Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 22 août 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2223299/8 du 15 février 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 11 août 2023 et 22 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Langlois, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 15 février 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 22 août 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer d'ici là une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, ou à défaut, de réexaminer sa demande dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer entretemps une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- cette décision est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen, révélé par l'erreur qu'elle comporte quant au contenu de l'avis des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été précédée de la consultation de la commission du titre de séjour en application des dispositions des articles
L. 432-13, L. 432-14 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de fait, dès lors que le préfet a mentionné à tort que le collège des médecins de l'OFII avait considéré que le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité alors qu'il avait retenu le contraire ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il a besoin d'un traitement dont l'absence entrainerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne pourrait en bénéficier dans son pays d'origine ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation,
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet de police s'est cru en situation de compétence liée,
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
- cette décision est illégale à raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il devrait se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L425-9 du même code, et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation,
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de ses conséquences sur la situation personnelle et médicale du requérant ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- cette décision est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'a pas été prise au terme d'un examen de la situation particulière du requérant au regard de ces stipulations de l'article 3 ;
En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :
- cette décision est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;
- elle est insuffisamment motivée, et il n'en ressort pas qu'elle aurait été prise au terme d'un examen de la situation personnelle du requérant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
Par une décision du 20 juin 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale et a désigné Me Langlois pour l'assister.
Par un mémoire enregistré le 24 novembre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me Langlois, avocate de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant pakistanais né le 24 septembre 1977, a sollicité le 21 avril 2022 le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 22 août 2022 le préfet de police a opposé un refus à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai. Il a dès lors saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande d'annulation de cet arrêté mais le tribunal a rejeté cette demande par un jugement du 15 février 2023 dont il relève dès lors appel
Sur les conclusions à fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
3. Il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse que, pour rejeter la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par M. A... sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le préfet de police s'est notamment fondé sur un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en date du 17 août 2022, en indiquant que selon cet avis l'absence de prise en charge de l'état de santé de l'intéressé ne serait pas de nature à entrainer pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Or, il résulte au contraire de cet avis médical qu'une telle absence de prise en charge serait de nature à entraîner pour M. A... des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le préfet de police, en se fondant sur une lecture erronée de cet avis, qu'il a d'ailleurs ensuite confirmée dans son mémoire en défense enregistré devant le tribunal le 28 novembre 2022, a commis une erreur de fait dans l'appréciation de la situation médicale du requérant, susceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision prise, et ainsi de nature à justifier l'annulation de la décision de refus de renouvellement de titre de séjour contestée.
M. A... est dès lors fondé à soutenir que cette décision est entachée d'illégalité, de même que, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et la décision fixant le pays de destination.
4. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 22 août 2022. Il est par suite fondé à en demander l'annulation, ainsi que celle des décisions contenues dans cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. Eu égard au motif de l'annulation, il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen du dossier de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la mise à disposition de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente du réexamen de sa situation administrative, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, le versement à Me Langlois de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Langlois, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n°2223299/8 du tribunal administratif de Paris du 15 février 2023 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de police du 22 août 2022 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Langlois au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Me Langlois renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de police.
Copie en sera adressée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience publique du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre2023.
La rapporteure,
M-I. B...
Le président,
I. LUBEN
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03704