Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 15 novembre 2018 par lequel le président de la collectivité territoriale de Guyane a refusé de reconnaître l'imputabilité à l'accident de service du 21 février 2005 de ses arrêts de travail du 23 février au 2 mars 2018 et du 3 avril au 30 juin 2018.
Par un jugement n° 1900210 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de la Guyane a annulé l'arrêté du 15 novembre 2018 et enjoint à la collectivité territoriale de Guyane de procéder au réexamen de l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 octobre 2021 et le 17 mars 2023, Mme C... B..., représentée par Me Marcault-Derouard, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du 8 février 2021 en tant que le tribunal administratif de la Guyane a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la collectivité territoriale de Guyane de reconnaître imputables à l'accident de service du 21 février 2005 ses arrêts de travail ;
2°) d'enjoindre à la collectivité territoriale de la Guyane de reconnaître imputables à l'accident de service du 21 février 2005 ses arrêts de travail du 23 février au 2 mars 2018 et du 3 avril au 30 juin 2018 et de reconstituer sa carrière en conséquence, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt ;
3°) de mettre à la charge de la collectivité territoriale de la Guyane la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur la demande de reconnaissance de l'imputabilité de ses arrêts de travail à l'accident de service ;
- il existe un lien de causalité entre l'accident de 2005 et les arrêts de travail, dont l'administration a considéré en 2015 qu'il était consolidé avec séquelles et a admis ce lien pour les arrêts de travail antérieurs ; son médecin impute également sa pathologie à une inadaptation de son poste de travail.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2023, la collectivité territoriale de Guyane, représentée par Me Page, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués par Mme B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 21 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 22 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-57 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique, ont été entendus :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Duplan, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 30 mai 2005, le président du conseil général de Guyane a reconnu que la chute dans les escaliers de Mme B... le 21 février 2005 était imputable au service. Après expertise médicale en date du 25 juillet 2017, le président de la collectivité territoriale de Guyane a arrêté la date de consolidation, sans séquelles, de l'accident de service du 21 février 2005 au 1er juin 2006, par un arrêté du 5 mars 2018. Mme B..., qui a été placée en arrêt de travail du 23 février au 2 mars 2018, puis du 3 avril au 30 juin 2018, a demandé la reconnaissance de l'imputabilité de ces congés de maladie à l'accident du 21 février 2005. Le président de la collectivité territoriale de Guyane lui a opposé un refus par un arrêté du 15 novembre 2018, dont Mme B... a demandé l'annulation au tribunal administratif de la Guyane. Celui-ci a annulé l'arrêté en raison, d'une part, de vices entachant la procédure devant la commission de réforme et, d'autre part, de l'irrégularité de l'expertise du 25 juillet 2017, qui n'a pas été réalisée par un médecin agréé, et a enjoint à la collectivité territoriale de Guyane de procéder au réexamen de la demande, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Mme B... relève appel de ce jugement en tant que le tribunal administratif n'a pas fait droit à sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la collectivité territoriale de Guyane de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail et de reconstituer sa carrière en conséquence.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le motif par lequel le juge de l'excès de pouvoir juge fondé l'un quelconque des moyens de légalité soulevés devant lui ou des moyens d'ordre public qu'il relève d'office suffit à justifier l'annulation de la décision administrative contestée. Il s'ensuit que, sauf dispositions législatives contraires, le juge de l'excès de pouvoir n'est en principe pas tenu, pour faire droit aux conclusions à fin d'annulation dont il est saisi, de se prononcer sur d'autres moyens que celui qu'il retient explicitement comme étant fondé.
3. La portée de la chose jugée et les conséquences qui s'attachent à l'annulation prononcée par le juge de l'excès de pouvoir diffèrent toutefois selon la substance du motif qui est le support nécessaire de l'annulation. C'est en particulier le cas selon que le motif retenu implique ou non que l'autorité administrative prenne, en exécution de la chose jugée et sous réserve d'un changement des circonstances, une décision dans un sens déterminé. Il est, à cet égard, loisible au requérant d'assortir ses conclusions à fin d'annulation de conclusions à fin d'injonction, tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, ou à ce qu'il lui enjoigne de reprendre une décision dans un délai déterminé, sur le fondement de l'article L. 911-2 du même code.
4. Lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée. Il en va également ainsi lorsque des conclusions à fin d'injonction sont présentées à titre principal sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L. 911-2.
5. En l'espèce, le tribunal administratif, par le jugement attaqué, a jugé que l'arrêté était entaché de vices de légalité externe et a prononcé son annulation pour excès de pouvoir pour ce motif, " sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête " et a rejeté la demande de Mme B... tendant à ce qu'il soit enjoint à la collectivité territoriale de Guyane de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail et de reconstituer sa carrière en conséquence. En statuant ainsi, le tribunal administratif de la Guyane doit être regardé comme ayant nécessairement écarté le moyen, soulevé devant lui, tiré de ce que ses arrêts de travail étaient imputables à l'accident de service du 21 février 2005. Le moyen tiré de ce que, ce faisant, le tribunal n'aurait pas répondu à ce moyen ne peut qu'être écarté.
6. Il appartient alors à la Cour, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur le moyen, soulevé par Mme B..., susceptible de conduire à faire droit à sa demande principale.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
7. Aux termes de l'article 57 de la loi du 21 janvier 1984, dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. / Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite ". Le droit d'un fonctionnaire en congé de maladie à conserver l'intégralité de son traitement en cas de maladie provenant d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions.
8. En l'espèce, il résulte de l'instruction, notamment des mentions figurant sur le premier feuillet des arrêts de travail produits par la requérante, que Mme B... a été déclarée par son médecin inapte à l'exercice de ses fonctions pour névralgie cervico-bracchiale gauche et lombosciatalgie gauche N5. Elle fait valoir, d'une part, que son accident du 21 février 2005 a été consolidé avec séquelles, ainsi que l'a constaté son employeur lui-même, après expertise médicale, par arrêté du 26 janvier 2015. Toutefois, cette circonstance ne démontre pas que les arrêts de travail litigieux, plus de treize années après l'accident, seraient en lien direct avec celui-ci. Si la requérante se prévaut, d'autre part, de ce que les arrêts de travail indiquent que sa pathologie est apparue " après travail à un poste de travail inadapté ", il ne résulte pas de cette seule mention, qui ne précise pas en quoi le poste de travail serait inadapté et le lien avec les lésions provoquées par l'accident de service, que le président de la collectivité territoriale de Guyane aurait commis une erreur d'appréciation en refusant la prise en charge des arrêts au titre de cet accident.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la collectivité territoriale de Guyane de reconnaître imputable à l'accident de service du 21 février 2005 ses arrêts de travail, et de reconstituer sa carrière en conséquence.
Sur les frais de l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la collectivité territoriale de Guyane, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme B..., au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée par la collectivité territoriale de Guyane, au même titre.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la collectivité territoriale de Guyane en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à la collectivité territoriale de Guyane.
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Ghislaine Markarian, présidente,
M. Frédéric Faïck, président assesseur,
M. Julien Dufour, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.
Le rapporteur,
Julien A...
La présidente,
Ghislaine Markarian
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au préfet de la Guyane en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21BX03871 2