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19/12/2023 | FRANCE | N°22TL21034

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 19 décembre 2023, 22TL21034


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 15 janvier 2020 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité départementale du Gard de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 2000929 du 4 mars 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour

:



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 avril et 5 août 2022, M. B..., représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 15 janvier 2020 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité départementale du Gard de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 2000929 du 4 mars 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 avril et 5 août 2022, M. B..., représenté par Me Monciero, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 4 mars 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 15 janvier 2020 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité départementale du Gard de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie a autorisé son licenciement ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision du 15 janvier 2020 autorisant son licenciement est insuffisamment motivée ;

- la procédure de licenciement suivie par son employeur est irrégulière dès lors, d'une part, que le comité social et économique n'a pas été saisi en vue de se prononcer sur son reclassement pour inaptitude physique et, d'autre part, que cette instance n'a pas été consultée sur le projet de le licencier en qualité de salarié protégé ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté l'existence d'un lien entre la demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude physique et l'exercice de ses mandats de représentation alors que la dégradation de son état de santé et son inaptitude résultent des obstacles mis par son employeur à l'exercice de ses fonctions syndicales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 août 2022, l'association Raison de plus, représentée par Me Caramel, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de M. B... ;

2°) à titre incident, de réformer le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à ce M. B... lui verse une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision autorisant le licenciement de M. B... est suffisamment motivée en dépit de l'erreur de frappe qu'elle comporte ;

- le licenciement de l'appelant étant fondé sur l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail, elle n'était pas tenue de recueillir l'avis du comité social et économique sur les possibilités de reclassement ;

- l'association comptant un effectif inférieur à 50 salariés, elle n'était pas tenue de consulter le comité social et économique sur le projet de licenciement de M. B... ;

- le licenciement de M. B... ne présente aucun lien avec l'exercice de ses fonctions représentatives dès lors, d'une part, qu'avant même son élection au sein du comité social et économique et l'arrivée d'une nouvelle directrice, l'intéressé faisait preuve d'animosité envers la direction de l'association et, d'autre part, qu'il n'a jamais contesté l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail.

La requête a été communiquée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion qui n'a pas produit d'observations en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée, sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, le 6 septembre 2022.

Par une ordonnance du 7 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 avril 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 ;

- l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ;

- l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 ;

- le décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme El Gani-Laclautre,

- et les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 26 décembre 2019, l'association Raison de plus, association intermédiaire en charge de l'insertion professionnelle de publics éloignés de l'emploi par leur mise à disposition à titre onéreux auprès de personnes physiques ou morales, dont le siège était à la Grand-Combe puis, en dernier lieu, à Alès (Gard), a saisi l'unité départementale du Gard de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie d'une demande tendant à obtenir l'autorisation de licencier, pour inaptitude, M. B..., salarié de l'association recruté d'abord en qualité de travailleur social chargé du suivi individualisé de demandeur d'emplois, par contrat à durée déterminée du 22 janvier 2009, puis en qualité de chargé de développement à temps complet, par un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 15 juin 2011, et protégé au titre de ses mandats de membre titulaire du comité social et économique et de délégué syndical. M. B... demande à la cour d'annuler le jugement du 4 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 janvier 2020 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité départementale du Gard de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie a autorisé son licenciement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée. (...) ". Après avoir visé les articles du code du travail dont elle fait application, notamment l'article L. 2411-5 de ce code, la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'association Raison de plus reçue le 27 décembre 2019, les mandats détenus par M. B... et la tenue d'un entretien préalable au licenciement le 23 décembre 2019, la décision en litige mentionne l'avis d'inaptitude médicale dressé par le médecin du travail le 2 décembre 2019 selon lequel tout maintien de l'intéressé dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé et la circonstance que le projet de licenciement est sans lien avec les mandats exercés. S'il est constant que cette décision mentionne que l'employeur se trouve exonéré de tout effort de " redressement " et non de reclassement, cette simple erreur de plume est sans incidence sur sa régularité formelle. La décision en litige, qui comprend l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement est, dès lors, suffisamment motivée.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail : " Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités (...). / Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. (...) ". Aux termes de l'article L. 1226-2-1 du même code : " Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement. / L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. / L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail. (...) ".

4. Il résulte des dispositions de l'article L. 1226-2-1 du code du travail que l'employeur est dispensé de procéder à une recherche de reclassement du salarié déclaré inapte dans le cas où l'avis du médecin du travail, auquel il incombe de se prononcer sur l'aptitude du salarié à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment ou à exercer d'autres tâches existantes, fait expressément état de ce que le maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. L'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude d'un salarié protégé doit tenir compte de cet avis.

5. Dès lors que dans l'avis d'inaptitude qu'il a dressé le 2 décembre 2019, le médecin du travail a expressément fait figurer la mention, prévue à l'article R. 4624-24 du code du travail, selon laquelle l'état de santé de M. B... dispense son employeur de l'obligation de reclassement au motif que tout maintien de l'intéressé dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé, l'inspecteur du travail, qui n'avait pas à contrôler le caractère sérieux des recherches de reclassement effectuées par l'employeur, dispensé dans ce cas d'y procéder, a pu légalement estimer qu'au vu de cet avis médical, dont le salarié n'a au demeurant pas contesté la teneur, l'association Raison de plus devait être regardée comme exonérée de tout effort de reclassement. M. B... ne relevant pas d'une procédure de reclassement, il ne peut, dès lors, utilement soutenir que son employeur n'a pas soumis de proposition de reclassement à l'avis du comité social et économique.

6. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 2311-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales : " Un comité social et économique est mis en place dans les entreprises d'au moins onze salariés. / (...) ". Aux termes de l'article L. 2312-1 du même code : " Les attributions du comité social et économique des entreprises de moins de cinquante salariés sont définies par la section 2 du présent chapitre. / Les attributions du comité social et économique des entreprises d'au moins cinquante salariés sont définies par la section 3 du présent chapitre. / (...) ". Aux termes de l'article L. 2312-4 du même code : " Les dispositions du présent chapitre ne font pas obstacle aux dispositions plus favorables relatives aux attributions du comité social et économique résultant d'accords collectifs de travail ou d'usages ".

7. D'autre part, le premier alinéa de l'article L. 2421-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017 et de l'ordonnance du 20 décembre 2017 visant à compléter et mettre en cohérence les dispositions de l'ordonnance n° 2017-1386 prises en application de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, dispose désormais que : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un membre élu à la délégation du personnel au comité social et économique titulaire ou suppléant ou d'un représentant syndical au comité social et économique ou d'un représentant de proximité est soumis au comité social et économique, qui donne un avis sur le projet de licenciement dans les conditions prévues à la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre III ". Ainsi qu'il est dit au point précédent, la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre III est relative aux attributions du comité social et économique des entreprises d'au moins cinquante salariés. Le troisième alinéa du même article L. 2421-3 précise en outre que : " Lorsqu'il n'existe pas de comité social et économique dans l'établissement, l'inspecteur du travail est saisi directement ". Aux termes de l'article R. 2421-8 du même code, dans sa rédaction issue du décret du 29 décembre 2017 relatif au comité social et économique : " L'entretien préalable au licenciement a lieu avant la consultation du comité social et économique faite en application de l'article L. 2421-3. / Si l'avis du comité social et économique n'est pas requis dans les conditions définies à l'article L. 2431-3 ", ce qui, à défaut d'article L. 2431-3 dans le code du travail, doit s'entendre comme une référence à l'article L. 2421-3, " cet entretien a lieu avant la présentation de la demande d'autorisation de licenciement à l'inspecteur du travail. / À défaut de comité social et économique, cet entretien a lieu avant la présentation de la demande d'autorisation de licenciement à l'inspecteur du travail ".

8. Il résulte de la combinaison de l'ensemble des dispositions citées aux points 6 et 7, d'une part, que dans les entreprises comptant entre onze et quarante-neuf salariés, le comité social et économique n'a pas à être consulté sur le projet de licenciement d'un membre élu à la délégation du personnel au comité social et économique titulaire ou suppléant ou d'un représentant syndical au comité social et économique ou d'un représentant de proximité du comité social et économique, sauf si une telle consultation a été prévue par un accord collectif conclu en application de l'article L. 2312-4, d'autre part, que dans les entreprises comptant au moins cinquante salariés, une telle consultation est requise dans tous les cas.

9. Il est constant que l'association Raison de plus " compte entre onze et quarante-neuf salariés et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait, au sein de cette association, des dispositions plus favorables relatives aux attributions du comité social et économique résultant d'accords collectifs de travail ou d'usages en application de l'article L. 2312-4 du code du travail, instituant une procédure de consultation du comité social et économique sur le projet de licenciement pour inaptitude physique d'un membre élu à la délégation du personnel. Dans ces conditions, l'employeur n'étant pas tenu de consulter le comité social et économique du projet de licenciement de M. B..., le moyen tiré du défaut de consultation de cette instance est inopérant et ne peut, dès lors, qu'être écarté.

10. En quatrième et dernier lieu, en vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude du salarié, il appartient à l'administration de rechercher si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise, et non de rechercher la cause de cette inaptitude. Toutefois, il appartient en toutes circonstances à l'autorité administrative de faire obstacle à un licenciement en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par un salarié ou avec son appartenance syndicale. Par suite, même lorsque le salarié est atteint d'une inaptitude susceptible de justifier son licenciement, la circonstance que le licenciement envisagé est également en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale fait obstacle à ce que l'administration accorde l'autorisation sollicitée. Le fait que l'inaptitude du salarié résulte d'une dégradation de son état de santé, elle-même en lien direct avec des obstacles mis par l'employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives, est à cet égard, de nature à révéler l'existence d'un tel rapport.

11. Selon le certificat médical établi le 24 octobre 2019 par un psychiatre, à partir des propos qui lui ont été rapportés par l'intéressé, l'état anxio-dépressif majeur dont souffre M. B... s'inscrit dans un contexte de souffrance psychique sur son lieu de travail. Il ne ressort ni de ce certificat ni d'aucune autre pièce du dossier que la dégradation des conditions de travail de l'appelant serait directement imputable aux fonctions électives qu'il occupait ou liée à l'existence d'obstacles mis par son employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives. À l'inverse, il ressort des pièces du dossier, en particulier de la lettre de recadrage qui lui a été adressée par l'ancien directeur le 10 mars 2016, l'invitant à faire preuve de calme et à communiquer en bonne intelligence avec les autres collaborateurs après qu'il a remis en cause le travail d'une autre salariée, que M. B... rencontrait déjà d'importantes difficultés relationnelles et professionnelles au sein de l'association en lien avec son positionnement non conforme à son emploi de chargé de développement, l'étendue de ses missions et ses relations conflictuelles avec d'autres salariés, également avec une secrétaire, avant même qu'il soit élu au sein du comité social et économique de l'association Raison de plus. Il ressort également des pièces du dossier que ces difficultés relationnelles et professionnelles se sont exacerbées à la faveur de l'arrivée d'une nouvelle directrice à compter du mois du mois d'octobre 2017, la candidature de M. B... n'ayant pas été retenue pour occuper cet emploi devenu vacant à la suite du départ à la retraite du précédent directeur. La nouvelle directrice ayant entrepris de repositionner chacun des salariés sur l'étendue des missions qui lui sont imparties, cette circonstance a conduit l'appelant à devoir se conformer au strict cadre de ses fonctions de chargé de développement et à justifier de l'utilisation de son temps de travail. Si M. B... se prévaut des obstacles posés par son employeur à la tenue d'élections professionnelles, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé en a demandé l'organisation peu de temps après l'arrivée de la nouvelle directrice, par un courrier du 21 novembre 2017, mentionnant, selon ses propres termes, que l'absence d'organisation de ces élections lui cause un préjudice dans la mesure où elle le prive de la possibilité de se représenter et de défendre ses intérêts. Il ressort également des pièces du dossier que l'association Raison de plus ne s'est pas opposée, par principe, à l'organisation de ce processus électoral mais restait, notamment, dans l'attente des textes d'application relatifs aux nouvelles instances représentatives du personnel. Dans le même temps, il ressort des pièces du dossier que l'appelant s'est signalé par sa propension à adresser de multiples courriers de réclamation à son employeur sans que ce dernier adopte un comportement de nature à faire obstacle ni à la tenue d'élections qui ont été organisées le 14 mars 2018, ni à l'exercice de ses fonctions représentatives. Sur ce point, si M. B... se prévaut, d'une part, des conditions dans lesquelles s'est déroulée la réunion du comité social et économique du 26 mars 2019 en produisant différentes attestations mentionnant son état de choc à l'issue de cette réunion et, d'autre part, de la reconnaissance ultérieure, par une décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Gard du 7 mars 2022, du caractère professionnel du choc émotionnel qu'il a subi lors de cette réunion ouvrant droit à une rente au titre d'une incapacité permanente de 20 %, lequel a été qualifié d'accident du travail par le tribunal judiciaire, il ressort des pièces du dossier, en particulier des éléments précis et circonstanciés contenus dans le courriel du 25 juillet 2022, que seule la plainte déposée par l'appelant à l'encontre d'une autre salariée, dans un contexte dépourvu de tout lien avec ses mandats, a donné lieu à une altercation entre l'intéressé et une autre représentante du personnel lors de la réunion de cette instance, sans que soient en cause ni sa qualité de membre du comité social et économique ni d'éventuels propos tenus par son employeur en lien avec ce mandat. Enfin, si l'appelant se prévaut d'attestations de témoins faisant état d'une dégradation du contexte de travail au sein de l'association, aucun de ces témoignages n'impute précisément ce climat dégradé à l'existence d'obstacles mis par l'employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives par M. B..., lequel doit, dans les circonstances de l'espèce et au vu du contexte précédemment rappelé, être regardé comme ayant, lui-même, concouru à la dégradation de ses conditions de travail. Enfin, et surtout, il ressort des pièces du dossier que M. B... n'a jamais contesté, ainsi qu'il lui était loisible de le faire, l'avis d'inaptitude physique émis par le médecin du travail le 2 décembre 2019. Par suite, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, il n'existe aucun lien établi entre la demande d'autorisation de licenciement de M. B..., la dégradation de son état de santé de et l'exercice normal de son mandat de représentation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige de première instance :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". Il résulte de ces dispositions que le versement de frais exposés et non compris dans les dépens n'est pas un droit inconditionnel, qu'il relève de l'appréciation souveraine des premiers juges de décider, au regard des circonstances de l'espèce, s'il y lieu de condamner la partie perdante à leur paiement et qu'il appartient au juge d'appel, saisi en ce sens, d'apprécier si ces circonstances pouvaient justifier un rejet de ces conclusions.

14. Par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande présentée par l'association Raison de plus tendant à ce que M. B... lui verse une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, ce qu'elle conteste par la voie de l'appel incident. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard aux conséquences qu'emporte l'autorisation de licenciement en litige sur sa situation financière et personnelle et dès lors qu'il s'agissait de son premier recours contentieux à l'encontre de cette mesure, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en rejetant la demande de l'association Raison de plus tendant au remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Sur les frais liés au litige d'appel :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association Raison de plus, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. B..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'association Raison de plus et non compris dans les dépens.

DÉCIDE:

Article 1 : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à l'association Raison de plus une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'association Raison de plus est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à l'association Raison de plus et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la région Occitanie - direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de la région d'Occitanie - direction départementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de la région du Gard.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL21034


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21034
Date de la décision : 19/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-035-02 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés. - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. - Motifs autres que la faute ou la situation économique. - Inaptitude ; maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : SCP MARCE ANDRIEU MAQUENNE CARAMEL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-19;22tl21034 ?
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