La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/12/2023 | FRANCE | N°21TL23598

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 19 décembre 2023, 21TL23598


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le département de Tarn-et-Garonne a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner solidairement, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, la société par actions simplifiée Beterem Ingénierie, aux droits de laquelle vient la société par actions simplifiée TPF Ingénierie, la société anonyme Temperia et la société par actions simplifiée Daikin Airconditioning France à lui verser la somme de 770 000 euros hors taxes au titre de la réfectio

n de l'installation de chauffage, de ventilation et de climatisation installée dans l'hôtel ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le département de Tarn-et-Garonne a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner solidairement, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, la société par actions simplifiée Beterem Ingénierie, aux droits de laquelle vient la société par actions simplifiée TPF Ingénierie, la société anonyme Temperia et la société par actions simplifiée Daikin Airconditioning France à lui verser la somme de 770 000 euros hors taxes au titre de la réfection de l'installation de chauffage, de ventilation et de climatisation installée dans l'hôtel du département ainsi que la somme de 379 426,97 euros toutes taxes comprises au titre des frais de réparation et d'entretien exposés pour ces équipements.

Par un jugement n° 1903509 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, rejeté la demande du département de Tarn-et-Garonne et mis à sa charge définitive les frais et honoraires de l'expertise, d'autre part, rejeté l'appel en garantie présenté par la société Daikin Airconditioning France à l'encontre de la société MSIG Insurance Europe comme porté devant une juridiction incompétente pour en connaître et, enfin, rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, le 6 septembre 2021, puis devant la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire, enregistré le 4 novembre 2022, le département de Tarn-et-Garonne, représenté, en dernier lieu, par Me Becquevort de la société d'avocats Arcames, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 juin 2021 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de condamner solidairement, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, les sociétés TPF Ingénierie, Temperia et Daikin Airconditioning France à lui verser la somme de 693 081,83 euros hors taxes au titre de la réfection de l'installation de chauffage, de ventilation et de climatisation installée dans l'hôtel du département ainsi que la somme de 379 426,97 euros toutes taxes comprises au titre des frais de réparation et d'entretien exposés sur ces équipements, ces sommes devant être assorties des intérêts au taux légal capitalisés ;

3°) de mettre solidairement à la charge des sociétés TPF Ingénierie, Temperia et Daikin Airconditioning France une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- la juridiction administrative est bien compétente pour connaître des conclusions dirigées contre la société MSIG Insurance Europe AG et la société Daikin Airconditioning France dès lors que cette dernière a la qualité de participante à l'exécution d'un marché public de travaux ;

- sa requête n'est pas tardive ;

- son action en garantie décennale n'est ni prescrite ni forclose en tant qu'elle est dirigée contre la société Daikin Airconditioning France, les installations fournies par ce fabriquant constituant bien des éléments pouvant entraîner sa responsabilité solidaire au sens de l'article 1792-4 du code civil ;

- dès lors qu'il ne se livre pas à une activité industrielle et commerciale dans les locaux en cause, l'article 1792-7 du code civil, qui exclut du champ de la garantie décennale les éléments d'équipement dont la vocation est uniquement professionnelle, ne trouve pas à s'appliquer ;

- c'est à bon droit que le jugement attaqué a jugé que les désordres présentent un caractère décennal mais c'est à tort qu'il a retenu l'existence d'une cause exonératoire de responsabilité tirée du maintien en service des installations en litige pendant plus d'un an sans entretien préventif ni global ;

- le rapport d'expertise n'a pas procédé à un véritable examen technique des installations et les investigations ont été sommaires ; à défaut d'avoir procédé à de véritables constatations techniques, l'expert désigné par le tribunal n'a été en mesure ni de se prononcer sur l'origine et la cause des désordres, ni de déterminer si les dysfonctionnements ne relevaient pas d'une erreur de conception et/ou de réalisation, alors qu'il a, dans le même temps, admis l'apparition de désordres dès la mise en service des installations ;

- c'est à tort que le tribunal, reprenant l'erreur ainsi commise par l'expert, a estimé que les désordres étaient imputables à un défaut de maintenance alors qu'ils sont apparus avant la fin du contrat de maintenance confié à la société Temperia et qu'en dépit du non-renouvellement de ce contrat, cette société a continué, dans les faits, à assurer une maintenance dans le cadre de dépannages ; les premiers juges ont confondu l'absence de conclusion de contrat d'entretien avec le défaut d'entretien des installations en jugeant, à tort, qu'elle était la cause exclusive des désordres, allant au-delà des constatations de l'expert qui s'était borné à indiquer que l'absence de contrat d'entretien rendait impossible toute investigation sur la cause des désordres ;

- les rapports qu'il a produits devant le tribunal sont totalement pertinents et permettent de contredire le rapport de l'expert judiciaire dès lors qu'ils démontrent, au contraire, que les désordres sont apparus dès la mise en service des installations en litige et y compris pendant la période où elles bénéficiaient d'un contrat de maintenance et d'interventions ponctuelles de la part de la société Temperia et qu'ils relèvent d'erreurs commises lors de la conception et de la réalisation de l'ouvrage ;

- la responsabilité solidaire des constructeurs est engagée dès lors, d'une part, que la société Temperia, titulaire du marché de travaux portant sur le lot n° 12 " chauffage-ventilation-plomberie-sanitaire ", est à l'origine de nombreux défauts d'installation des équipements de chauffage-climatisation, d'autre part, que le maître d'œuvre a commis plusieurs erreurs de conception en lien avec le manque de lubrification des compresseurs et l'insuffisante puissance frigorifique nécessaire au refroidissement de la salle du conseil et ayant failli dans sa mission de suivi des travaux d'installations et, enfin, que la société Daikin Airconditioning France a fourni des équipements de mauvaise qualité ;

- il est fondé à engager la responsabilité décennale des constructeurs dans les conditions suivantes :

* 693 081,83 euros hors taxes au titre des travaux engagés pour la remise en état des installations dont 54 624,40 euros hors taxes au titre du marché de maîtrise d'œuvre et 638 457,43 euros hors taxes au titre du marché de travaux ;

* 243 805,28 euros toutes taxes comprises en remboursement des frais de réparation engagés à ce jour ;

* 135 621,69 euros toutes taxes comprises en remboursement des frais d'entretien engagés en pure perte sur un ouvrage souffrant de défauts structurels liés à sa conception et à sa réalisation auxquels un entretien courant ne pouvait remédier.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 13 janvier et 24 novembre 2022, la société Temperia, représentée par Me Clamens, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de rejeter la requête du département de Tarn-et-Garonne et, à titre subsidiaire, de limiter la condamnation prononcée à l'encontre des constructeurs au titre de leur garantie décennale à la somme de 30 103,83 euros hors taxes et de condamner les sociétés TPF Ingénierie et Daikin Airconditioning France à la relever et à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre dans la proportion qu'il plaira à la cour de retenir ;

2°) de mettre à la charge du département de Tarn-et-Garonne une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de statuer sur la dévolution des dépens.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- à titre principal, la requête est irrecevable en raison de sa tardiveté ;

- à titre subsidiaire, l'action en responsabilité du département de Tarn-et-Garonne est prescrite dès lors que les installations en cause présentent un caractère dissociable de l'ouvrage de sorte qu'elles relèvent de la garantie de bon fonctionnement de deux ans à compter de leur réception en application de l'article 1792-3 du code civil ;

- à titre très subsidiaire, l'inconfort thermique constaté par l'expert judiciaire ne présente pas de caractère décennal et les préjudices allégués ne sont pas établis ; l'indemnisation réclamée par le département de Tarn-et-Garonne excédant la réparation des seuls désordres et correspondant en réalité à la modification des installations de chauffage et de climatisation ;

- c'est à bon droit que le tribunal a retenu l'existence d'une faute du maître de l'ouvrage seule à l'origine de son préjudice ;

- le département de Tarn-et-Garonne se prévaut de deux rapports qu'il a fait établir pour les besoins de la cause alors que les conclusions contenues dans le rapport d'expertise sont pertinentes ;

- l'inconfort thermique rencontré au niveau C en raison du non-fonctionnement de la centrale de traitement de l'air ne correspond pas à un dysfonctionnement de l'installation mais relève de sa maintenance habituelle ; la puissance des installations est suffisante pour assurer les températures requises en été et s'agissant du bon fonctionnement de l'installation, seuls les fluides des circuits sont altérés ce qui nécessite une simple réparation des deux circuits du niveau C ;

- à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour retiendrait le caractère décennal des désordres, elle est fondée à appeler en garantie les sociétés Daikin Airconditioning France et TPF Ingénierie dans la limite de la somme de 30 103,83 euros hors taxes retenue par l'expert suivant les parts de responsabilité qu'il lui plaira de fixer.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 27 janvier et 23 novembre 2022, la société Daikin Airconditioning France, représentée par Me Guillaume, doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) de rejeter la requête du département de Tarn-et-Garonne ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 juin 2021 en tant qu'il n'a pas rejeté les demandes présentées à son encontre par le département de Tarn-et-Garonne comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître et, à titre subsidiaire, de les rejeter comme irrecevables et comme prescrites ;

3°) de mettre à la charge du département de Tarn-et-Garonne une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- la requête d'appel est irrecevable en raison de sa tardiveté ;

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en tant qu'il n'a pas rejeté la demande du maître de l'ouvrage comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître alors qu'elle n'a pas la qualité de sous-traitante de la société Temperia ;

- le maître de l'ouvrage a fait preuve d'inertie en ne saisissant le juge des référés du tribunal en vue d'obtenir une expertise qu'entre 2015 et 2016 et n'a saisi le tribunal d'une demande au fond qu'au mois de juin 2019 tandis qu'il a réalisé les travaux de reprise des installations en litige sans attendre l'issue du litige, ce qui rend toute nouvelle expertise impossible ;

- l'audit réalisé en 2016 par la société Efora et le diagnostic réalisé au mois de mars 2020 par le cabinet Argentec à la demande du maître de l'ouvrage pour se constituer une preuve à lui-même ont été établis en dehors de toute procédure contradictoire ;

- à titre subsidiaire, la demande du maître de l'ouvrage, qui a la qualité de sous-acquéreur final des produits qu'elle a vendus à la société Temperia et auquel elle peut opposer toutes les exceptions qu'elle pourrait opposer à son co-contractant, est prescrite en application de l'article L. 110-4 du code de commerce ;

- en tout état de cause, le maître de l'ouvrage est forclos depuis le 23 juin 2016 pour engager sa responsabilité sur le fondement de la garantie biennale de bon fonctionnement des éléments d'équipements qu'elle a fournis en application de l'article 1792-3 du code civil ;

- son éventuelle qualification de sous-traitante de la société Temperia est, par principe, de nature à exclure toute condamnation sur le fondement de la garantie décennale prévue aux articles 1792 et suivants du code civil dès lors que le sous-traitant ne peut jamais être condamné sur le fondement décennal car son régime propre de responsabilité ne peut se cumuler avec celui du fabricant d'un équipement pouvant entraîner la responsabilité solidaire ;

- sa responsabilité ne saurait être engagée sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil dès lors qu'elle n'a fourni que des produits standards sur catalogue qui n'ont pas été conçus et produits pour satisfaire des exigence précises et déterminées à l'avance pour le chantier engagé par le département de Tarn-et-Garonne;

- c'est à bon droit que le tribunal a jugé que le maître d'ouvrage a commis une faute à l'origine exclusive de l'inconfort thermique observé dans les locaux en s'abstenant de souscrire un contrat d'entretien et de maintenance global des installations entre janvier 2012 et juin 2013 ;

- dans ses conclusions, l'expert judiciaire, qui s'est parfaitement acquitté de sa mission, a clairement estimé que ni la conception des installations ni les travaux de pose ne sont en cause dans la survenance des désordres qu'il a imputés au défaut d'entretien global et préventif des installations, la société Temperia étant uniquement intervenue pour traiter les dysfonctionnements ;

- la qualité du matériel qu'elle a fourni n'a jamais été mise en cause, ni par les parties, ni par l'expert, ni par les bureaux d'études mandatés par le maître de l'ouvrage, qui a même fait le choix de remplacer les équipements en litige par du matériel Daikin.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 28 février et 23 novembre 2022, la société Mitui Sumitomo Insurance Company - MSIG Insurance Europe AG, représentée par Me Meneghetti, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du département de Tarn-et-Garonne ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 juin 2021 en tant qu'il n'a pas rejeté les demandes présentées par le département de Tarn-et-Garonne à l'encontre de son assurée, la société Daikin Airconditioning France, comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître et, à titre subsidiaire, de les rejeter comme irrecevables et comme prescrites et, en tout état de cause, de juger que l'arrêt à intervenir ne lui sera opposable que dans la limite des garanties, plafonds, exclusions et franchises stipulés dans le contrat d'assurance souscrit par la société Daikin Airconditioning France ;

3°) de mettre à la charge du département de Tarn-et-Garonne une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas rejeté la demande dirigée contre son assurée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître alors qu'elle n'est pas liée par un contrat de louage d'ouvrage ou de sous-traitance au maître de l'ouvrage, qu'elle n'a pas participé à l'opération de construction dans le cadre de l'exécution du marché de travaux conclu avec la société Temperia et, enfin, qu'elle n'a conclu qu'un contrat de droit privé avec cette société en qualité de fournisseur ;

- dès lors que le maître de l'ouvrage a fondé son action sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil et n'a pas recherché sa responsabilité sur le fondement quasi-délictuel, il ne peut se prévaloir de la décision rendue par le Conseil d'État le 11 octobre 2021 sous le n° 438872 pour fonder la compétence de la juridiction administrative pour connaître du litige ;

- le département de Tarn-et-Garonne ne justifie pas de sa qualité donnant intérêt pour agir à l'encontre de son assurée ;

- la requête est irrecevable en raison de sa tardiveté ;

- le maître de l'ouvrage ne peut à la fois prétendre que la société Daikin Airconditioning France est un sous-traitant et rechercher sa responsabilité sur le fondement des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil ;

- en tout état de cause, la responsabilité de son assurée ne saurait être engagée sur le fondement décennal dès lors qu'elle n'a conclu aucun contrat de louage d'ouvrage avec le département de Tarn-et-Garonne et que les désordres en litige, qui portent sur des éléments de chauffage et de climatisation dissociables de l'ouvrage et ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination, ne présentent pas un caractère décennal ;

- aucun contrat de sous-traitance n'a été conclu entre son assurée et la société Temperia ;

- la responsabilité de son assurée ne saurait davantage être engagée sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil dès lors, d'une part, qu'elle n'a pas la qualité de fabricant d'équipement pouvant entraîner la responsabilité solidaire du fabricant, le matériel fourni par cette dernière constituant du matériel de série vendu sur catalogue et n'ayant aucune spécificité destinée à l'adapter aux exigences du chantier et, d'autre part, que l'activité exercée au sein des locaux en litige constitue une activité exclusivement professionnelle ;

- à titre subsidiaire, l'action du maître de l'ouvrage contre son assurée est prescrite en application de l'article L. 110-4 du code de commerce ;

- si la cour considérait que le régime de responsabilité prévu à l'article 1792-4 du code civil trouvait à s'appliquer, la seule action pouvant être exercée contre son assurée serait celle issue de la garantie biennale de bon fonctionnement des éléments d'équipement dissociables, action pour laquelle le maître de l'ouvrage est forclos depuis le 23 juin 2016 ;

- en procédant aux travaux après avoir fait preuve d'inertie depuis l'année 2015, le maître de l'ouvrage a fait preuve d'une déloyauté procédurale rendant toute nouvelle expertise impossible ;

- c'est à bon droit que le tribunal a exonéré la société Daikin Airconditioning France de toute responsabilité, seul le maître de l'ouvrage étant à l'origine des désordres en faisant fonctionner les installations de chauffage et de climatisation sans entretien préventif ;

- en tout état de cause, si la cour venait à entrer en voie de condamnation à l'encontre de la société Daikin Airconditioning France, elle serait fondée à lui opposer les limites de garantie, les plafonds et les franchises prévues par le contrat d'assurance souscrit par cette dernière.

Par un mémoire en défense et une réponse à une demande de pièces pour compléter l'instruction, enregistrés les 26 octobre 2021 et 24 octobre 2022, la société TPF Ingénierie, venant aux droits de la société Beterem Ingénierie, représentée par Me Gillet, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du département de Tarn-et-Garonne ;

2°) à titre subsidiaire, de limiter le préjudice subi par l'appelant à la somme de 30 130,83 euros correspondant aux frais de remise en état de l'installation de chauffage-ventilation-climatisation et de condamner la société Temperia à la relever et à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre en principal, intérêts, accessoires et frais ;

3°) de mettre à la charge du département de Tarn-et-Garonne ou de tout autre succombant une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de statuer sur les dépens.

Elle soutient que :

- les désordres ne présentent pas de caractère décennal dès lors que l'installation de chauffage-ventilation-climatisation constitue un élément dissociable de l'ouvrage, que l'inconfort thermique observé, qui se limite au niveau C, ne rend pas l'ouvrage impropre à sa destination dans son ensemble ;

- les désordres en litige, qui relèvent de la garantie biennale, ne peuvent plus engager la responsabilité des constructeurs en raison de l'expiration du délai de deux ans dont disposait le maître de l'ouvrage à compter du 6 mars 2014, date de l'ordonnance du président du tribunal administratif de Toulouse ordonnant une mesure d'expertise ;

- ainsi que l'a jugé le tribunal, le maître de l'ouvrage a commis une faute de nature à l'exonérer totalement de sa responsabilité en s'abstenant de souscrire un contrat de maintenance et en laissant les installations en litige sans entretien préventif pendant 18 mois ;

- elle est fondée à appeler en garantie la société Temperia au titre des erreurs d'exécution de nature délictuelle ou quasi-délictuelle commises lors de la pose des installations en litige ;

- les préjudices allégués sont excessifs ;

- il n'y a pas lieu d'assortir le coût des travaux de reprise des intérêts aux taux légal capitalisés dès lors que le département de Tarn-et-Garonne disposait des moyens financiers suffisants pour engager les travaux de remise en état dès le dépôt du rapport définitif de l'expert en 2015 ;

- la réalité du préjudice lié aux frais d'entretien et de réparation engagés par le maître de l'ouvrage n'est pas établie, ce dernier se bornant à produire une simple liste.

Par une ordonnance du 23 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 23 décembre 2022 à 12 heures.

Par un courrier du 29 novembre 2023, les parties ont été informées de ce que, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, l'arrêt était susceptible d'être fondé sur deux moyens d'ordre public tirés, d'une part, de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître des conclusions d'appel provoqué par lesquelles la société Temperia demande la condamnation de la société Daikin Airconditioning France à la relever et à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre et, d'autre part, de l'absence d'intérêt donnant qualité pour agir de la société Daikin Airconditioning France et de la société MSIG Insurance Europe AG, son assureur, pour demander, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement attaqué dès lors que ce jugement ne prononce aucune condamnation à leur encontre et rejette au fond les demandes présentées à l'encontre de la première.

Des réponses à ce moyen d'ordre public, présentées pour la société MSIG Insurance Europe AG et la société Daikin Airconditioning France, ont été respectivement enregistrées le 30 novembre et le 1er décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme El Gani-Laclautre,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,

- les observations de Me Becquevort, représentant le département de Tarn-et-Garonne, de Me Marcon, substituant Me Gillet, représentant la société TPF Ingénierie, de Me Guillaume, représentant la société Daikin Airconditioning France, et celles de Me Meneghetti, représentant la société MSIG Insurance Europe AG.

Considérant ce qui suit :

1. À la suite du départ des services de la préfecture avec lesquels ses locaux étaient mutualisés, le département de Tarn-et-Garonne a, en 2003, lancé un programme de restructuration et d'extension de l'hôtel du département afin de réunir ses services en un même lieu. Par un acte d'engagement conclu le 12 décembre 2003, suivi de trois avenants conclus les 10 février et 21 février 2005 et le 10 février 2006, la maîtrise d'œuvre du projet a été confiée à un groupement solidaire constitué de la société Beterem Ingénierie, aux droits de laquelle vient la société TPF Ingénierie, bureau d'études techniques et mandataire du groupement, de la société Laborie Architectes, architecte, de la société Majorelle, planificateur d'espace, et de la société Gamba Acoustique, acousticien. Les travaux ont été allotis. Par un acte d'engagement du 26 mars 2007, le lot n° 12 " chauffage-ventilation-rafraîchissement-gestion technique du bâtiment-plomberie-sanitaire " a été confié à la société Temperia, laquelle a exécuté ses travaux en trois phases entre les mois de janvier 2009 et mai 2011. Cette société a installé une installation de chauffage et de rafraîchissement par volume de réfrigérant variable à trois tubes, composée de groupes extérieurs alimentant treize circuits frigorifiques distincts ainsi que des unités de traitement d'air situés dans les locaux dont elle a fait l'acquisition auprès de la société Daikin Airconditioning France. La réception définitive du lot a été prononcée le 28 novembre 2012. Se plaignant d'inconfort thermique généralisé, le département de Tarn-et-Garonne a obtenu, par une ordonnance du président du tribunal administratif de Toulouse n° 1400061 du 6 mars 2014, la désignation d'un expert, dont le rapport a été remis le 4 août 2015. Par une ordonnance n° 1604079 du 8 décembre 2016, le juge des référés de ce tribunal a refusé de procéder à la désignation d'un nouvel expert.

2. Estimant que la responsabilité des sociétés TPF Ingénierie, Temperia et Daikin Airconditioning France était engagée sur le fondement de la garantie décennale, le département de Tarn-et-Garonne a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande tendant à ce que ces sociétés soient solidairement condamnées à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des désordres affectant les installations thermiques de l'hôtel du département. Par un jugement du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, rejeté l'appel en garantie formé par la société Daikin Airconditioning France à l'encontre de son assureur, la société MSIG Insurance Europe AG, comme porté devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, d'autre part, rejeté la demande indemnitaire du département de Tarn-et-Garonne en considérant qu'il avait commis une faute de nature à exonérer totalement les constructeurs de leur responsabilité et, enfin, mis à sa charge définitive les frais et honoraires de l'expertise. Le département de Tarn-et-Garonne relève appel de ce jugement. À titre incident, la société Daikin Airconditioning France et son assureur, la société MSIG Insurance Europe AG, demandent à la cour de réformer ce même jugement en tant qu'il n'a pas rejeté les demandes présentées à l'encontre de la première comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître et, à titre subsidiaire, comme irrecevables et comme prescrites. À titre incident et provoqué, la société TPF Ingénierie, venant aux droits de la société par action simplifiée Beterem Ingénierie, demande à la cour de rejeter la requête du département de Tarn-et-Garonne et, à titre subsidiaire, de limiter la condamnation prononcée à son encontre à la somme de 30 130,83 euros correspondant aux seuls frais de remise en état des installations et de condamner la société Temperia à la relever et à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre. À titre incident et provoqué, la société Temperia demande également à la cour de rejeter la requête de ce département et, à titre subsidiaire, de limiter l'indemnisation du maître de l'ouvrage à la même somme et, enfin, elle présente un appel en garantie contre les sociétés TPF Ingénierie et Daikin Airconditioning France.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête d'appel :

3. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf dispositions contraires, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4-1 (...) ". Il ressort des pièces du dossier que le département de Tarn-et-Garonne a reçu notification du jugement attaqué le 5 juillet 2021. Sa requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel le 6 septembre 2021, soit avant l'expiration du délai de deux mois imparti par les dispositions précitées, lequel constitue un délai franc, n'est, dès lors, pas tardive. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par les sociétés Temperia et Daikin Airconditioning France sur ce point doit être écartée.

Sur l'irrecevabilité des conclusions d'appel incident présenté par les sociétés Daikin Airconditioning France et MSIG Insurance Europe AG :

4. D'une part, le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, quel que soit le fondement juridique de l'action engagée, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé et que le litige concerne l'exécution de ce contrat.

5. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article 1792-4 du code civil : " Le fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 à la charge du locateur d'ouvrage qui a mis en œuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou élément d'équipement considéré (...) ". Conformément aux principes régissant la responsabilité décennale des constructeurs, la personne publique maître de l'ouvrage peut rechercher devant le juge administratif la responsabilité des constructeurs pendant le délai d'épreuve de dix ans, ainsi que, sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil, la responsabilité solidaire du fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance. Il appartient ainsi au juge administratif de statuer sur les conclusions du maître d'ouvrage tendant à l'engagement de la responsabilité solidaire du fabricant sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil et de rejeter ces conclusions lorsque la personne mise en cause par le maître d'ouvrage n'a pas, en réalité, cette qualité.

6. Enfin l'intérêt à faire appel s'apprécie par rapport au dispositif de la décision juridictionnelle critiquée. Si, quels qu'en soient les motifs, une décision de rejet ne fait pas grief au défendeur - qui n'est donc pas recevable à la déférer au juge d'appel - il en va différemment d'une décision qui rejette les conclusions du demandeur comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, laquelle, sans clore le litige, invite le demandeur à le poursuivre devant l'autre ordre de juridiction. Par suite, un défendeur est recevable à interjeter appel d'un jugement de tribunal administratif déclinant la compétence de son ordre de juridiction.

7. Dès lors que, en application du principe rappelé au point 5, la qualification de fabricant ne relève pas de l'examen de la compétence de la juridiction administrative mais du bien-fondé de la demande du maître de l'ouvrage et qu'elle a livré des équipements ayant concouru à l'exécution d'un marché de travaux publics, la société Daikin Airconditioning France doit être regardée comme une participante à ces travaux, ce critère permettant de fonder la compétence de la juridiction administrative pour connaître de l'action du département de Tarn-et-Garonne. Toutefois, dès lors que le dispositif du jugement attaqué ne prononce aucune condamnation à leur encontre et rejette au fond la demande présentée à l'encontre de la société Daikin Airconditioning France par le maître de l'ouvrage au motif qu'elle n'a pas la qualité de fabricant de l'ouvrage au sens de l'article 1792-4 du code civil, après avoir écarté, au demeurant à bon droit, l'exception d'incompétence de la juridiction administrative opposée devant le tribunal, les sociétés Daikin Airconditioning France et MSIG Insurance Europe AG ne justifient pas, en application du principe rappelé au point 6, d'un intérêt leur donnant qualité pour agir pour demander, à titre incident, l'annulation du jugement attaqué au motif qu'il aurait dû rejeter comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître les demandes présentées par le département de Tarn-et-Garonne Par suite, les conclusions incidentes présentées par les sociétés Daikin Airconditioning France et MSIG Insurance Europe AG sont irrecevables et doivent, par suite, être rejetées.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le cadre juridique du litige :

8. Aux termes de l'article 1792-4 du code civil : " Le fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 à la charge du locateur d'ouvrage qui a mis en œuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou élément d'équipement considéré ". Conformément aux principes régissant la responsabilité décennale des constructeurs, la personne publique maître de l'ouvrage peut rechercher devant le juge administratif la responsabilité des constructeurs pendant le délai d'épreuve de dix ans, ainsi que, sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil, la responsabilité solidaire du fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance.

9. Les biens présentant des spécificités destinées à satisfaire des exigences particulières d'un marché déterminé ne peuvent être regardés comme de simples fournitures.

10. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans, dès lors que les désordres leur sont imputables, même partiellement et sauf à ce que soit établie la faute du maître d'ouvrage ou l'existence d'un cas de force majeure.

11. Il incombe au juge administratif, lorsqu'est recherchée devant lui la responsabilité décennale des constructeurs, d'apprécier, au vu de l'argumentation que lui soumettent les parties sur ce point, si les conditions d'engagement de cette responsabilité sont ou non réunies et d'en tirer les conséquences, le cas échéant d'office, pour l'ensemble des constructeurs.

En ce qui concerne la qualité de fabricant de la société Daikin Airconditioning France :

12. Il résulte de l'instruction, en particulier des factures émises dans le cadre des commandes adressées par sa cliente, la société Temperia, que la société Daikin Airconditioning France s'est bornée à fournir, notamment, des groupes de " volume de réfrigérant variable ", des kits de branchement ainsi que des unités intérieures, qui ne présentent pas les caractéristiques d'éléments conçus et produits pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance mais correspondent à des produits fabriqués en série, ne présentant aucune spécificité propre aux besoins de l'ouvrage, qui peuvent être utilisés dans n'importe quels locaux, la seule circonstance qu'ils donnent lieu à des préconisations de pose de la part de cette société n'étant pas de nature à leur conférer la qualité d'équipements pouvant entraîner la responsabilité solidaire du constructeur. En outre, il résulte des articles II.5, III.3, III.3.1 et du cahier des clauses techniques particulières afférent au lot en litige que, sauf exceptions, le maître de l'ouvrage n'a pas imposé de marques ou de modèles particuliers, le chauffage et le rafraîchissement devant se faire par un système à détente directe, à récupération d'énergie, de type volume de réfrigérant variable fonctionnant à base de fluide frigorifique R410A " de marque Daikin ou similaire " et les unités extérieures placées en toitures devant être de " marque Daikin ou équivalent, assemblées, testées et chargées en usine en fluide R4101 ". Si le maître de l'ouvrage se prévaut des mentions contenues dans le courrier de réponse que lui a adressé la société TPF Ingénierie le 25 janvier 2013, selon lesquelles la société Daikin Airconditioning aurait réalisé le dimensionnement des installations pour le compte de la société Temperia de sorte qu'elle serait impliquée dans l'acte de construire, ces mentions ne sont toutefois corroborées par aucun autre élément probant tel que des plans ou des documents établis par cette société suivant les spécifications techniques demandées par le maître d'ouvrage et visés par le maître d'œuvre permettant d'établir sa participation à la conception de l'installation ou des comptes-rendus de réunion de chantier attestant de sa participation aux travaux de conception ou de pose. La société Daikin Airconditioning France n'a, dès lors, pas la qualité de fabricant au sens des dispositions précitées de l'article 1792-4 du code civil. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté comme infondée la demande du département de Tarn-et-Garonne tendant à l'engagement solidaire de sa responsabilité.

En ce qui concerne la responsabilité décennale des autres constructeurs :

S'agissant du caractère décennal des désordres :

13. Il résulte de l'instruction que les installations de chauffage, ventilation et climatisation présentent d'importants dysfonctionnements thermiques quelle que soit la saison, avec des températures élevées au mois d'août et une température de 15°C à 8 heures en période hivernale, alors que l'hôtel du département a vocation à accueillir du personnel et du public et qu'il comporte, par ailleurs, des locaux à forte occupation ainsi que des installations informatiques générant une forte charge thermique nécessitant des besoins en rafraîchissement constant à l'année. En particulier, il résulte du rapport d'expertise qu'en raison du dysfonctionnement de la centrale de traitement d'air à double flux, qui était mise à l'arrêt le 18 juillet 2014 lors de la visite d'expertise, du dysfonctionnement du système de rafraîchissement et de la mise hors service de l'ensemble des circuits du niveau C depuis le mois de juin 2013, il existait un inconfort thermique important, notamment au niveau C, dans les bureaux adjacents et la verrière, la température oscillant dans ces espaces entre 28,9°C et 30,2°C en été. En outre, le département de Tarn-et-Garonne indique, sans être sérieusement contesté sur ce point, avoir fait l'acquisition de climatiseurs mobiles et de convecteurs électriques d'appoint, les températures étant de l'ordre de 15°C en hiver. Compte tenu des valeurs relevées, dont la réalité doit être tenue pour établie au regard du contenu du courrier de réponse de la société Beterem Ingénierie du 23 janvier 2015, de leur non-conformité aux conditions de température contractuellement prévues au point II.3 du cahier des clauses techniques particulières, lequel mentionne une température intérieure de 26°C +/- 1°C en été pour une température extérieure de 34°C et une température de 20°C +/- 1°C en hiver pour une température de - 5°C, et eu égard à la destination des locaux en litige, l'inconfort thermique généralisé ainsi relevé dans les locaux de l'hôtel du département, qui porte sur des éléments dissociables de l'ouvrage est, dans les circonstances de l'espèce, de nature à le rendre impropre à sa destination et présente ainsi un caractère décennal, contrairement à ce que soutiennent les constructeurs.

S'agissant de l'imputabilité des désordres :

14. Il résulte de l'acte d'engagement conclu le 26 mars 2007 et du cahier des clauses techniques particulières du lot n° 12 que la société Temperia a procédé, dans le cadre de travaux répartis en trois phases sur un site occupé, à la pose des installations de chauffage, ventilation et climatisation par la pose d'un système à détente directe de type volume de réfrigérant variable à trois tubes chargé en fluide frigorigène avec récupération d'énergie. Aux termes de l'article III.3 du cahier des clauses techniques particulières, cette société était chargée de fournir et de poser les unités extérieures à condensation, les unités extérieures de puissances variables contrôlées individuellement et sélectionnées en fonction des contraintes d'aménagement intérieur, les boîtiers de sélection alimentant en chaud ou en froid les unités intérieures et permettant la récupération d'énergie. Selon ces mêmes stipulations, la société Temperia était chargée de la fourniture et de la pose du réseau de tuyauteries en cuivre de qualité frigorifique associées à des raccords de dérivation ou des collecteurs et, enfin, de l'installation d'une régulation électronique pour assurer un contrôle précis et individualisé de chaque unité intérieure. En vertu de l'article III.3.2.1 et III.3.2.2 de ce même cahier, relatifs à la salle du conseil, au hall situé au niveau C et à l'extension du niveau C, la société Temperia était chargée de traiter le système de chauffage-ventilation-climatisation en fournissant et en posant des unités intérieures plafonnières gainables associées à des diffuseurs d'air et des grilles de reprise d'air encastrés dans le faux-plafond et le sol.

15. Il résulte de l'instruction, notamment du tableau de répartition des missions et des honoraires annexé à l'acte d'engagement du groupement de maîtrise d'œuvre signé le 12 décembre 2003 que la société Beterem Ingénierie, mandataire du groupement, aux droits de laquelle vient la société TPF Ingénierie, était titulaire d'une mission de maîtrise d'œuvre complète comprenant la réalisation des études d'esquisses, des études d'avant-projet sommaire, des études d'avant-projet, des études de projet, l'assistance du maître de l'ouvrage pour la passation des contrats de travaux, la direction de l'exécution des contrats de travaux, le visa des plans d'exécution, et l'assistance aux opérations de réception. Dès lors que la société Temperia était en charge de l'exécution des installations de chauffage, ventilation et climatisation et que la société TPF Ingénierie était, notamment, en charge de la conception de ces ouvrages et du suivi d'exécution des travaux, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que leur responsabilité décennale était engagée en qualité de constructeurs.

S'agissant de l'existence d'une faute exonératoire du maître de l'ouvrage :

16. Il résulte de l'instruction, éclairée par le rapport d'expertise judiciaire et les diagnostics techniques respectivement établis par les bureaux d'études techniques Efora et Argetec le 11 avril 2016 et le 16 décembre 2019, qui ont été produits en première instance et dont la teneur a pu être contradictoirement débattue par les parties, contrairement à ce que soutiennent les constructeurs, que les désordres affectant les installations de chauffage, ventilation et climatisation en litige, qui sont apparus peu de temps après leur mise en service, présentent un caractère généralisé et sont imputables à des défauts de conception et de pose de ces équipements dans les règles de l'art. En particulier, il résulte de l'instruction que ces désordres tiennent, respectivement, à une mise en charge insuffisante des groupes " volume réfrigérant variable " lors de leur mise en service, au non-respect des règles de branchement par capacité décroissante des unités extérieures, ce qui ne garantit pas un retour d'huile optimal aux compresseurs, à la réalisation des raccords frigorifiques entre les groupes extérieurs jumelés au moyen de simples " tés " frigorifiques, installés, de surcroît à la verticale et non à plat, sans employer les kits de branchement de série du fabricant sur neuf des treize circuits, au non-respect de la distance minimale préconisée par le constructeur entre deux raccords frigorifiques dans les circuits frigorifiques n°s 4,6,7 et 10 des niveaux B et C qui alimentent de nombreuses unités intérieures proches, à l'absence de protection électrique suffisante des groupes extérieurs jumelés par la pose de disjoncteurs au calibrage adapté, ce qui expose les compresseurs à un risque de casse en cas de montée en intensité, au dimensionnement non-conforme de douze des treize circuits frigorifiques dont trois sont totalement à l'arrêt et neuf fonctionnent avec de nombreuses disparités de températures et, enfin, à des taux de raccordement et à des longueurs des réseaux de tuyauterie à la limite des valeurs maximales tolérées, ce qui engendre une baisse de puissance des unités intérieures lorsqu'elles sont toutes en demande. Il résulte également de l'instruction, éclairée par le rapport du bureau d'études techniques Argetec, d'une part, que l'installation en litige présente des dénivelés importants sans mise en œuvre de dispositifs de retour d'huile de type piège à huile installés en partie verticale tous les sept mètres environ afin de favoriser le retour d'huile aux compresseurs alors que l'huile joue un rôle essentiel dans une installation frigorifique et, d'autre part, que l'historique des pannes révèle que la quasi-totalité des circuits a été sujette à d'importantes fuites de réfrigérant et à la présence d'humidité. En outre, aucun certificat de conformité ne démontre que la mise en service des installations a été faite conformément aux règles de l'art avec des tests d'étanchéité et de tirage au vide par mise sous pression d'azote à 40 bars pendant 48 heures, suivie d'une une pression de vide. Ainsi, ces éléments factuels, qui sont corroborés par les pièces du dossier, permettent d'objectiver l'existence de nombreux manquements dans la conception et la mise en œuvre des réseaux frigorigènes à l'origine d'une altération des performances des équipements terminaux en termes de puissance frigorifique et calorifique dégagée et disponible et ce, dès la mise en service de ces équipements et non à raison de la suspension des opérations de maintenance, à la supposer établie.

17. Au vu de ces constatations factuelles qui ne sont pas sérieusement contredites par les constructeurs, lesquels se limitent à opposer le caractère non contradictoire des rapports précités alors qu'ils ont pu utilement en débattre devant le tribunal, ces désordres présentent, dès lors, une nature structurelle tandis que la maîtrise d'œuvre n'a, à aucun moment, identifié ces dysfonctionnements ou alerté le maître d'ouvrage alors que ses missions incluent la direction de l'exécution des travaux et l'assistance aux opérations de réception. Par ailleurs, dès lors qu'aucune des nombreuses interventions initiées par le maître d'ouvrage, qu'il s'agisse d'opérations de maintenance ou de dépannages, n'a pu y mettre fin, il n'existe aucun lien de causalité entre l'interruption temporaire du contrat de maintenance dont se prévalent les constructeurs et qui a été retenue, à tort, par le tribunal, comme ayant joué un rôle causal, et les désordres en litige qui étaient présents dès la mise en route des installations et se sont révélés dans leur ampleur y compris lorsque les équipements étaient sous contrat de maintenance. De plus, il résulte de l'instruction, et n'est pas sérieusement contredit, que la société Temperia, qui opérait encore sur le chantier en site occupé pour d'autres travaux, avait accepté de continuer à assurer, à titre gracieux, la maintenance des installations. En conséquence, les désordres présentent un caractère systémique et structurel auquel aucune opération de maintenance, fusse-t-elle globale, n'aurait, en tout état de cause, permis de remédier, de sorte qu'une réfection complète de ces ouvrages s'imposait. Par suite, c'est à tort que le tribunal a estimé qu'était de nature à exonérer totalement ces constructeurs de leur responsabilité la circonstance que les ouvrages en litige n'ont fait l'objet d'aucune maintenance sur la période comprise entre le mois de janvier 2010 et le mois de janvier 2012 en raison du non renouvellement du contrat de maintenance.

18. Il résulte de ce qui précède que le département de Tarn-et-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a jugé qu'il avait commis une faute de nature à exonérer totalement les constructeurs de leur responsabilité et a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire des sociétés TPF Ingénierie et Temperia à réparer l'intégralité des désordres sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'ensemble des moyens présentés en première instance par les intimés alors même qu'ils ne seraient pas repris dans les écritures produites, le cas échéant, devant elle, à la seule exception de ceux qui auraient été expressément abandonnés en appel ainsi que les moyens et conclusions présentés en appel par les parties.

En ce qui concerne l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître de l'appel en garantie de la société Daikin Airconditioning contre son assureur :

19. Dès lors que le contrat d'assurance, conclu entre la société Daikin Airconditioning France et la société MSIG Insurance Europe AG, est de droit privé, il n'appartient qu'aux juridictions judiciaires de connaître de l'action tendant au paiement des sommes dues par l'assureur, au titre de ses obligations de droit privé, alors même que l'appréciation de la responsabilité de son assuré dans la réalisation du fait dommageable relevait de la juridiction administrative. Il en résulte que les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Daikin Airconditioning contre la société MSIG Insurance Europe AG, cette dernière n'étant par ailleurs que simple intervenante à l'instance devant le tribunal, doivent, en tout état de cause, être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître. Il en résulte également que la société MSIG Insurance Europe AG doit être regardée comme ayant la simple qualité d'intervenante en appel.

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée en première instance par la société TPF Ingénierie :

20. Par une délibération du 28 avril 2015, régulièrement publiée par voie d'affichage, le conseil départemental de Tarn-et-Garonne a autorisé son président à intenter au nom du département les actions en justice devant l'ensemble des juridictions de l'ordre administratif et judiciaire. Par suite, la fin de non-recevoir soulevée en première instance par la société Beterem Ingénierie, aux droits de laquelle vient la société TPF Ingénierie, tirée de l'absence d'habilitation du président du conseil départemental de Tarn-et-Garonne pour agir en justice, et qui n'a pas été expressément abandonnée en appel, doit être écartée.

En ce qui concerne les exceptions de prescription opposées en défense :

21. Aux termes de l'article L. 110-4 du code de commerce : " I. - Les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes (...) ". Aux termes de l'article 1792-4-1 du code civil : " Toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code [responsabilité décennale des constructeurs et responsabilité solidaire du fabricant] est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article ". L'article 1792-3 du code civil prévoit que : " Les autres éléments d'équipement de l'ouvrage font l'objet d'une garantie de bon fonctionnement d'une durée minimale de deux ans à compter de sa réception ". Le maître de l'ouvrage n'ayant fondé ses demandes indemnitaires ni sur les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants et non-commerçants ni sur la garantie biennale de bon fonctionnement mais sur le fondement des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs et des fabricants d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, ce dernier régime de responsabilité étant soumis à un délai d'épreuve de dix ans, les sociétés Temperia, TPF Ingénierie, Daikin Airconditioning France et MSIG Insurance Europe AG ne peuvent utilement se prévaloir des prescriptions quinquennale et biennale respectivement instituées par les articles L. 110-4 du code de commerce et 1792-3 du code civil. Par suite, les exceptions de prescriptions opposées par ces sociétés doivent être écartées.

En ce qui concerne les préjudices indemnisables :

22. Le montant du préjudice dont le maître de l'ouvrage est fondé à demander réparation aux constructeurs en raison des désordres affectant l'ouvrage qu'ils ont réalisé correspond aux frais générés par les travaux de réfection indispensables à engager afin de le rendre à nouveau conforme à sa destination, sans que ces travaux puissent apporter une plus-value à l'ouvrage.

23. La victime peut, si le juge administratif est déjà saisi par elle du litige indemnitaire invoquer directement l'existence de ces nouveaux éléments devant le juge administratif saisi du litige en premier ressort afin que, sous réserve le cas échéant des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle, il y statue par la même décision. La victime peut faire de même devant le juge d'appel, dans la limite toutefois du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant de l'indemnité demandée au titre des dommages qui sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement au jugement de première instance.

24. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit plus haut, eu égard à l'ampleur et au caractère structurel des désordres affectant les installations en litige, la quasi-totalité des réseaux frigorifiques présentant d'importantes erreurs de conception et d'exécution et la grande majorité des unités extérieures ayant été endommagée, de simples travaux de remise en route des installations ne sont pas de nature à remédier aux désordres lesquels nécessitent un remplacement complet de ces équipements, à l'exception des unités intérieures en état de fonctionnement. Par suite, les constructeurs ne sont pas fondés à soutenir que le préjudice du maître de l'ouvrage doit être limité à la somme de 30 130,83 euros correspondant à des travaux de remise en service. De même, eu égard à la destination de l'hôtel du département, lequel a vocation à accueillir du personnel et du public et comporte également des locaux informatiques nécessitant des besoins en rafraîchissement constants, il ne saurait à la fois être reproché au maître de l'ouvrage d'avoir tardé à saisir le tribunal d'une demande d'indemnisation alors qu'il a en vain sollicité la tenue d'une nouvelle expertise en 2016 et d'avoir pris l'initiative de remplacer les installations en litige, remplacement qui était, dans les circonstances de l'espèce, pleinement justifié.

25. Il résulte, en outre, de l'instruction que le maître de l'ouvrage a fait procéder à la modification et au remplacement des installations de chauffage et de climatisation à l'exception des unités intérieures pour un montant de 638 457,43 euros hors taxes, suivant le marché de travaux conclu avec les sociétés GCM et Engie Solutions par un acte d'engagement du 2 mars 2021 et un avenant n° 1 du 28 mai 2021, somme à laquelle il y a lieu d'ajouter les honoraires de maîtrise d'œuvre qui s'élèvent à la somme de 54 624,40 euros hors taxes, suivant l'acte d'engagement du marché de maîtrise d'œuvre conclu avec le bureau d'études techniques Argetec le 17 septembre 2019 et l'avenant n° 1 du 20 octobre 2020. Dès lors que ces travaux sont strictement nécessaires à la remise en état de l'installation de chauffage et de climatisation dans les règles de l'art, qu'il n'est pas démontré qu'il existerait des procédés moins onéreux et qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces ouvrages étaient mal entretenus, il sera fait une exacte appréciation du préjudice lié aux travaux de réfection de l'installation en litige en le fixant à la somme de 693 081,83 euros hors taxes.

26. En deuxième lieu, le département de Tarn-et-Garonne soutient avoir engagé d'importants travaux de réparation dans le cadre d'interventions de dépannage entre 2009 et 2019. Dès lors que les installations en litige ont fait l'objet d'une réception échelonnée sur un site occupé suivant les trois phases du chantier sur une période comprise entre le 30 janvier 2009 et le 24 mai 2011, que les dysfonctionnements sont apparus peu de temps après leur mise en service et que la procédure de remplacement des équipements a été engagée à partir de 2019 ainsi qu'en atteste le contrat de maître d'œuvre technique conclu le 17 septembre 2019, il y a lieu d'admettre tant dans leur principe que dans leur montant les dépenses de réparation supportées par le maître de l'ouvrage, lesquelles ne font l'objet d'aucune contestation sérieuse en défense, en condamnant les sociétés TPF Ingénierie et Temperia à lui verser la somme de 243 805,28 euros toutes taxes comprises.

27. En troisième et dernier lieu, si le maître de l'ouvrage soutient avoir exposé des frais d'entretien en pure perte sur une installation de chauffage et de climatisation présentant des défauts structurels imputables à sa conception et à sa réalisation, qu'il chiffre à la somme de 135 621,69 euros toutes taxes comprises, il résulte toutefois de l'instruction qu'indépendamment de la qualité intrinsèque des équipements en litige et de leurs performances thermiques, il aurait nécessairement exposé des dépenses d'entretien afin de les maintenir en état de fonctionnement. Par suite, en l'absence de lien de causalité entre les dépenses d'entretien et les manquements des constructeurs, il n'y a pas lieu de faire droit à l'indemnisation de ce préjudice.

28. Il résulte de tout ce qui précède qu'il sera fait une exacte réparation des préjudices subis par le département de Tarn-et-Garonne en condamnant solidairement les sociétés TPF Ingénierie et Temperia à lui verser les sommes de 693 081,83 euros hors taxes et de 243 805,28 euros toutes taxes comprises.

Sur les intérêts :

29. Le département de la Haute-Garonne a droit aux intérêts au taux légal sur la condamnation prononcée au point 28 à compter du 28 juin 2019, date de sa première saisine juridictionnelle tendant à l'engagement de la responsabilité décennale des constructeurs et à la capitalisation de ces intérêts à compter du 28 juin 2020, date à compter de laquelle les intérêts étaient dus depuis un an, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les appels en garantie :

30. Un appel provoqué est recevable dès lors que l'appel principal est accueilli, que les conclusions ne soulèvent pas un litige distinct et que la décision rendue sur l'appel principal est susceptible d'aggraver la situation de l'auteur de l'appel provoqué.

31. Dans le cadre d'un litige né de l'exécution de travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat, notamment s'ils ont commis des fautes qui ont contribué à l'inexécution de ses obligations contractuelles à l'égard du maître d'ouvrage, sans devoir se limiter à cet égard à la violation des règles de l'art ou à la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires. Il peut en particulier rechercher leur responsabilité du fait d'un manquement aux stipulations des contrats qu'ils ont conclus avec le maître d'ouvrage.

32. En premier lieu, d'une part, il résulte de ce qui a été dit précédemment que les désordres litigieux sont imputables dès l'origine aux travaux d'exécution des installations de chauffage, ventilation, climatisation par la société Temperia, laquelle a fourni et posé des équipements qui ne respectent pas les règles de l'art et n'ont jamais pu atteindre les performances thermiques contractuellement attendues. D'autre part, les désordres litigieux sont également imputables aux vices de conception des installations thermiques en litige dont le dimensionnement s'est avéré insuffisant pour atteindre les performances thermiques attendues et au suivi défaillant de l'exécution et de la réception des travaux par la société TPF Ingénierie, membre du groupement de maîtrise d'œuvre chargé d'une mission complète, qui n'a veillé ni à la bonne exécution des travaux dans les règles de l'art ni au respect de la procédure de mise en service des installations afin de s'assurer qu'elles ne présentaient aucun défaut d'étanchéité et de rendement thermique. Par suite, eu égard aux missions respectives de ces constructeurs, les fautes commises par la société Temperia, d'une part, et par la société TPF Ingénierie, d'autre part, ont respectivement concouru pour 70 % et 30 % à la survenance des dommages réparables et sont de nature à engager leur responsabilité quasi-délictuelle à l'égard des autres constructeurs. Il s'ensuit que la société Temperia doit être condamnée à garantir la TPF Ingénierie à hauteur de 70 % de la condamnation mise à sa charge. De même, la société Temperia, codébiteur solidaire qui voit sa situation aggravée par l'accueil de l'appel principal du maître de l'ouvrage est recevable et fondée, par la voie de l'appel provoqué, à ce que la société TPF Ingénierie soit condamnée à la garantir à hauteur de 30 % de la condamnation mise à sa charge.

33. En second lieu, le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé.

34. Il résulte de l'instruction et ainsi qu'il a été dit au point 12 que la société Daikin Airconditioning France est intervenue pour vendre des équipements thermiques, non pas en qualité de fabricant, mais en qualité de simple fournisseur à la société Temperia et que ce fournisseur n'était contractuellement lié ni au maître de l'ouvrage ni à la maîtrise d'œuvre de sorte que le contrat de droit privé l'unissant à la société Temperia n'a pas eu pour effet de lui conférer la qualité de participant à l'exécution du travail public. Par suite, il n'appartient qu'aux juridictions de l'ordre judiciaire de connaître de l'appel en garantie de la société Temperia, présenté pour la première fois en appel, contre la société Daikin Airconditioning France qui a pour seul fondement un éventuel manquement de cette société aux obligations résultant pour elle dans la fourniture d'équipements thermiques.

Sur les frais liés au litige :

35. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de Tarn-et-Garonne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que les sociétés Temperia, TPF Ingénierie, Daikin Airconditioning France et MSIG Insurance Europe AG demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

36. Il y a lieu de mettre à la charge respective des sociétés Temperia et TPF Ingénierie une somme de 1 500 euros chacune au titre des frais exposés par le département de Tarn-et-Garonne et non compris dans les dépens.

DÉCIDE:

Article 1 : Les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Temperia à l'encontre de la société Daikin Airconditioning sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 2 : Les sociétés Temperia et TPF Ingénierie sont solidairement condamnées à verser au département de Tarn-et-Garonne les sommes de 693 081,83 euros hors taxes et 243 805,28 euros toutes taxes comprises, assorties des intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2019. Les intérêts échus au 28 juin 2020, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : La société Temperia est condamnée à relever et garantir la société TPF Ingénierie à hauteur de 70 % de la condamnation prononcée à l'article 2 du présent arrêt.

Article 4 : La société TPF Ingénierie est condamnée à relever et garantir la société Temperia à hauteur de 30 % de la condamnation prononcée à l'article 2 du présent arrêt.

Article 5 : Le jugement n° 1903509 du 30 juin 2021 du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Les sociétés Temperia et TPF Ingénierie verseront au département de Tarn-et-Garonne chacune une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié au département de Tarn-et-Garonne, à la société anonyme Temperia, à la société par actions simplifiée TPF Ingénierie, à la société par actions simplifiée Daikin Airconditioning France et à la société Mitui Sumitomo Insurance Company - MSIG Insurance Europe AG.

Copie en sera adressée, pour information, à M. B... A..., expert.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de Tarn-et-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL23598


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL23598
Date de la décision : 19/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. - Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : CARCY-GILLET

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-19;21tl23598 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award