Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société GTC a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et majorations, des rappels de taxe forfaitaire sur les métaux précieux, bijoux, objets d'art et de collection ou d'antiquité et de contribution au remboursement de la dette sociale auxquels elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015.
Par un jugement n° 1907614 du 12 mars 2021, le tribunal administratif de Marseille a déchargé la société GTC de la taxe forfaitaire sur les métaux précieux, bijoux, objets d'art et de collection ou d'antiquité et de la contribution au remboursement de la dette sociale mises à sa charge au titre de l'année 2014 pour un montant de 15 588 euros, ainsi que des pénalités et des intérêts de retard correspondants, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 mai 2021, la société GTC, représentée par Me Dumas, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 1907614 du 12 mars 2021 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et majorations, des rappels restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'article 150 VL du code général des impôts et l'article 74 S quinquies de l'annexe II à ce code ne font pas peser sur l'acquéreur l'obligation d'établir une déclaration ou de supporter la charge de l'impôt ; aucun texte n'institue une solidarité de paiement ; si les vendeurs avaient, à l'appui de leur option, satisfait à leur obligation déclarative, elle aurait seulement été tenue de transmettre les déclarations à l'administration et aurait bénéficié d'une exonération ; elle est ainsi soumise à une imposition dont l'exigibilité ne dépend pas de son fait et dont la responsabilité ne devrait pas lui incomber, dès lors que seul le vendeur dispose d'un pouvoir décisionnaire sur la fiscalité à laquelle il souhaite être assujetti ;
- les ventes en litige n'ayant pas généré de plus-values, elles n'étaient pas imposables et aucune déclaration ne devait être déposée ; en l'absence de plus-values et d'obligation déclarative, elle n'était pas tenue de déclarer et de liquider la taxe ;
- la majoration pour manquement délibéré n'est pas fondée.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la société GTC ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 6 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Platillero,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société GTC, qui exerce l'activité de négoce de véhicules de collection, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle une proposition de rectification du 19 décembre 2017 lui a été notifiée. Au terme de la procédure, elle a notamment été assujettie à des rappels de taxe forfaitaire sur les métaux précieux, bijoux, objets d'art et de collection ou d'antiquité et de contribution au remboursement de la dette sociale au titre des années 2014 et 2015, assortis des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré. La société GTC relève appel du jugement du 12 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille, après l'avoir déchargée de la taxe forfaitaire sur les métaux précieux, bijoux, objets d'art et de collection ou d'antiquité et de la contribution au remboursement de la dette sociale mises à sa charge au titre de l'année 2014 pour un montant de 15 588 euros, ainsi que majorations correspondantes, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge de ces rappels.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Aux termes de l'article 150 VI du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices professionnels, sont soumises à une taxe forfaitaire dans les conditions prévues aux articles 150 VJ à 150 VM les cessions à titre onéreux (...) : (...) 2° De bijoux, d'objets d'art, de collection ou d'antiquité (...) ". Aux termes de l'article 150 VK de ce code : " I. La taxe est supportée par le vendeur ou l'exportateur. Elle est due, sous leur responsabilité, par l'intermédiaire établi fiscalement en France participant à la transaction ou, en l'absence d'intermédiaire, par l'acquéreur lorsque celui-ci est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée établi en France ; dans les autres cas, elle est due par le vendeur ou l'exportateur. II. La taxe est égale : (...) 2° A 6 % du prix de cession ou de la valeur en douane des biens mentionnés au 2° du I de l'article 150 VI. III. La taxe est exigible au moment de la cession ou de l'exportation ". Aux termes de l'article 150 VL dudit code : " Le vendeur ou l'exportateur peut opter pour le régime défini à l'article 150 UA à la condition de justifier de la date et du prix d'acquisition du bien ou de justifier que le bien est détenu depuis plus de vingt-deux ans. Dans ce cas, la taxe forfaitaire prévue à l'article 150 VI n'est pas due ". Aux termes de l'article 150 VM du même code, dans sa rédaction applicable : " I. Une déclaration, conforme à un modèle établi par l'administration, retrace, selon le cas, les éléments servant à la liquidation de la taxe ou l'option prévue à l'article 150 VL. Elle est déposée : 1° Pour les cessions réalisées avec la participation d'un intermédiaire domicilié fiscalement en France ou, en l'absence d'intermédiaire, lorsque l'acquéreur est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée établi en France, par cet intermédiaire ou cet acquéreur (...) Toutefois, lorsqu'il est redevable de la taxe sur la valeur ajoutée (...) l'acquéreur (...) dépose, selon le régime dont il relève, sa déclaration soit en même temps que celle prévue à l'article 287 et relative à la période d'imposition au cours de laquelle l'exigibilité de la taxe forfaitaire prévue à l'article 150 VI est intervenue, soit au plus tard à la date de paiement de l'acompte, prévu au 3 de l'article 287 (...). II. La taxe est acquittée lors du dépôt de la déclaration (...) ". Aux termes de l'article 74 S quinquies de l'annexe II au code général des impôts : " (...) En cas d'option pour le régime de droit commun des plus-values sur biens meubles en application de l'article 150 VL du code général des impôts, (...) l'acquéreur assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée établi en France est dégagé de toute responsabilité tant en raison des renseignements fournis par le vendeur ou l'exportateur que, le cas échéant, du calcul de la plus-value imposable ". Aux termes de l'article 74 S sexies de la même annexe : " La déclaration mentionnée à l'article 150 VM du code général des impôts indique : a. en cas de cession, l'identité du vendeur ou, le cas échéant, celle de l'intermédiaire participant à la transaction ou de l'acquéreur assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée établi en France (...) c. la date de l'opération ; d. la désignation et la nature du bien cédé ou exporté ainsi que, selon le cas, le prix de cession (...) ". Aux termes de l'article 74 S septies de cette annexe : " L'option mentionnée à l'article 150 VL du code général des impôts est irrévocable. Lorsque cette option est exercée, le vendeur ou l'exportateur présente, à l'appui de la déclaration prévue par l'article 150 VM du même code, les éléments permettant d'établir la date et le prix d'acquisition du bien cédé ou exporté ou de justifier que ce dernier est détenu depuis plus de vingt-deux ans (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que la société GTC, assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée établie en France, a acquis le 23 juillet 2014 auprès d'un vendeur trois véhicules " Bugatti Atalante 57 C ", " Porsche Carrera 911 " et " Alfa Romeo 6C ", pour des prix respectifs de 1 000 000 euros, 200 000 euros et 300 000 euros. Elle a également acquis auprès de son dirigeant le 5 août 2015 un véhicule " Ferrari 250 GTE " au prix de 450 000 euros. A la suite de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, ces cessions de véhicules, dont il n'est pas contesté qu'ils sont de collection, ont été assujetties à la taxe sur les métaux précieux, bijoux, objets d'art et de collection ou d'antiquité et à la contribution au remboursement de la dette sociale.
4. En premier lieu, il est constant que les vendeurs des véhicules précédemment mentionnés n'ont pas opté pour le régime défini à l'article 150 UA du code général des impôts. La société GTC ne peut ainsi utilement se prévaloir de l'article 150 VL de ce code et de l'article 74 S quinquies de son annexe II, qui ne sont applicables qu'en cas d'option par le vendeur pour le régime de droit commun des plus-values sur biens meubles, pour soutenir que la taxe n'était pas due, sous sa responsabilité, conformément à l'article 150 VK dudit code, et qu'elle n'était pas soumise aux obligations déclaratives en matière de taxe prévue à l'article 150 VM du même code. Dans ces conditions, la taxe forfaitaire sur les métaux précieux, bijoux, objets d'art et de collection ou d'antiquité prévue à l'article 150 VI du code général des impôts était applicable aux cessions de véhicules de collection en litige et, en l'absence d'intermédiaire, cette taxe était due par la société GTC, qui n'est par suite pas fondée à soutenir qu'elle ne pouvait être mise à sa charge.
5. En deuxième lieu, la société GTC fait valoir que les cessions des véhicules " Bugatti Atalante 57 C ", " Porsche Carrera 911 " et " Alfa Romeo 6C " n'ont dégagé aucune plus-value taxable et qu'aucune déclaration ne devait ainsi être déposée, la taxe forfaitaire n'étant dès lors pas due. Toutefois, l'option prévue à l'article 150 VL du code général des impôts devait être déclarée conformément à l'article 150 VM du même code, en contenant les éléments justificatifs prévus à l'article 74 S septies de l'annexe II à ce code, qui prévoit également que l'option est irrévocable. Ainsi, la société GTC n'est pas fondée à soutenir que l'option n'avait pas à être déclarée au motif que les ventes n'auraient pas dégagé de plus-value et que, même en l'absence de déclaration d'option, la taxe forfaitaire n'était pas due en l'absence de plus-value. A cet égard, dès lors que ses obligations déclaratives résultent des dispositions précitées, la société GTC ne peut utilement se prévaloir des dispositions du III de l'article 150 VG du code général des impôts, dispositions générales applicables aux plus-values de cession à titre onéreux de biens et droits mobiliers ou immobiliers. Par ailleurs, si la société GTC produit les factures d'achat et de vente du véhicule " Bugatti Atalante 57 C " et des attestations de l'avocat du vendeur des véhicules " Porsche Carrera 911 " et " Alfa Romeo 6C " pour soutenir que les cessions n'ont dégagé aucune plus-value et ne devaient ainsi pas être soumises à la taxe, il est constant que le vendeur n'a pas exercé l'option prévue à l'article 150 VL du code général des impôts. En l'absence d'option du vendeur pour le régime défini à l'article 150 UA de ce code, la taxe forfaitaire prévue à l'article 150 VI du même code était ainsi due.
6. En troisième lieu, la société GTC fait valoir que le transfert de propriété du véhicule " Ferrari 250 GTE " acquis le 5 août 2015 serait intervenu le 29 décembre 2017, date de la facture de vente définitive, du dernier versement d'une fraction du prix de vente et de livraison et que, dès lors que la cession est intervenue plus de 24 ans après l'acquisition du véhicule, intervenue le 18 août 1993, la taxe forfaitaire n'était pas due. Toutefois, outre que, contrairement à ce que soutient la société GTC, la propriété était acquise dès l'accord sur la chose et le prix, indépendamment des modalités de paiement et de livraison, ainsi qu'il a été dit au point précédent, en l'absence d'exercice par le vendeur de l'option prévue à l'article 150 VL du code général des impôts pour le régime défini à l'article 150 UA du même code, la taxe forfaitaire prévue à l'article 150 VI de ce code était également due.
7. En quatrième lieu, la société GTC n'est pas fondée à se prévaloir de l'interprétation administrative de la loi fiscale référencée BOI-RPPM-PVBMC-20-20 du 1er avril 2014, n° 60, 80 et 130, relative aux conditions d'exercice de l'option pour le régime de droit commun des plus-values et aux conséquences d'une remise en cause de l'option par le service des impôts, instruction qui ne donne pas une interprétation différente de la loi fiscale de celle dont il est fait application par le présent arrêt. Elle n'est en tout état de cause pas plus fondée à se prévaloir d'une lettre du 9 octobre 2018 par laquelle l'interlocuteur interrégional a admis, s'agissant de la vente d'un autre véhicule qui avait l'objet d'une rectification et en l'absence de la déclaration prévue à l'article 150 VM du code général des impôts, d'abandonner le rappel au motif que, compte tenu de la durée de détention, aucune plus-value n'était imposable, en l'absence de rehaussement d'impositions antérieures ou de prise de position antérieure à la date limite à laquelle devaient être souscrites les déclarations relatives aux cessions en litige.
Sur les pénalités :
8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
9. Pour justifier l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré aux rappels en litige, l'administration s'est fondée sur les circonstances que la société GTC ne pouvait ignorer la législation sur la taxe forfaitaire compte tenu de la nature de son activité et qu'elle avait fait l'objet d'un précédent contrôle au cours duquel avait été appliqué des pénalités pour défaut de déclaration et de paiement de cette taxe. Toutefois le litige s'inscrit dans le cadre de la réforme de la taxe issue de l'article 19 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 instituant de nouvelles obligations pour les acquéreurs assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée établis en France, et des dispositions réglementaires résultant du décret n° 2014-621 du 16 juin 2014, d'application récente. Ainsi, en se bornant à relever les éléments factuels ci-dessus rappelés, l'administration n'établit pas l'intention de la société GTC d'éluder la taxe forfaitaire au cours des années d'imposition en cause. Celle-ci est par suite fondée à soutenir que la majoration pour manquement délibéré qui lui a été infligée à ce titre n'est pas fondée.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société GTC est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté le surplus des conclusions de sa demande, en tant qu'il concerne les pénalités pour manquement délibéré afférentes aux rappels de taxe forfaitaire sur les métaux précieux, bijoux, objets d'art et de collection ou d'antiquité et aux rappels de contribution au remboursement de la dette sociale, auxquels elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015. Ce jugement doit dès lors être réformé dans cette mesure et la décharge correspondante doit être prononcée. Le surplus des conclusions en décharge, en droits et majorations, des impositions restant en litige doit en revanche être rejeté.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, au titre des frais que la société GTC a exposés, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1 : La société GTC est déchargée de la majoration pour manquement délibéré afférente aux rappels de taxe forfaitaire sur les métaux précieux, bijoux, objets d'art et de collection ou d'antiquité et de contribution au remboursement de la dette sociale auxquels elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015.
Article 2 : L'article 2 du jugement n° 1907614 du 12 mars 2021 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la société GTC la somme de 1 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société GTC est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée GTC et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.
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N° 21MA01818