La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/12/2023 | FRANCE | N°23PA01822

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 13 décembre 2023, 23PA01822


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... D... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 16 août 2022 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2208962/9 et n° 2208963/9 du 30 mars 2023, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ainsi que celle présentée par son épouse, Mme F... épouse D... contre l'arrêté du même jour pris à son encontre.



Procédure devant la Cour :



Par une requête enregistrée le 2 mai 2023, M. D..., rep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 16 août 2022 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2208962/9 et n° 2208963/9 du 30 mars 2023, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ainsi que celle présentée par son épouse, Mme F... épouse D... contre l'arrêté du même jour pris à son encontre.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 mai 2023, M. D..., représenté par Me David Sadoun, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 mars 2023 en tant qu'il rejette sa requête ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 août 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros sur le fondement

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que la même somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens au titre de la première instance.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle est illégale à raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne qui n'a pas, en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée le 5 septembre 2023, produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 9 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fullana,

- et les observations de Me Sadoun, représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant algérien, né le 13 juin 1989, entrée en France le 4 janvier 2019 sous couvert d'un visa Schengen de type C, a sollicité, le 13 décembre 2021, la délivrance d'un certificat de résidence en sa qualité de parent d'enfant malade. Par un arrêté du 16 août 2022, le préfet de Seine-et-Marne a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. Par un jugement n° 2208962/9 et n° 2208963/9 du 30 mars 2023, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande, ainsi que celle présentée par son épouse et dirigée contre un arrêté du même jour et ayant le même objet. M. D... demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il rejette sa requête.

Sur le moyen commun aux décisions attaquées tiré de l'incompétence de leur signataire :

2. M. D... reprend en appel, à l'identique, le moyen soulevé en première instance tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte en litige. Dans ces conditions, le moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 3. de leur jugement.

Sur le refus de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9 ". Aux termes de l'article L. 425-9 du même code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ".

4. Les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Par ailleurs, les stipulations du 7 de l'article 6 de cet accord prévoient la délivrance d'un certificat de résidence au ressortissant algérien dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays, mais n'étendent pas le bénéfice de ce titre de séjour aux parents d'un enfant malade. Toutefois, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir de régularisation, délivre à un ressortissant algérien une autorisation de séjour pour l'accompagnement d'un enfant malade.

5. Pour prendre la décision en litige, le préfet de Seine-et-Marne s'est notamment fondé sur l'avis du 1er février 2022 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, lequel a estimé que si l'état de santé du fils de M. D..., A..., né le 23 juin 2019, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier d'un traitement approprié.

6. Pour contester cette appréciation, M. D... fait valoir qu'il est entré en France le 4 juillet 2019 et qu'il a été rejoint le 17 octobre 2019 par son épouse et leur enfant A..., qui souffre d'une myéloméningocèle responsable d'une hydrocéphalie dérivée, afin de lui permettre de bénéficier de soins appropriés, qui sont indisponibles en Algérie. Il produit, à cet égard, un compte rendu d'hospitalisation ainsi que plusieurs certificats médicaux, tous postérieurs à l'arrêté attaqué mais qui doivent être regardés comme décrivant l'état de santé de l'enfant à la date de cet arrêté, qui confirment la nature et la gravité de la pathologie dont souffre le jeune A..., l'opération chirurgicale qu'il a subie en France à l'âge de cinq mois et demi, la nécessité d'une rééducation motrice et cognitive et d'un suivi pluridisciplinaire très régulier ainsi que la possibilité qu'une nouvelle intervention chirurgicale soit nécessaire dans les années à venir et le risque, en l'absence de soins neurochirurgicaux en urgence, d'une mise en jeu du pronostic vital de l'enfant. M. D... produit également un certificat établi le 8 septembre 2022 par le docteur E..., maître assistant en neurochirurgie au centre hospitalier universitaire de Bejaïa en Algérie, qui indique qu'il n'existe aucune prise en charge pluridisciplinaire spécifique au traitement de la myéloméningocèle dans ce pays. Toutefois, ce dernier certificat qui est le seul à mentionner l'indisponibilité du suivi pluridisciplinaire dont a besoin le fils du requérant, compte tenu de son caractère général et non circonstancié, n'est pas de nature à remettre en cause le bien-fondé de l'appréciation portée par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur la possibilité d'un traitement approprié dans son pays d'origine. En outre, la circonstance que les rubriques relatives à l'élaboration du rapport et de l'avis du collège de médecins n'ont pas été renseignées est sans incidence. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que la circonstance que le médecin en charge de la rédaction du rapport à destination du collège de médecins mentionne à tort que l'opération chirurgicale subie par l'enfant a eu lieu en Algérie et non en France ait eu une incidence sur le sens de cet avis dès lors qu'une nouvelle opération a été envisagée par le neurologue de l'enfant comme une possibilité dans les années à venir et qu'en tout état de cause, aucune pièce au dossier ne vient démontrer l'impossibilité qu'une nouvelle opération chirurgicale se déroule en Algérie. Dans ces conditions, le préfet de Seine-et-Marne a pu sans entacher sa décision d'une erreur de fait ou d'une erreur manifeste d'appréciation, refuser de délivrer un titre de séjour au requérant en qualité de parent d'enfant malade.

7. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. M. D..., entré en France depuis plus de trois ans et demi à la date de l'arrêté attaqué et salarié en qualité de maçon polyvalent depuis le mois d'avril 2022, fait valoir que la famille a transféré le centre de ses attaches en France et qu'il peut subvenir à leurs besoins. Il se prévaut de l'état de santé de son fils et de la naissance sur le territoire français d'un second enfant, C..., né le 12 novembre 2020. Toutefois, ainsi qu'il a été exposé au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'Adem ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un suivi et d'un soutien appropriés à sa pathologie en Algérie. En outre, M. D... ne justifie pas d'une insertion suffisamment stable et ancienne sur le territoire français et ne fait état d'aucune circonstance particulière le mettant dans l'impossibilité de retourner en Algérie avec son épouse, qui est également en situation irrégulière et leurs enfants, ni à ce qu'il y poursuive normalement sa vie privée et familiale où il n'établit, ni n'allègue être dépourvu d'attaches et où il a vécu jusqu'à l'âge de trente ans. Dans ces conditions, le préfet de Seine-et-Marne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il n'a pas méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

9. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour.

10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 8 et en l'absence de tout autre élément, les moyens tirés de l'erreur de fait, de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Topin, présidente,

- Mme Jayer, première conseillère,

- Mme Fullana, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2023.

La rapporteure,

M. FULLANALa présidente,

E. TOPIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA01822 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01822
Date de la décision : 13/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TOPIN
Rapporteur ?: Mme Maguy FULLANA
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : SADOUN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-13;23pa01822 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award