M. A... en France, en précisant qu'il n'établit pas y séjourner de manière ininterrompue depuis au moins 2015, qu'il produit une simple promesse d'embauche datée du 3 septembre 2018, qu'il déclare vivre en concubinage avec une ressortissante française sans fournir de pièces attestant de leur vie commune, qu'il n'a pas d'enfant et est sans emploi ni ressources. Le préfet en conclut que M. A... ne justifie pas d'une vie privée et familiale ancienne, intense et stable. La motivation de l'obligation de quitter le territoire français, prise sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, se confond avec celle du refus du titre de séjour dont elle découle nécessairement. Et dès lors que, ainsi qu'il vient d'être dit, le refus de titre satisfait à l'obligation de motivation, le préfet n'était pas tenu de motiver spécifiquement l'obligation de quitter le territoire français en litige. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la mesure d'éloignement doit être écarté.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

12. L'arrêté en litige du 4 août 2021 ne comporte aucune interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, les moyens tirés de l'incompétence, de la méconnaissance du droit d'être entendu et du défaut de motivation soulevés à l'encontre d'une prétendue interdiction de retour sont inopérants.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Guyane est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a annulé l'arrêté du 4 août 2021 en litige. Dès lors, ce jugement doit être annulé et la demande de première instance de M. A... doit être rejetée.

DECIDE

Article 1er : Le jugement du 13 juillet 2023 du tribunal administratif de la Guyane n° 2101328 du 13 juillet 2013 est annulé.

Article 2 : La demande de première instance de M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. G... A....

Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Guyane.

Délibéré après l'audience du 13 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Julien Dufour, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

La présidente,

Ghislaine Markarian

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 23BX02335

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02335
Date de la décision : 12/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : TOMASI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-12;23bx02335 ?
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