Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 18 février 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2102673 du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2022, Mme A..., représentée par Me Bautès, demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler l'arrêté du 18 février 2021 du préfet de l'Hérault ;
4°) d'ordonner au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir au besoin sous astreinte ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 contre renonciation à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ou, à défaut, à lui verser la même somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de la filiation de son enfant de nationalité française ;
- le refus de lui délivrer un titre de séjour porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 17 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Chabert, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., de nationalité camerounaise née le 5 septembre 1985, a sollicité le 5 novembre 2020 son admission exceptionnelle au séjour en qualité de parent d'enfant français auprès des services de la préfecture de l'Hérault. Par un arrêté du 18 février 2021, le préfet de l'Hérault a refusé de faire droit à cette demande. Mme A... fait appel du jugement du 11 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 17 février 2023. Dès lors, ses conclusions tendant à ce que soit prononcée son admission provisoire à l'aide juridictionnelle ne peuvent qu'être rejetées.
Sur la décision portant refus de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable au présent litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. (...) ". L'article 316 du code civil dispose que : " Lorsque la filiation n'est pas établie dans les conditions prévues à la section I du présent chapitre, elle peut l'être par une reconnaissance de paternité ou de maternité, faite avant ou après la naissance. / La reconnaissance n'établit la filiation qu'à l'égard de son auteur. / (...) ". Aux termes de l'article 371-2 du même code : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. / Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur. ".
4. Il résulte des dispositions précitées que l'étranger qui sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au motif qu'il est parent d'un enfant français, doit justifier, outre de sa contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, de celle de l'autre parent, de nationalité française, lorsque la filiation à l'égard de celui-ci a été établie par reconnaissance en application de l'article 316 du code civil. Le premier alinéa de l'article L. 371-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que cette condition de contribution de l'autre parent doit être regardée comme remplie dès lors qu'est rapportée la preuve de sa contribution effective ou qu'est produite une décision de justice relative à celle-ci.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a donné naissance en France le 9 août 2020 à une enfant née de sa relation avec un ressortissant français avec lequel elle avait conclu un pacte civil de solidarité le 12 décembre 2019 et dont la filiation avec ce dernier est établie en application des dispositions de l'article 316 du code civil précitées. Si l'appelante soutient que le père de sa fille contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant, il ressort des pièces versées par l'intéressée qu'elle a quitté son conjoint selon ses déclarations alors qu'elle était enceinte de huit mois suite à des violences " verbales, physiques et financières " en versant au soutien de ses propos deux mains courantes des 12 mai 2020 et 29 août 2020, et que leur pacte civil de solidarité a été dissout le 25 septembre 2020. Par ailleurs, si Mme A... produit un certain nombre de pièces à l'appui de ses allégations telles que des factures, courriers administratifs ou de nombreuses pièces médicales, ces dernières permettent seulement d'établir que l'appelante contribue effectivement à l'éducation de sa fille depuis sa naissance. Toutefois, les éléments versés au soutien de l'argumentation tenant à la contribution du père de l'enfant à son entretien et son éducation, sont composés d'un jugement du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Montpellier du 9 décembre 2021 et de diverses captures d'écran justifiant de plusieurs virements effectués par ce dernier postérieurement à la date de la décision attaquée, et par voie de conséquence sans incidence sur sa légalité. Si l'intéressée déclare par ailleurs que son ex-compagnon sera prochainement cité devant un tribunal correctionnel compte tenu du manquement aux obligations fixées par jugement du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Montpellier précité, cette circonstance est également postérieure à la date de la décision attaquée. Enfin, si Mme A... produit cinq photographies non datées de son ex-partenaire avec sa fille, ces seuls éléments ne suffisent pas à établir que ce dernier contribue à son entretien et à son éducation. Dans ces conditions, le préfet de l'Hérault n'a pas méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à Mme A... un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français.
6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. D'une part, Mme A... soutient qu'elle est entrée en France le 1er mai 2019, où elle réside habituellement et y est particulièrement bien intégrée. Toutefois, l'appelante, qui verse un certain nombre de pièces au dossier composées majoritairement de témoignages, de courriers administratifs, de pièces d'ordre médical ou de diverses factures, n'établit pas sa date d'entrée sur le territoire français et ne justifie d'aucune insertion sociale ou professionnelle particulière en France. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a résidé en France moins de deux ans avant la date de la décision attaquée.
8. D'autre part, Mme A... fait valoir que sa vie privée et familiale se caractérise en France par la présence sur ce territoire de sa fille née d'un père ressortissant français pour laquelle elle contribue effectivement à l'éducation depuis sa naissance. Cependant, ainsi qu'il a été dit au point 5, Mme A..., qui est séparée du père de sa fille, n'établit pas qu'il participerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant. Par ailleurs, elle ne justifie pas être dénuée d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu la majeure partie de sa vie et où résident sa mère, ses frères et sœurs ainsi que ses deux enfants. Dans ces conditions, aucune circonstance ne fait obstacle à la reconstitution de sa cellule familiale dans un autre pays que la France, notamment son pays d'origine. Par suite, le refus opposé par le préfet de l'Hérault à sa demande de titre de séjour ne peut être regardé comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 18 février 2021.
Sur les frais liés au litige :
10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Georgia Bautès et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, où siégeaient :
- M. Chabert, président de chambre,
- M. Haïli, président assesseur,
- M. Jazeron, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.
Le président-rapporteur,
D. Chabert
Le président-assesseur,
X. HaïliLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et de l'outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22TL22351