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21/12/2023 | FRANCE | N°21MA04464

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 21 décembre 2023, 21MA04464


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SAS EDEA a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période comprise entre le 1er avril 2015 et le 31 mars 2018, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2016 à 2018, de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts, ainsi que des majorations

correspondantes.



Par un jugement no 2007736 du 21 septembre 2021, le tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS EDEA a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période comprise entre le 1er avril 2015 et le 31 mars 2018, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2016 à 2018, de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement no 2007736 du 21 septembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 novembre 2021 et le 7 septembre 2023, la SAS EDEA, représentée par la SELARL Sense avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 septembre 2021 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et des majorations en litige ;

3°) de mettre les dépens à la charge de l'État, ainsi que la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration a manqué à son devoir de loyauté en refusant de proroger le délai pour présenter ses observations sur la proposition de rectification concernant la taxe sur la valeur ajoutée ;

- les dépenses visées au 5. de l'article 39 du code général des impôts ne sont pas excessives et ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise ;

- elle peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des doctrines référencées BOI-BIC-CHG-40-60-30, nos 30 et 50, 12-09-2012, et BOI-BIC-CHG-10-20-20, n° 50, 19-05-2014 ;

- les biens et services correspondants ont été utilisés pour les besoins des opérations imposables à la taxe sur la valeur ajoutée, au sens du 1. du II. de l'article 271 du code général des impôts ;

- les conditions prévues par le c) de l'article 111 du code général des impôts ne sont pas remplies ;

- l'amende infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts est infondée en conséquence de ce qui précède.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 11 juillet 2022 et le 21 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS EDEA ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Mérenne,

- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,

- et les observations de Me Valli, représentant La SAS EDEA.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS EDEA, qui propose à ses clients la conception, la réalisation et l'entretien d'espaces verts, ainsi que des travaux forestiers, de terrassement et de génie civil, a fait l'objet de deux vérifications de comptabilité au terme desquelles l'administration fiscale lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période comprise entre le 1er avril 2015 et le 31 mars 2018, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos le 31 mars 2016, le 31 mars 2017 et le 31 mars 2018, une amende infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts, ainsi que les majorations correspondantes. La SAS EDEA fait appel du jugement du 21 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur la régularité de la procédure suivie :

2. L'article L. 57 du livre des procédures fiscales prévoit que : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai [de trente jours] mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours. "

3. L'administration fiscale a conduit, entre le 18 septembre 2018 et le 12 mars 2019, une première vérification de la comptabilité de la société EDEA portant sur la taxe sur la valeur ajoutée pour la période comprise entre le 1er avril 2014 et le 31 janvier 2018. A l'issue de ce contrôle, elle a adressé à la société le 15 mars 2019 une première proposition de rectification portant sur cet impôt suivant la procédure contradictoire. Cette proposition de rectification indique que la société dispose d'un délai de trente jours pour adresser ses observations, faire part de son acceptation ou demander une prorogation d'un délai supplémentaire de trente jours. L'administration fiscale a également conduit, entre le 12 mars 2019 et le 26 mars 2019, une seconde vérification de la comptabilité portant sur l'impôt sur les sociétés pour la période comprise entre le 1er avril 2015 et le 31 mars 2018 à l'issue de laquelle une seconde proposition de rectification portant sur cet impôt a également été notifiée contradictoirement à la société. Ces deux procédures, que l'administration pouvait régulièrement réaliser au cours d'une période concomitante, n'ont pas constitué une manœuvre de sa part. Contrairement à ce que soutient la société EDEA, l'administration fiscale, qui lui a clairement indiqué le délai pour présenter ses observations ou demander une prorogation lors de la notification de la première proposition de rectification en matière de taxe sur la valeur ajoutée, n'avait pas à fournir des conseils ou des informations supplémentaires à ce sujet. La circonstance que la société ait cru pouvoir présenter tardivement une demande de prorogation de délai relative à cette première procédure, à l'expiration du délai imparti par la seconde proposition de rectification afférente à l'impôt sur les sociétés, ne résulte pas du fait de l'administration. Celle-ci a pu rejeter à bon droit cette demande comme tardive, en application des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales citées au point 2. Ce faisant, l'administration n'a ni induit la contribuable en erreur sur le délai imparti, ni méconnu, en tout état de cause, son devoir de loyauté.

Sur l'impôt sur les sociétés :

4. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu du I de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) / 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : / (...) e. Les cadeaux de toute nature, à l'exception des objets de faible valeur conçus spécialement pour la publicité ; / (...) Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise (...) ". Il résulte de ces dispositions que les dépenses de cadeaux sont en principe déductibles. Il en va cependant autrement si l'entreprise ne justifie pas de l'intérêt direct que présente, pour son activité présente ou future, l'entretien de bonnes relations avec les bénéficiaires des cadeaux ou si l'administration établit que le montant d'une dépense est excessif au regard de l'intérêt que le bénéficiaire du cadeau présente pour l'entreprise. Il en va de même pour les frais de voyage et de déplacements exposés par les personnes les mieux rémunérées de l'entreprise, visés au b) du 5. du même article.

5. L'administration a réintégré au bénéfice imposable de la société, au titre des exercices clos en 2016, 2017 et 2018 des charges correspondant notamment à des voyages et à des forfaits pour assister à des manifestations sportives, que la société présente comme des cadeaux destinés à des clients et des voyages d'affaires du dirigeant. La société requérante insiste sur l'importance que revêt cette politique dans le cadre de ses relations commerciales. Cependant, pour étayer ses affirmations, elle se borne à produire un tableau, établi par ses soins, désignant les personnes invitées aux différents évènements et les entreprises auxquelles elles appartiennent. Ce faisant, elle n'apporte pas d'éléments suffisamment précis et circonstanciés pour établir concrètement en quoi ces dépenses auraient contribué à sa politique commerciale. La baisse du chiffre d'affaires constatée au titre de l'exercice clos en 2020, que la société impute à l'arrêt de ces pratiques, ne constitue pas davantage un tel élément circonstancié pour justifier les dépenses en litige, comptabilisées au titre des exercices clos en 2016, 2017 et 2018. Par suite, la société requérante n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce que ces dépenses auraient été effectuées dans l'intérêt direct de l'entreprise. L'administration fiscale était fondée à remettre en cause la déduction de ces charges, sans qu'il lui ait été nécessaire d'établir également leur caractère exagéré.

6. Enfin, la SAS EDEA n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales des énonciations de la doctrine administrative référencée BOI-BIC-CHG-40-60-30, nos 30 et 50, et BOI-BIC-CHG-10-20-20, no 50, qui ne comportent pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application ci-dessus.

Sur la taxe sur la valeur ajoutée :

7. Ainsi que l'a déjà jugé le tribunal administratif, il résulte des articles 206 et 28-00A de l'annexe II du code général des impôts que la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé le prix d'acquisition d'un bien ensuite cédé sans rémunération, par exemple à titre de cadeau, n'est pas déductible lorsque la valeur de ce bien excède 60 euros. Il n'est pas contesté que la valeur des cadeaux en cause, qui ne relèvent pas des frais généraux, excède largement la valeur de 60 euros. L'administration fiscale était dès lors fondée à remettre en cause la déduction des sommes en litige au titre de la taxe sur la valeur ajoutée.

Sur l'amende :

8. L'administration après avoir interrogé en vain la SAS EDEA le 19 avril 2019 sur l'identité des bénéficiaires des distributions non identifiables, sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts, lui a infligé une amende déterminée en fonction de cet excédent sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts. La société requérante conteste l'existence d'un excédent de distribution par voie de conséquence de ses moyens relatifs au bien-fondé des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 6 que ce moyen doit être écarté.

9. Enfin, si la SAS EDEA fait valoir que les conditions prévues au c) de l'article 111 du code général des impôts ne sont pas remplies pour considérer les avantages accordés à son dirigeant et à son épouse comme des distributions occultes, ces dispositions, relatives à l'imposition des bénéficiaires de ces avantages, sont étrangères à l'amende infligée à la société. Le moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant.

10. Il résulte de ce qui précède que la SAS EDEA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS EDEA est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS EDEA et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée pour information à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président-assesseur,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

2

No21MA04464


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04464
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-01 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Liquidation de la taxe. - Déductions. - Biens ou services ouvrant droit à déduction.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : ASA - SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;21ma04464 ?
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