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13/12/2023 | FRANCE | N°21DA02847

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 13 décembre 2023, 21DA02847


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 2 août 2019 par laquelle la ministre de la transition écologique et solidaire lui a interdit d'exercer l'activité professionnelle d'expert en automobile pendant une durée d'un an avec sursis.



Par un jugement n° 1904296 du 8 octobre 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une re

quête et un mémoire, enregistrés les 13 décembre 2021 et 14 novembre 2022, M. B... A..., représenté par Me Lucile Matra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 2 août 2019 par laquelle la ministre de la transition écologique et solidaire lui a interdit d'exercer l'activité professionnelle d'expert en automobile pendant une durée d'un an avec sursis.

Par un jugement n° 1904296 du 8 octobre 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 décembre 2021 et 14 novembre 2022, M. B... A..., représenté par Me Lucile Matrand, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) et de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement ne comporte pas les signatures requises par les dispositions de l'article R. 751-7 du code de justice administrative ;

- le jugement est insuffisamment motivé, en ce qui concerne la proportionnalité de la sanction et le tribunal a omis de se prononcer sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du III de l'article R. 326-14 du code de la route ;

- la décision est entachée d'une inexactitude matérielle des faits ;

- la sanction prononcée est disproportionnée, au regard des dispositions de l'article R. 326-14, III du code de la route, s'agissant de la sanction la plus grave du troisième groupe, alors que les faits n'ont pas été qualifiés de faute.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la route ;

- l'arrêté du 29 avril 2009 fixant les modalités d'application des dispositions du code de la route relatives aux véhicules endommagés pour les voitures particulières et les camionnettes ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- et les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., expert automobile, a fait l'objet d'une décision de sanction du 2 août 2019 par laquelle la ministre de la transition écologique et solidaire lui a interdit d'exercer l'activité professionnelle d'expert en automobile pendant une durée d'un an avec sursis. Il relève appel du jugement du 8 octobre 2021 du tribunal administratif de Rouen, qui a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. " Aux termes de l'article R. 751-2 du même code : " Les expéditions des décisions sont signées et délivrées par le greffier en chef ou, au Conseil d'Etat, par le secrétaire du contentieux. "

3. Si M. A... soutient que le jugement attaqué est irrégulier pour ne pas comporter, en méconnaissance de ces dispositions, les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur de l'affaire et du greffier d'audience, il résulte de l'examen de la minute de ce jugement, jointe au dossier de première instance transmis à la cour, que ce moyen manque en fait. La circonstance que l'expédition notifiée au requérant ne comporterait pas ces signatures est sans incidence sur la régularité du jugement.

4. En second lieu, en citant au point 10 du jugement les dispositions du III de l'article R. 326-14 du code de la route relatives à l'échelle des sanctions, et en considérant au point 11 du jugement que le moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction prononcée devait être écarté, notamment " eu égard à la nature, à la gravité et à la répétition des manquements constatés ", qui venaient d'être détaillés de manière circonstanciée au point 9, le tribunal, qui n'était pas tenu de répéter in-extenso le détail de ces manquements au point 11 mais pouvait se borner à se référer à ces manquements, n'a ni omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du III de l'article R. 326-14, ni insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction infligée. Dès lors, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Aux termes de l'article 7 de l'arrêté du 29 avril 2009 fixant les modalités d'application des dispositions du code de la route relatives aux véhicules endommagés pour les voitures particulières et les camionnettes : " L'expert sollicité pour suivre la remise en état du véhicule doit : / (...) / - se conformer à la méthodologie décrite à l'annexe 3 pour suivre et contrôler la remise en état du véhicule ". Aux termes de l'article 8 du même arrêté : " Le second rapport d'expertise atteste notamment que les réparations touchant à la sécurité prévues par le premier rapport ainsi que toutes les réparations estimées nécessaires pour la sécurité au cours du suivi ont été effectuées et que le véhicule est en état de circuler dans des conditions normales de sécurité ". Aux termes de l'annexe n° 3 de cet arrêté : " I. - Première étape de la méthodologie : / (...) / Dans l'hypothèse où il sera utilisé des pièces de réemploi après accord du propriétaire et de l'expert, ce dernier définit la méthodologie de la remise en conformité et évalue le montant des travaux à effectuer sur le véhicule contradictoirement avec le réparateur. (...) / II. - Deuxième étape de la méthodologie : / (...) / 3. La troisième visite inclut, en présence de l'expert : - le contrôle du véhicule tel que défini par l'expert ; - l'essai du véhicule par une personne habilitée, si nécessaire. / III. - Les documents : / 1. Les différentes étapes décrites ci-dessus doivent être consignées dans le procès-verbal d'expertise. C'est à l'issue de ce processus que le second rapport est établi. / 2. Le second rapport synthétise l'ensemble des étapes consignées dans le procès-verbal de suivi. La liste des réparations effectuées sur le véhicule précisant celles touchant à la sécurité ainsi que la nature des pièces remplacées (pièces neuves d'origine ou de qualité équivalente ou de réemploi) est transmise au propriétaire à sa demande. / 3. L'ensemble des documents obligatoires de la procédure, notamment la ou les lettres de mission, les rapports d'expertise, photographies prises lors des différentes étapes de la méthodologie, documents contradictoires, relevés de mesures, l'original du procès-verbal d'expertise, copies des factures des réparations, doit être conservé pendant cinq ans ".

6. En premier lieu, si M. A... soutient que la décision de sanction est fondée sur des faits matériellement inexacts, il ressort des termes de la décision attaquée que la ministre, après avoir relevé, notamment, que M. A... avait rédigé dans le cadre de procédures relatives à des véhicules endommagés 478 seconds rapports en 2015, 757 seconds rapports en 2016 et 617 seconds rapports en 2017, a estimé que l'examen des dossiers du requérant avait révélé des manquements et des insuffisances dans sa pratique professionnelle au regard de la méthodologie du suivi et du contrôle des véhicules endommagés qui ne permettaient pas de vérifier la qualité des réparations effectuées. Pour caractériser ces manquements, la ministre s'est fondée sur le nombre important de seconds rapports établis ainsi que sur les lacunes constatées dans ces rapports et la méthodologie employée. Elle a relevé que M. A... ne conservait pas les seconds rapports originaux d'expertise des véhicules endommagés et utilisait son propre modèle de rapport, ce qui entraînait des imprécisions récurrentes concernant, notamment, les relevés de kilométrage des véhicules. Elle a également retenu que la méthodologie employée par le requérant et mise en œuvre par les réparateurs ne pouvait être appréciée dès lors que les photographies des véhicules examinés, peu nombreuses, ne permettaient pas, compte tenu de la qualité des clichés, de vérifier l'identification des véhicules ainsi que la nature des réparations effectuées. Il est, par ailleurs, reproché au requérant l'insuffisance de traçabilité des pièces employées lors des travaux de réparation, notamment pour les pièces d'occasion, et l'utilisation de pièces de réemploi pour les équipements de sécurité passive des véhicules, tels que les airbags. Enfin, la ministre a indiqué que M. A... n'avait réalisé aucun essai routier après les travaux de réparation et que le volume de l'activité de l'intéressé, compte tenu du faible temps consacré à chaque visite, ne permettait pas de satisfaire aux exigences spécifiques prévues par la réglementation concernant la procédure de remise en condition de sécurité des véhicules.

7. Si M. A... soutient en particulier qu'il utilisait le modèle de rapport d'expertise préconisé par l'annexe 2 de la circulaire du 28 mai 2009, que l'imprécision des relevés kilométriques ne lui est pas imputable dès lors que les véhicules peuvent circuler avec une plaque provisoire, qu'il peut aisément expertiser huit véhicules par jour dès lors qu'ils sont réunis dans un même garage, que les garagistes conservent les factures attestant du caractère neuf ou d'occasion des pièces détachées et que la circonstance que les copies qu'il conserve des seconds rapports ne sont ni tamponnées ni signées ne change rien à leur contenu, ces allégations ne sont pas de nature à remettre en cause la matérialité des faits retenus pour motiver la sanction, qui sont constitutifs de manquements fautifs aux dispositions précitées des articles 7 et 8 de l'arrêté du 29 avril 2009, et qui sont relatifs d'une part à l'imprécision des seconds rapports concernant, notamment, les relevés de kilométrage et la nature des réparations effectuées, l'absence systématique d'essai routier ainsi que l'insuffisance de traçabilité des pièces de rechange utilisées, d'autre part et surtout au nombre de seconds rapports rédigés de 2015 à 2017, qui est très supérieur au nombre maximal, qui n'est pas sérieusement contesté et est estimé par l'administration à 420 et par les organisations professionnelles à 300, de rapports annuels pouvant être réalisés dans les règles de l'art, dans des conditions compatibles à la fois avec la méthodologie prescrite et avec la sécurité des usagers de la route.

8. En second lieu, aux termes de l'article R. 326-14 du code de la route : " III. Au vu du rapport du rapporteur et après avoir, le cas échéant, entendu l'expert mis en cause, la Commission nationale des experts en automobile émet un avis motivé sur la sanction susceptible d'être prononcée par le ministre chargé des transports à l'encontre de l'intéressé parmi les sanctions suivantes : l'avertissement, le blâme, l'interdiction de l'exercice de son activité professionnelle pour une durée n'excédant pas trois ans ou la radiation de la liste des experts en automobile avec interdiction de solliciter une nouvelle inscription pendant cinq ans. La radiation peut être limitée à la qualification mentionnée à l'article R. 326-11. Les sanctions peuvent être assorties d'un sursis total ou partiel. / (...) La notification mentionne que la décision peut faire l'objet d'un recours de pleine juridiction devant la juridiction administrative compétente ".

9. Compte tenu de la nature, de la gravité et de la répétition des manquements constatés mentionnés précédemment, la ministre de la transition écologique et solidaire, qui n'était pas tenue de suivre l'avis de la rapporteure de la Commission nationale des experts en automobile qui avait proposé un blâme, n'a pas prononcé une sanction disproportionnée en interdisant à M. A... d'exercer son activité professionnelle d'expert en automobile pendant une durée d'un an avec sursis et en prévoyant la publication, prévue par l'article R. 326-13 du code de la route, de la sanction sur le site internet de la sécurité routière, et ce, alors même qu'aucune autre sanction n'aurait été antérieurement prise à son encontre. Par suite, le moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction prononcée et de la méconnaissance des dispositions du III de l'article R. 326-14 du code de la route doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par suite, la requête de M. A... doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de l'Eure.

Délibéré après l'audience publique du 1er décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Thierry Sorin, président,

M. Marc Baronnet, président-assesseur,

M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : M. BaronnetLe président de chambre,

Signé : T. Sorin

La greffière,

Signé : AS. Villette

La République mande et ordonne au ministre de transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

Anne-Sophie VILLETTE

2

N°21DA02847


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02847
Date de la décision : 13/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: M. Marc Baronnet
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : MATRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-13;21da02847 ?
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