Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 7 février 2020 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Nouvelle-Aquitaine l'a déchargé de ses fonctions à titre conservatoire et a changé son affectation, d'annuler la décision du 27 février 2020 par laquelle le directeur de la DIRECCTE de Nouvelle-Aquitaine l'a informé de sa nouvelle affectation et d'annuler l'arrêté du 2 avril 2020 de la ministre du travail l'affectant au poste de responsable sectoriel au pôle 3 E à compter du 1er avril 2020.
Par un jugement n° 2003949 du 3 février 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 7 février 2020 en tant qu'elle avait déchargé M. A... de ses fonctions à titre conservatoire et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 mars 2022, 31 mars 2023 et 31 juillet 2023, M. B... A..., représenté par le cabinet Teissonniere, Topaloff, Lafforgue, Andreu et Associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 février 2022 n° 2003949 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) d'annuler en totalité la décision du 7 février 2020, ainsi que les décisions des 27 février 2020 et 2 avril 2020 ;
3°) d'enjoindre au ministre du travail de le réintégrer au poste de responsable du pôle travail chargé de la direction de l'unité de contrôle de la DDETSPP de la Dordogne ; à défaut, de lui proposer un poste comportant un niveau de responsabilité au moins équivalent ; d'assortir son injonction d'une astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
- le tribunal a, s'agissant de la décision du 7 février 2020 le déchargeant de ses fonctions, omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'incompétence de son auteur ;
- il a, s'agissant des décisions du 7 février 2020 et du 27 février 2020, omis de se prononcer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 qui prévoit la communication préalable du dossier à l'agent faisant l'objet d'une mesure prise en considération de la personne ;
- le tribunal a jugé à tort que les demandes d'annulation des décisions des 7 février 2020 et 27 février 2020 étaient irrecevables au motif que ces dernières n'étaient pas des actes décisoires ; ces actes n'étaient pas purement informatifs dès lors qu'ils énonçaient de manière certaine la mutation de M. A... sur un autre poste ;
- le tribunal a entaché son jugement d'une contradiction de motifs en annulant la décision du 7 février 2020 en ce qu'elle le déchargeait de ses fonctions à titre provisoire tout en estimant que cette décision ne lui faisait pas grief en tant qu'elle prononçait son affectation sur un autre poste ; les dispositions contenues dans la décision du 7 février 2020 n'étaient pas divisibles, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges ;
- le tribunal ne pouvait rejeter comme irrecevable pour tardiveté la demande d'annulation de l'arrêté du 2 avril 2020, qui ne constitue pas une mesure d'ordre intérieur, dès lors que l'annulation de cette décision aurait dû être prononcée par voie de conséquence de celle de la décision du 7 février 2020 qui constitue l'acte ayant déterminé le changement d'affectation en litige ; de plus, la décision du 2 avril 2020 prononce une nomination pour ordre, ce qui la rend inexistante et fait obstacle à toute forclusion.
En ce qui concerne le fond :
- l'arrêté ministériel du 2 avril 2020 a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que la commission administrative paritaire aurait dû être consultée préalablement ;
- l'arrêté du 2 avril 2020 doit être regardé comme inexistant dès lors qu'il constitue une nomination pour ordre prohibée par l'article 12 alinéa 3 de la loi du 13 juillet 1983 ;
- cette décision s'analyse en une sanction déguisée ; elle a affecté M. A... sur un poste comportant des responsabilités bien moindres que celles qu'il exerçait auparavant ; cette décision manifeste également la volonté de l'administration de le sanctionner ; l'administration a méconnu son obligation légale de protéger son agent.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2023, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.
Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
Par ordonnance du 5 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 7 août 2023 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- l'ordonnance n° 202-306 du 25 mars 2020 ;
- le décret n° 2018-1351 du 28 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Faïck,
- les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public,
- et les observations de Me Macouillard, substituant le cabinet Teissonniere, Topaloff, Lafforgue, Andreu et Associés, pour M. A....
Vu la note en délibéré enregistrée le 29 novembre 2023 présentée pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., directeur adjoint du travail, a été affecté le 28 août 2017 à l'unité départementale de la Dordogne de la direction régionale des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Nouvelle-Aquitaine en qualité de responsable du pôle travail. A la suite de la diffusion, le 12 août 2019, d'un tract syndical contestant les méthodes de management de M. A..., le directeur de l'unité départementale de la Dordogne a lancé, en novembre 2019, une enquête administrative. Les conclusions de cette enquête, selon lesquelles le service de M. A... connaissait d'importants dysfonctionnements à l'origine de souffrances au travail, ont été restituées à ce dernier le 6 février 2020. Le 7 février 2020, le directeur régional de la DIRECCTE a adressé à M. A... un courrier l'informant qu'il était déchargé temporairement de ses fonctions et qu'un nouveau poste lui serait proposé. Par un nouveau courrier du 27 février 2020, le directeur de la DIRECCTE a informé M. A... de sa future affectation sur un poste de directeur adjoint au service " accès et retour à l'emploi " de l'unité départementale de la Dordogne. Enfin, par un arrêté du 2 avril 2020, la ministre du travail a affecté M. A..., à compter du 1er avril 2020, sur un poste de responsable de l'unité de contrôle, responsable sectoriel en pôle 3E.
2. M. A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions des 7 et 27 février 2020, ainsi que l'arrêté ministériel du 2 avril 2020. Par un jugement du 2 février 2022, le tribunal a annulé la décision du 7 février 2020 en tant qu'elle déchargeait M. A... de ses fonctions à titre conservatoire et a rejeté, pour irrecevabilité, le surplus de la demande. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la lettre du 7 février 2020 qui prononçait selon lui son changement d'affectation, la lettre du 27 février 2020 et l'arrêté du 2 avril 2020.
Sur la régularité du jugement attaqué :
En ce qui concerne la lettre du 7 février 2020 :
3. Dans sa lettre du 7 février 2020, le directeur de la DIRECCTE Nouvelle-Aquitaine évoque l'existence de difficultés relationnelles importantes à l'origine de souffrances au sein du pôle travail de l'unité départementale de la Dordogne. Il précise que cette situation le conduit, dans l'intérêt du service, à décharger M. A..., à titre conservatoire, de ses missions de responsable du pôle. Par ailleurs, cette lettre informe M. A... de son affectation prochaine sur un nouveau poste dès publication d'un poste ayant des responsabilités et un grade, équivalents aux siens, et dans sa résidence administrative actuelle et qui fera l'objet d'un arrêté de mutation à établir par le bureau de la DRH ministérielle.
4. La lettre du 7 février 2020, en tant qu'elle décide de mettre fin à titre conservatoire aux fonctions exercées par M. A... en qualité de responsable de l'unité départementale, fait grief à ce dernier. Dès lors que les premiers juges ont annulé cette décision pour méconnaissance de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, relative aux droits et obligations des fonctionnaires, ils n'étaient pas tenus, en vertu du principe de l'économie des moyens, de se prononcer sur les autres moyens invoqués par M. A..., et notamment ceux tirés de l'incompétence et de l'absence de communication préalable de son dossier. Par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'une insuffisance de motivation.
5. La lettre du 7 février 2020, en tant qu'elle informe M. A... de ce qu'une nouvelle affectation lui sera proposée dès publication d'un avis de vacance d'un poste correspondant à son grade, constitue, comme l'a jugé à bon droit le tribunal, un acte purement informatif dépourvu par lui-même de caractère décisoire, et divisible de la décision prise par ailleurs de décharger l'intéressé de ses fonctions. Par suite, les premiers juges n'ont pas entaché leur décision d'irrégularité en rejetant comme irrecevables les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la lettre du 7 février 2020 en tant qu'elle l'informait qu'une nouvelle affectation lui serait proposée. Enfin, les règles de recevabilité des recours contentieux devant le juge administratif étant d'ordre public, le tribunal n'a pas commis d'irrégularité en soulevant d'office l'irrecevabilité des conclusions de M. A... dirigées contre la lettre du 7 février 2020, en tant qu'elle l'informait qu'une nouvelle affectation lui serait proposée, après avoir dûment invité ce dernier à présenter ses observations en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative.
6. Enfin, le moyen tiré de la contradiction de motifs, dont serait entaché le jugement attaqué, relève du bien-fondé de celui-ci et non de sa régularité. Au demeurant, il résulte de ce qui précède que la lettre du 7 février 2020 comporte deux objets distincts, de sorte que les premiers juges n'ont pas entaché leur décision d'une contradiction en rejetant comme irrecevables les conclusions dirigées contre la lettre en tant qu'elle informait M. A... qu'une nouvelle affectation lui serait proposée, puis en annulant la décision, contenue dans cette lettre, déchargeant l'intéressé de ses fonctions.
En ce qui concerne la lettre du 27 février 2020 :
7. La lettre du 27 février 2020 du directeur de la DIRECCTE Nouvelle-Aquitaine informe M. A... qu'il sera affecté sur le poste de directeur adjoint au service " accès et retour à l'emploi " au sein de l'unité départementale de la Dordogne et que le bureau gestionnaire du corps de l'inspection du travail du ministère des affaires sociales prendra un arrêté d'affectation en ce sens. Eu égard à ses termes, la lettre du 27 février 2020 constitue un acte purement informatif dépourvu, par lui-même, de caractère décisoire. Par suite, et alors que la nomination de M. A... sur son nouveau poste n'interviendra qu'avec l'arrêté ministériel du 2 avril 2020, les premiers juges n'ont pas entaché leur décision d'irrégularité en regardant la lettre du 27 février 2020 comme ne faisant pas grief à l'intéressé. Enfin, les règles de recevabilité des recours contentieux étant d'ordre public, les premiers juges n'ont pas davantage commis d'irrégularité en soulevant d'office l'irrecevabilité des conclusions de M. A... dirigées contre la lettre du 27 février 2020, après en avoir dûment informé les parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative.
En ce qui concerne l'arrêté ministériel du 2 avril 2020 :
8. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 2 avril 2020, qui comporte la mention des voies et délais de recours, a été notifié à M. A... par lettre recommandée avec accusé de réception le 9 avril suivant. En application des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, le délai de recours ouvert contre cette décision expirait le 10 juin 2020, soit durant l'état d'urgence sanitaire qui correspondait à la période du 12 mars 2020 au 23 juin 2020 définie à l'article 1er de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire. Aux termes de l'article 2 de la même ordonnance : " Tout (...) recours, action en justice (...) prescrit par la loi ou le règlement à peine de (...) forclusion (...) irrecevabilité (...) qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois (...) ". En application de ces dispositions, M. A... pouvait, sans encourir la tardiveté, contester son arrêté de nomination jusqu'au 23 août 2020. Il ressort des pièces du dossier qu'il a saisi le tribunal administratif de Bordeaux le 3 septembre 2020, soit au-delà du délai de recours contentieux ainsi prolongé.
9. Par ailleurs, l'arrêté en litige affecte M. A... à l'unité départementale de la Dordogne de la DIRECCTE Nouvelle-Aquitaine pour exercer des fonctions de responsable sectoriel en pôle 3E à compter du 1er avril 2020. Contrairement à ce que soutient le ministre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le poste sur lequel M. A... a été nommé aurait fait l'objet d'un avis de vacance dès lors qu'il ne figure pas sur la liste, produite au dossier, des postes ouverts sur la place de l'emploi public en application de l'article 1er du décret du 28 décembre 2018, relatif à l'obligation de publicité des emplois vacants sur un espace numérique commun aux trois fonctions publiques. Pour autant, l'absence de publication de l'avis de vacance ne suffit pas à établir que l'emploi sur lequel M. A... a été nommé n'existerait pas dès lors qu'une fiche de poste correspondant à cet emploi a été établie et qu'elle décrivait précisément les missions à exercer, à savoir la mise en œuvre de la politique de l'emploi pour les jeunes, le suivi des contrats aidés, l'animation du service public de l'emploi en liaison avec les entreprises et le pilotage du fonds social européen. Si M. A... n'a pas rejoint cette nouvelle affectation, c'est uniquement en raison de son placement en congé pour maladie. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige du 2 avril 2020 constituerait une nomination pour ordre, prohibée par les dispositions du 3ème alinéa de l'article 12 de la loi du 13 juillet 1983, frappée d'inexistence, et qu'il pouvait ainsi la contester sans condition de délai.
10. Enfin, l'arrêté de nomination du 2 avril 2020 ne constitue pas, eu égard à son objet, une mesure d'application de la décision du 7 février 2020 qui avait déchargé M. A... de ses fonctions dans l'intérêt du service. Il ne trouve pas davantage sa base légale dans cette décision. Par suite, M. A... ne peut utilement soutenir que l'annulation de la décision du 7 février 2020, prononcée par les premiers juges, entraînerait l'annulation par voie de conséquence de l'arrêté du 2 avril 2020, sans que puisse être opposée la tardiveté de ses conclusions dirigées contre ce dernier arrêté.
11. Il résulte de ce qui précède que les premiers juges n'ont pas entaché leur décision d'irrégularité en rejetant comme tardives les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 2 avril 2020.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté le surplus de ses demandes.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais d'instance :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées par M. A... tendant à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, lui verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Ghislaine Markarian, présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
M. Julien Dufour, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.
Le rapporteur,
Frédéric Faïck
La présidente,
Ghislaine Markarian
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 22BX00938 2