Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'une part d'annuler la décision implicite par laquelle l'université Paris 8 a rejeté sa demande du 21 mars 2019 tendant à la mise en œuvre de la protection fonctionnelle, à ce qu'il soit rétabli dans l'exercice effectif de ses prérogatives et à l'indemnisation de son préjudice, d'autre part d'enjoindre à l'université Paris 8 de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme au comportement illicite de M. A... et pour assurer sa protection effective, d'enjoindre à l'université Paris 8 de prendre les mesures nécessaires à la mise en œuvre effective de la protection fonctionnelle qui lui a été accordée le 11 juin 2018, enfin, de condamner l'université Paris 8 à lui payer une somme totale de 75 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.
Par un jugement n° 1906462 du 1er juillet 2022 le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 30 août 2022 et 22 février et 31 mars 2023, M. B..., représenté par Me Arnaud, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler la décision par laquelle la présidente de l'université Paris 8 a implicitement rejeté sa demande du 21 mars 2019 ;
3°) de condamner l'université Paris 8 à lui verser la somme globale de 75 000 euros en réparation de ses agissements fautifs ;
4°) de mettre à la charge de l'université Paris 8 une somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal était tenu de rouvrir l'instruction ;
- ses conclusions indemnitaires sont recevables ;
- l'inaction fautive de l'université face aux agissements de M. A... dont il a été la victime est à l'origine des nombreux arrêts maladie dont il a fait l'objet et lui a causé un préjudice moral de 15 000 euros ;
- l'absence de mise en œuvre effective de la protection fonctionnelle qui lui a été accordée lui a causé un préjudice moral de 14 620 euros et un préjudice matériel de 25 380 euros : 10 380 euros au titre des frais d'avocats et 15 000 euros au titre de l'absence d'indemnisation de son préjudice ;
- le harcèlement moral, le retrait de responsabilités et la perte de missions dont il a été la victime de la part de l'université sont à l'origine d'un préjudice moral de 20 000 euros ;
- toutes les mesures prises à son encontre sont illégales compte tenu de sa qualité de lanceur d'alerte.
Par des mémoires en défense enregistrés les 8 février et 16 mars 2023, l'université Paris 8, représentée par la SCP Saidji Moreau, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés et qu'elle a pris en charge une somme de 6 240 euros au titre des frais d'avocat de ce dernier.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions aux fins de condamnation fondées sur le harcèlement moral de l'université Paris 8 et de la faute de l'université Paris 8 à avoir refusé d'indemniser M. B... à hauteur de 15 000 euros au titre des agissements de M. A..., du fait de l'absence de demande préalable relative à ces faits générateurs.
M. B... a présenté des observations sur ce moyen par un mémoire enregistré le 18 novembre 2023.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Saint-Macary,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,
- et les observations de Me Arnaud, représentant M. B..., de Me Moreau et Me Ben Hamouda, représentant l'université Paris 8, et de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été nommé directeur de la recherche au sein de l'université Paris 8 à compter du 1er décembre 2015. A la suite d'un conflit l'opposant au directeur du laboratoire CHArt, il a demandé le bénéfice de la protection fonctionnelle, qui lui a été accordée le 11 juin 2018. Le 21 mars 2019, il a mis en demeure l'université de lui indiquer les mesures qu'elle entendait prendre pour assurer sa protection effective et mettre un terme aux agissements du directeur du laboratoire, pour le restaurer dans l'exercice effectif de ses prérogatives et pour l'indemniser du préjudice d'ores et déjà subi. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation, d'injonction et de condamnation formées à la suite du silence de l'université sur sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. L'avis de l'association Maison des lanceurs d'alerte du 15 juin 2021 reconnaissant à M. B... la qualité de lanceur d'alerte ne constitue pas une circonstance de droit ou de fait nouvelle, la reconnaissance de cette qualité par cette association étant dénuée de toute portée juridique. Au surplus, compte tenu des motifs du jugement attaqué, le tribunal pouvait ignorer ce document sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le tribunal était tenu de rouvrir la clôture de l'instruction à la suite de l'enregistrement, le 16 juillet 2021, du mémoire dans lequel il se prévalait de cet avis.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation :
3. Par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté comme irrecevables les conclusions formées par M. B... tendant à l'annulation de la décision de rejet de sa demande du 21 mars 2019. Le requérant ne conteste pas le motif d'irrecevabilité retenu par le tribunal et indique même ne pas contester les dispositions du jugement relatives à la recevabilité de sa requête. Dans ces conditions, ses conclusions aux fins d'annulation, présentées à nouveau en appel, ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'indemnisation :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable à la date des fautes alléguées : " IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ".
5. Il résulte de l'instruction que par une décision du 11 juin 2018, la présidente de l'université de Paris 8 a accordé à M. B... le bénéfice de la protection fonctionnelle pour des propos et des faits présumés de harcèlement moral à son encontre émanant de M. A.... Si M. B... soutient que ces faits se sont manifestés par un courrier du 15 décembre 2017 du directeur du laboratoire CHArt, adressé à la direction de l'université et intitulé " Pourquoi nous ne pouvons plus développer de recherche contractuelle avec la direction de la recherche de Paris 8 ", ce courrier, par lequel son auteur se plaint, dans des termes mesurés, de la direction de la recherche, ne saurait avoir motivé l'octroi du bénéfice de la protection fonctionnelle à M. B.... Il en va de même des échanges de courriels des mois d'avril et de mai 2019 produits par l'intéressé, qui n'émanent au demeurant pas de M. A... et sont en tout état de cause postérieurs à la demande d'indemnisation de M. B.... En revanche, les deux courriels des 28 février et 25 mai 2018 par lesquels le directeur du laboratoire CHArt se plaint du harcèlement moral dont il serait victime de la part du directeur de la recherche, qui ont été envoyés à plusieurs destinataires dont, pour le second, trois personnes extérieures à l'université, ont pu être regardés comme diffamants et justifier l'octroi à M. B... de la protection fonctionnelle.
6. D'une part, il résulte de l'instruction qu'avant même la décision accordant cette protection, les deux vice-présidents de la commission de la recherche ont répondu au courriel de M. A... du 25 mai 2018 en prenant la défense de la direction de la recherche. Ce courriel, transmis à l'ensemble des destinataires du courriel initial, a constitué une réponse rapide et appropriée aux propos diffamants de M. A.... Il résulte en outre de l'instruction que le vice-président adjoint de la commission de la recherche a apporté son soutien à M. B... le 29 mai 2018, de même que le directeur général des services le 7 juin 2018 et que la présidente, qui lui a octroyé, le 11 juin 2018, la protection fonctionnelle. Il résulte enfin de l'instruction qu'à la suite d'une convention d'honoraires passée le 22 février 2019 entre l'université Paris 8 et l'avocat de M. B..., une somme de 6 240 euros a été versée par l'université Paris 8 le 26 mars 2019. Cette dernière a pu à bon droit estimer que cette somme était suffisante pour permettre à M. B... de porter plainte au pénal contre M. A... et refuser en conséquence de prendre en charge une seconde convention d'honoraires, alors, au surplus, que l'avocat de M. B... a refusé de lui préciser à quel titre ces honoraires étaient réclamés. Il n'est d'ailleurs nullement établi que la somme de 6 240 euros n'a pas servi au paiement des honoraires liés aux litiges opposant M. B... à l'université. Il résulte de ce qui précède que l'université Paris 8, à laquelle il incombait de choisir les mesures qu'elle estimait les plus pertinentes, a pris des mesures suffisantes et appropriées pour rendre effective la protection fonctionnelle de M. B.... Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à se prévaloir d'une faute de l'université à cet égard. Par suite, ses demandes tendant au paiement d'une somme supplémentaire de 10 380 euros au titre de ses frais d'avocat, de 15 000 euros au titre de l'inaction fautive de l'université et de 15 000 euros au titre du préjudice moral que lui aurait causé l'absence de mise en œuvre effective de la protection fonctionnelle doivent être rejetées.
7. D'autre part, M. B..., qui demande l'indemnisation du préjudice matériel que lui a causé la faute de l'université à ne pas l'avoir indemnisé du préjudice moral dont la diffamation dont il a fait l'objet est à l'origine doit être regardé comme demandant l'indemnisation, au titre de la protection fonctionnelle, du préjudice moral que lui a causé cette diffamation. Il résulte de l'instruction que M. B..., qui fait valoir sans être contredit n'avoir jamais été arrêté pour maladie dans sa carrière jusque-là, a été placé en arrêt maladie à compter du 6 juin 2018 jusqu'au 3 juillet 2018. Eu égard à la proximité de cet arrêt avec le second courriel diffamatoire de M. A... et des attestations produites, le lien de causalité entre cet arrêt et l'attitude de M. A... est établi. En revanche, eu égard au temps écoulé et aux conflits opposant alors M. B... à d'autres personnes au sein de l'université, le lien de causalité des arrêts maladie postérieurs de M. B... avec les courriels diffamants de M. A... n'est pas établi. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral causé à M. B... en l'évaluant à la somme de 1 000 euros.
8. En second lieu, la demande de M. B... tendant à l'indemnisation à hauteur de 20 000 euros du préjudice qu'il aurait subi du fait du harcèlement moral dont il aurait fait l'objet de la part de la direction de l'université ou du retrait illégal de responsabilités et de missions dont il aurait été la victime doit être rejetée par adoption des motifs retenus au point 8 du jugement attaqué. Si M. B... se prévaut, devant la Cour, de ce qu'il aurait la qualité de lanceur d'alertes, cette circonstance est en tout état de cause sans incidence sur les motifs pertinemment retenus par le tribunal.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil n'a pas condamné l'université Paris 8 à lui verser la somme de 1 000 euros.
Sur les frais du litige :
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. B... et de l'université Paris 8 présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : L'université Paris 8 est condamnée à verser une somme de 1 000 euros à M. B....
Article 2 : Le jugement n° 1906462 du 1er juillet 2022 du tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à l'université Paris 8.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Heers, présidente de chambre,
Mme Bruston, présidente-assesseure,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
M. HEERS
La greffière,
O. BADOUX-GRARE
La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA04021