Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune de Clichy-la-Garenne à lui verser la somme totale de 200 135 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa radiation des cadres pour abandon de poste survenue le 5 septembre 2014 et d'enjoindre à la commune de la réintégrer et de reconstituer sa carrière à compter du 5 septembre 2014.
Par un jugement n° 1905429 du 24 mars 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 mai 2022, Mme B..., représentée par Me Kerros, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la commune de Clichy-la-Garenne à lui verser la somme totale de 200 135 euros ;
3°) d'enjoindre à la commune de la réintégrer et de reconstituer sa carrière à compter du 5 septembre 2014 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision implicite rejetant sa réclamation indemnitaire n'est pas motivée ;
- la décision de licenciement pour abandon de poste du 5 septembre 2014 est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle se trouvait sous curatelle renforcée et n'était pas en mesure d'apprécier la portée des mises en demeure qui lui ont été adressées ;
- l'abandon de poste n'est par ailleurs pas caractérisé ; il n'est pas établi en effet que la mise en demeure du 13 août 2014 lui a été régulièrement notifiée alors que seul l'avis de dépôt d'envoi a été produit par l'administration ; la prolongation de son arrêt de travail du 15 juillet 2014 au 15 octobre 2014 avait par ailleurs été déposée par l'agent le 4 septembre 2014 et non le 10 septembre 2014 ; en outre, la transmission tardive de certificats médicaux par un agent en congé maladie en vue de justifier son absence ne constitue pas un abandon de poste ;
- la décision est par suite illégale et constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ; par ailleurs, il y a lieu d'enjoindre à la commune de la réintégrer et de reconstituer sa carrière ;
- elle a subi les préjudices suivants : 135 135 euros en raison de sa perte de salaire, 15 000 euros du fait des troubles dans ses conditions d'existence et 50 000 euros au titre du préjudice moral.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2023, la commune de Clichy-la-Garenne, représentée par Me Lacoste, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en faisant valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 7 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florent,
- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lacoste pour la commune de Clichy-la-Garenne, Mme B... n'étant ni présente ni représentée.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., assistante socio-éducative titulaire employée par la commune de Clichy-la-Garenne, a été placée de manière continue en arrêt maladie à compter du 27 mai 2013, après deux congés de longue durée pour dépression entre octobre 2007 et février 2009 puis entre juillet 2010 et juillet 2012. Le 22 novembre 2013, elle a par ailleurs été placée sous curatelle renforcée pour une durée de deux ans. A la demande de la commune sur l'éventualité d'une mise à la retraite d'office pour invalidité, un médecin agréé puis le comité médical, respectivement les 24 octobre 2013 et 15 avril 2014, se sont prononcés en faveur de l'aptitude de l'intéressée à occuper ses fonctions. Par un courrier reçu le 22 mai 2014, la commune a transmis à Mme B... l'avis du comité médical, l'a informée qu'elle l'estimait apte à occuper ses fonctions et l'a mise en demeure de reprendre ses fonctions le lendemain, sous peine d'une suspension de son traitement et de l'engagement d'une procédure de radiation des cadres pour abandon de poste. Ce courrier n'ayant été suivi d'aucun effet, elle a été radiée des cadres par un arrêté du 4 juin 2014, qui a été retiré le 19 juin à la suite de la production d'un arrêt de travail. Mme B... a alors été informée que ce retrait constituait une mesure de faveur et a été mise en demeure de reprendre ses fonctions le 16 juillet 2014, lendemain de la fin de cet arrêt de travail, sous peine de radiation des cadres pour abandon de poste. Le 13 août 2014, en raison de l'absence non justifiée de l'intéressée depuis le 16 juillet précédent, elle a de nouveau été mise en demeure de produire un justificatif ou de reprendre ses fonctions dans un délai de quarante-huit heures. Elle n'a pas donné suite à ce courrier, de sorte qu'elle a été radiée des cadres pour abandon de poste le 5 septembre 2014. A la suite d'une réclamation préalable du 31 décembre 2018 restée sans réponse, Mme B... a sollicité du tribunal administratif de Cergy-Pontoise la condamnation de la commune de Clichy-la-Garenne à lui verser la somme totale de 200 135 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son éviction illégale et qu'il soit fait injonction à la commune de la réintégrer et de reconstituer sa carrière à compter du 5 septembre 2014. Par la présente requête, Mme B... relève appel du jugement du 24 mars 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, le refus implicite opposé à la réclamation du 31 décembre 2018 avait pour seul objet de lier le contentieux indemnitaire, de sorte qu'il ne saurait être utilement contesté pour ses vices propres. Le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision ne peut, par suite, qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention de reprendre son service avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester une telle intention, l'administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.
4. Mme B... fait valoir que la commune a commis une faute dès lors qu'à la date de la décision de radiation des cadres pour abandon de poste du 5 septembre 2014, elle se trouvait sous curatelle renforcée et était incapable d'apprécier la portée des mises en demeure qu'elle avait reçues. La requérante soutient également que la preuve de la notification de la mise en demeure du 13 août 2014 n'est pas rapportée et qu'elle avait produit le 4 septembre 2014 un arrêt de travail pour la période du 15 juillet 2014 au 15 octobre 2014.
5. D'une part toutefois, il résulte de l'instruction que la mise en demeure du 19 juin 2014, comme celle du 13 août 2014, ont été régulièrement notifiées à l'intéressée, Mme B... n'ayant notamment pas réclamé ce dernier courrier dont elle avait été avisée de la mise en instance le 20 août 2014. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, Mme B... a été déclarée apte au travail par le comité médical le 15 avril 2014, postérieurement au jugement du 22 novembre 2013 décidant son placement sous curatelle renforcée et précisant au demeurant que l'état psychique de cette dernière était à cette date stabilisé. Par suite, à compter du 15 avril 2014, les arrêts de travail de l'intéressée n'étaient plus justifiés et la commune pouvait valablement engager une procédure de radiation des cadres, sauf preuve d'une circonstance nouvelle rapportée par l'agent. Or en l'espèce, les nouveaux arrêts de travail de son psychiatre produits par Mme B..., qui n'a jamais repris ses fonctions en 2014, se bornent à indiquer que l'intéressée est arrêtée, comme précédemment, pour dépression, sans faire état d'éléments nouveaux. Si Mme B... produit par ailleurs un certificat médical de ce même médecin indiquant que " l'état de santé de Mme B... ne lui permettait pas de veiller à ses affaires ordinaires de juillet à octobre 2014 ", période durant laquelle " elle était arrêtée pour dépression et prenait beaucoup de médicaments ", celui-ci, rédigé presque six mois après les faits, est insuffisamment circonstancié pour considérer que l'état de santé de la requérante aurait connu durant cette période une aggravation particulière de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le comité médical quelques mois auparavant ou à considérer que l'état de santé de Mme B... ne lui permettait pas d'apprécier la portée des mises en demeure qui lui étaient adressées. Le fait en outre que la commune de Clichy-la-Garenne a accepté, à titre gracieux, de retirer le premier arrêté de radiation des cadres pris à son encontre le 4 juin 2014 ne saurait davantage être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme révélant une aggravation de l'état de santé de la requérante. Enfin, Mme B... n'établit pas qu'elle aurait communiqué à la commune son arrêt de travail la veille de sa radiation des cadres comme elle l'allègue. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la commune de Clichy-la-Garenne a commis une faute en procédant à sa radiation des cadres pour abandon de poste. Ses conclusions indemnitaires doivent par suite être rejetées.
6. En dernier lieu, les conclusions de Mme B... tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Clichy-la-Garenne de la réintégrer et de reconstituer sa carrière, qui ne sont pas accessoires à des conclusions à fin d'annulation mais tendent à titre principal au prononcé d'une injonction, sont irrecevables.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Sur les frais relatifs à l'instance d'appel :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise sur leur fondement à la charge de la commune de Clichy-la-Garenne, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance. Par ailleurs il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de Mme B... sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Clichy-la-Garenne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié Mme A... B... et à la commune de Clichy-la-Garenne.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.
La rapporteure,
J. FLORENTLe président,
P-L. ALBERTINILa greffière,
S. DIABOUGA
La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 22VE01298