Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... Bretecher a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la délibération du 12 avril 2019 par laquelle le conseil municipal de Saint-Rémy-l'Honoré a approuvé le compte administratif de la commune pour l'exercice 2018, d'enjoindre à la commune de Saint-Rémy-l'Honoré, d'une part, de rectifier " les comptes rendus, procès-verbaux, compte administratif et délibération concernant le décompte des voix exprimées ", et d'autre part, de lui communiquer " toutes les factures d'honoraires d'avocat depuis l'exercice 2015 " et de transmettre le jugement à intervenir au préfet des Yvelines et à la chambre régionale des comptes d'Île-de-France.
Par un jugement n° 1904467 du 29 juillet 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Saint-Rémy-l'Honoré au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 septembre 2021, Mme A... Bretecher, représentée par Me Samandjeu, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette délibération ;
3°) d'enjoindre au maire de la commune de Saint-Rémy-l'Honoré de lui communiquer toutes les factures d'honoraires d'avocat depuis l'exercice 2015 ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Rémy-l'Honoré la somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens, dont les frais d'expertise, et les droits de plaidoirie à hauteur de 13 euros par audience.
Elle soutient que :
- la mise à sa charge de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est insuffisamment motivée, disproportionnée et inéquitable ;
- le jugement est entaché d'un défaut de motivation en ce qui concerne la communication des factures d'honoraires d'avocat et la justification du reste à réaliser ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en estimant que l'information des élus concernant les affaires de la commune est conditionnée à une suspicion voire une preuve d'irrégularité ;
- ils ont dénaturé les pièces du dossier en appuyant leur jugement exclusivement sur l'exemple donné relatif aux travaux de la piste cyclable ;
- la délibération attaquée méconnait les dispositions de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales dès lors que, d'une part, les notes d'honoraires d'avocats intervenus pour le compte de la commune qui ne sont pas soumises au secret professionnel ou les informations sur les procédures juridictionnelles auxquelles ces dépenses se rattachent, devant faire l'objet de cette délibération, ne lui ont pas été communiquées et que, d'autre part, elle n'a pas obtenu le détail du reste à réaliser de l'exercice 2018 ;
- elle méconnaît l'arrêté du 26 avril 1996 relatif à la comptabilité de l'engagement des dépenses des communes, des régions et de leurs établissements publics pris pour l'application des articles L. 2342-2 et L. 4341-1 du code général des collectivités territoriales du fait d'une erreur sur le montant et les modalités de calcul du reste à réaliser de l'exercice 2018.
La requête a été communiquée à la commune de Saint-Rémy-l'Honoré qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 15 décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 20 janvier 2023, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
- l'arrêté du 26 avril 1996 relatif à la comptabilité de l'engagement des dépenses des communes, des départements, des régions et de leurs établissements publics pris pour l'application des articles L. 2342-2, L. 3341-1 et L. 4341-1 du code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Aventino,
- et les conclusions de M. Frémont, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le conseil municipal de Saint-Rémy-l'Honoré a, par une délibération du 12 avril 2019, approuvé le compte administratif de la commune pour l'exercice 2018. Par un jugement n° 1904467 du 29 juillet 2021, dont Mme Bretecher relève appel, le tribunal administratif de Versailles a, d'une part, rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération, à ce qu'il soit enjoint à la commune de Saint-Rémy-l'Honoré de rectifier " des comptes rendus, procès-verbal, compte administratif et délibération concernant le décompte des voix exprimées " et de lui communiquer " toutes les factures d'honoraires d'avocat depuis l'exercice 2015 " et à la transmission du jugement à intervenir au préfet des Yvelines et à la chambre régionale des comptes d'Île-de-France et a, d'autre part, mis à la charge de Mme Bretécher le versement à la commune de Saint-Rémy-l'Honoré d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la légalité de la délibération contestée :
2. En premier lieu, aux termes de l'article de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ". L'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dispose que : " En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention " officielle ", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel. (...) ".
3. En application de ces dispositions, le maire est tenu de communiquer aux membres du conseil municipal les documents nécessaires pour qu'ils puissent se prononcer utilement sur les affaires de la commune qui sont soumises à leur délibération. Lorsqu'un membre du conseil municipal demande la communication de documents sur ce fondement, tels que des factures d'honoraires d'avocat, il appartient au maire sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'une part, d'apprécier si cette communication se rattache à une affaire de la commune qui fait l'objet d'une délibération du conseil municipal et, d'autre part, de s'assurer qu'aucun motif d'intérêt général, eu égard à la nature de ces documents, n'y fait obstacle, avant de procéder, le cas échéant, à cette communication selon des modalités appropriées.
4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la convocation des conseillers municipaux à la séance du 12 avril 2019, qui était accompagnée du projet de compte administratif devant faire l'objet d'une délibération et d'une note explicative, Mme Bretecher a, par courriel du 3 avril 2019, demandé au maire de Saint-Rémy-l'Honoré de consulter les factures de la rubrique du compte administratif n° 6226, émises au cours de l'exercice 2018, par deux cabinets d'avocats intervenus pour le compte de la commune, ou d'en obtenir copie par voie électronique. Par un courriel du 6 avril 2019, sa demande a été rejetée. Il n'est pas contesté par la commune de Saint-Rémy-l'Honoré que les factures en cause se rattachent à la délibération approuvant son compte administratif pour l'année 2018, qui fait état de ce que cette dernière a, au titre de ses dépenses de fonctionnement, émis des mandats d'un montant total de 46 752 euros pour des frais d'honoraires d'avocat. Si ces pièces sont en principe couvertes par le secret professionnel, il n'est pas établi en l'espèce qu'un motif d'intérêt général ferait obstacle à leur communication, quand bien même elles concernent des affaires mettant en cause des personnes privées, ainsi que l'appelante et un autre membre du conseil municipal. En outre, la circonstance que Mme Bretecher a obtenu en dernier lieu le 1er mars 2018, à sa demande, le " grand livre 2018 " qui retrace les opérations de règlement d'honoraires d'avocat, avec notamment la date et le montant de chaque dépense, ainsi que le nom du cabinet d'avocats destinataire du règlement, n'est pas de nature à faire obstacle à ce que le maire de la commune dans le cadre précité, soit tenu de communiquer à sa demande à Mme Bretecher les pièces justificatives plus précises se rapportant aux comptes, telles que les factures permettant d'identifier les affaires contentieuses auxquelles ces dépenses se rattachent. Ainsi, en ne communiquant pas à Mme Bretecher, conseillère municipale, les pièces comptables justificatives des dépenses en litige, afin qu'elle puisse se prononcer utilement sur le compte administratif de la commune auxquelles elles se rattachent, le maire de la commune de Saint-Rémy-l'Honoré a méconnu les dispositions de l'article L. 2121-13 précitées. Cette méconnaissance du droit d'information des élus l'a privée d'une garantie substantielle dans l'exercice de ses fonctions et a ainsi été de nature à entacher d'illégalité la délibération contestée.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2312-1 du code général des collectivités territoriales : " Le budget de la commune est proposé par le maire et voté par le conseil municipal. / (...) ". Aux termes de l'article L. 2311-1 du même code : " Le budget de la commune est l'acte par lequel sont prévues et autorisées les recettes et les dépenses annuelles de la commune. / Le budget de la commune est établi en section de fonctionnement et section d'investissement, tant en recettes qu'en dépenses. / (...) ". Aux termes de l'article L. 2311-2 de ce code : " Le budget communal comprend les ressources nécessaires à la couverture des dépenses d'investissement à effectuer au cours de l'exercice pour lequel il a été voté. / (...) ". Aux termes de l'article L. 1612-12 du même code : " L'arrêté des comptes de la collectivité territoriale est constitué par le vote de l'organe délibérant sur le compte administratif présenté (...) par le maire (...) après transmission, au plus tard le 1er juin de l'année suivant l'exercice, du compte de gestion établi par le comptable de la collectivité territoriale. Le vote de l'organe délibérant arrêtant les comptes doit intervenir au plus tard le 30 juin de l'année suivant l'exercice. / Le compte administratif est arrêté si une majorité des voix ne s'est pas dégagée contre son adoption. / (...) ". Aux termes de l'article L. 2121-31 de ce code : " Le conseil municipal arrête le compte administratif qui lui est annuellement présenté par le maire. / (...) ". Aux termes de l'article L. 2311-3 du même code : " I - Les dotations budgétaires affectées aux dépenses d'investissement peuvent comprendre des autorisations de programme et des crédits de paiement. / Les autorisations de programme constituent la limite supérieure des dépenses qui peuvent être engagées pour le financement des investissements. Elles demeurent valables, sans limitation de durée, jusqu'à ce qu'il soit procédé à leur annulation. Elles peuvent être révisées. / Les crédits de paiement constituent la limite supérieure des dépenses pouvant être mandatées pendant l'année pour la couverture des engagements contractés dans le cadre des autorisations de programme correspondantes. / (...) ". Aux termes de l'article R. 2311-11 de ce code : " A. - Le besoin ou l'excédent de financement de la section d'investissement constaté à la clôture de l'exercice est constitué du solde d'exécution corrigé des restes à réaliser. / Le solde d'exécution de la section d'investissement correspond à la différence entre le montant des titres de recettes et le montant des mandats de dépenses émis dans l'exercice, y compris le cas échéant les réductions et annulations de recettes et de dépenses, augmentée ou diminuée du report des exercices antérieurs. / Les restes à réaliser de la section d'investissement arrêtés à la clôture de l'exercice correspondent aux dépenses engagées non mandatées et aux recettes certaines n'ayant pas donné lieu à l'émission d'un titre. / (...) ". (...) ". L'article 1er de l'arrêté du 26 avril 1996 relatif à la comptabilité de l'engagement des dépenses des communes, des départements, des régions et de leurs établissements publics pris pour l'application des articles L. 2342-2, L. 3341-1 et L. 4341-1 du code général des collectivités territoriales dispose que : " L'engagement juridique est l'acte par lequel la collectivité (...) crée ou constate à son encontre une obligation de laquelle résultera une charge. Il doit rester dans les limites des autorisations budgétaires. / (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées que le " reste à réaliser " de la section d'investissement du budget communal, inclus dans le compte administratif de l'exercice écoulé, ne peut comprendre au titre des dépenses que celles qui ont fait l'objet d'un engagement juridique mais qui n'ont pas encore été mandatées.
6. La délibération du conseil municipal attaquée mentionne un " reste à réaliser " de la section d'investissement du budget communal. La note de présentation du compte administratif de l'exercice 2018 indique, pour cette section, que " Les crédits inscrits au budget 2018 engagés mais non payés en 2018 sont distingués dans le compte administratif dans une colonne " restes à réaliser ". Ainsi, 2 505 592 euros de travaux et acquisitions sont reportés de 2018 sur 2019 pour les dépenses et 1 233 939,60 euros pour les recettes ", ce qui correspond aux montants précisés dans cette délibération. Ce " reste à réaliser ", qui comprend des dépenses et des recettes, n'équivaut pas dans ces conditions au simple report de crédits de paiement sur l'exercice suivant. Par suite, seules les dépenses déjà engagées mais non encore mandatées pouvaient légalement figurer dans ce " reste à réaliser " qui, corrigeant le solde d'exécution du budget, déterminait le besoin ou l'excédent de financement de la section d'investissement de ce dernier. Mme Bretécher indique qu'auraient été incluses à tort dans ce " reste à réaliser " des dépenses correspondant à un marché de travaux pour la construction d'une piste cyclable, n'ayant fait l'objet d'une décision du maire de le signer que le 15 avril 2019. Elle produit à ce titre cette décision du 15 avril 2019 de signature du marché de travaux. La commune n'apporte de son côté aucun élément susceptible d'établir que tout ou partie du montant de ces travaux serait inclus dans le total des dépenses figurant dans ce " reste à réaliser " du compte administratif de l'exercice 2018. Elle ne produit ni la comptabilité d'engagement à partir de laquelle le montant des " restes à réaliser " doit être déterminé ni même d'actes permettant d'établir que les investissements de la piste cyclable auraient fait l'objet d'un engagement juridique en 2018. Dans ces conditions, le moyen tiré d'une erreur de droit doit être accueilli. Dès lors, Mme Bretecher est fondée pour ces motifs à demander l'annulation de la délibération du 12 avril 2019 approuvant le compte administratif de la commune de Saint-Rémy-l'Honoré au titre de 2018.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué ni d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme Bretecher est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération en litige et a mis à sa charge, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Saint-Rémy-l'Honoré.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
8. Le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par Mme Bretecher, n'implique cependant pas, eu égard à l'acte annulé, que la commune de Saint-Rémy-l'Honoré communique les factures d'honoraires d'avocat en cause. Par suite, les conclusions présentées par la requérante sur ce point doivent être rejetées.
Sur les frais de justice :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Rémy-l'Honoré une somme 1 500 euros au titre des frais engagés par Mme Bretecher et non compris dans les dépens. En revanche d'une part, en l'absence de dépens exposés dans la présente instance, les conclusions présentées à ce titre doivent être rejetées et, d'autre part, les droits de plaidoirie ne sont pas au nombre des dépens énumérés par l'article R. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles n°1904467 du 29 juillet 2021 est annulé.
Article 2 : La délibération du 12 avril 2019 par laquelle le conseil municipal de Saint-Rémy-l'Honoré a approuvé le compte administratif de la commune pour l'exercice 2018 est annulée.
Article 3 : La commune de Saint-Rémy-l'Honoré versera une somme de 1 500 euros à Mme Bretecher en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme Bretecher est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... Bretecher et à la commune de Saint-Rémy-l'Honoré.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Aventino, première conseillère,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023.
La rapporteure,
B. AVENTINOLe président,
B. EVEN
La greffière,
I. SZYMANSKI
La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 21VE02754