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21/12/2023 | FRANCE | N°23BX01997

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 21 décembre 2023, 23BX01997


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 novembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixé le pays de renvoi en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement et a interdit son retour sur le territoire pendant une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2201096

du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.





Procédure devan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 novembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixé le pays de renvoi en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement et a interdit son retour sur le territoire pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2201096 du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2023, M. C... B..., représenté par Me Da Ros, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 25 mai 2022 ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder à l'effacement de l'interdiction de retour ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour mention "vie privée et familiale" ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son avocate en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré du défaut d'examen particulier par le préfet de son activité salariée ;

- le tribunal n'a pas exposé les motifs pour lesquels les preuves de sa résidence habituelle en France depuis plus de dix étaient insuffisantes ;

- dès lors qu'il réside habituellement en France depuis plus de dix ans, la commission du titre de séjour aurait dû être saisie ;

- le tribunal ne pouvait à la fois adopter la motivation de la cour d'appel, dans une précédente décision, sur la période comprise entre 2006 et 2011, et s'en écarter sur la période postérieure, sans méconnaître l'autorité de chose jugée ;

- en estimant qu'il ne résidait en France que depuis le 12 septembre 2015, le préfet a entaché sa décision d'une erreur de fait ;

- la préfète de la Gironde n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation au regard de son activité salariée ;

- la préfète de la Gironde a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de régulariser sa situation au regard de son activité salariée ;

- le refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de séjour ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'interdiction de retour est fondée sur une mesure d'éloignement illégale ;

- la durée de l'interdiction de retour est disproportionnée et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- du fait de ses origines kurdes, il est confronté en Turquie à la discrimination et aux persécutions de la part des autorités turques.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 6 novembre 2023 par une ordonnance en date du 4 octobre 2023.

M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 28 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :

- le rapport de M. A...,

- et les observations de Me Da Ros, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant turc né le 9 septembre 1984, déclare être entré en France en 2006 afin d'y solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée le 6 juin 2006 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dont la décision a été confirmée le 12 décembre suivant par la Cour nationale du droit d'asile. Le requérant a fait l'objet de mesures d'éloignement respectivement les 6 février et 15 octobre 2007 ainsi que le 11 avril 2011. Le 17 janvier 2013, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement des articles L. 313-14 et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 2 septembre 2013, le préfet de la Gironde a opposé à l'intéressé un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. M. B... a déposé en 2015 une nouvelle demande d'asile, rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 2 mai 2017. Il a fait l'objet le 11 février 2019 d'un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par la juridiction administrative mais qu'il n'a pas exécuté. Le 12 octobre 2020, M. B... a demandé la délivrance d'un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale et de l'admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 17 novembre 2021 dont M. B... a demandé l'annulation au tribunal administratif de Bordeaux, la préfète de la Gironde lui a opposé un nouveau refus et a prononcé à son encontre une mesure d'éloignement assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 25 mai 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. ".

3. Pour écarter le moyen tiré de ce que M. B... justifiait résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le tribunal a estimé que les pièces produites étaient insuffisantes au titre des années 2012 et 2015, en énumérant les documents figurant au dossier au titre de ces années. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé.

4. L'autorité relative de chose jugée dont est revêtu l'arrêt définitif de rejet de la Cour n° 19BX04347 en date du 11 juin 2020, lequel n'affirme pas, au demeurant, que M. B... résidait habituellement en France en 2012, ne faisait pas obstacle à ce que le tribunal estime cette condition non remplie pour écarter la requête qui, dirigée contre l'arrêté du 17 novembre 2021, avait un objet distinct du litige dont était saisie la cour d'appel, relatif à l'arrêté du 11 février 2019.

5. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative doit d'abord vérifier si des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifient la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale", ensuite, en cas de motifs exceptionnels, si la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" est envisageable. Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont examiné si des motifs exceptionnels justifiait la délivrance à M. B... d'un titre de séjour en tant que salarié sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au regard de la promesse d'embauche dont il se prévalait et de son expérience professionnelle. Ainsi, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement sur ce point doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité de la décision de refus de séjour :

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que postérieurement à l'obligation de quitter le territoire du 11 avril 2011, M. B... a été condamné le 6 juin 2011, en sa présence, par le tribunal correctionnel de Pau pour des faits de faux et usage de faux commis en mars de la même année. En outre, il a été admis au bénéfice de l'aide médicale d'Etat le 16 juin 2011. Pour justifier de sa résidence habituelle en France au cours de l'année 2011, il produit également des bulletins de salaire des mois de mars à mai 2011, un récépissé de demande d'aide médicale d'Etat du 11 août 2011, un récépissé de remise de son passeport du 6 septembre 2011, ainsi qu'une déclaration de mise en opposition de formules de chèques, de virement et de cartes liées à un compte courant postal, en date du 25 novembre 2011. M. B... établit ensuite sa présence en France à compter du mois d'octobre 2012. En revanche, les deux documents produits entre novembre 2011 et octobre 2012, un certificat médical du 7 mars 2012, et une ordonnance du 26 mars 2012 sont insuffisamment probants pour démontrer la présence habituelle de l'intéressé sur le territoire. Compte tenu de cette interruption de presqu'une année, M. B... ne peut être regardé comme résidant habituellement sur le territoire depuis plus de dix ans. Dès lors, le moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour doit être écarté.

7. En deuxième lieu, en relevant que " M. B... est entré irrégulièrement en France pour la dernière fois le 12 septembre 2015 afin de solliciter le bénéfice de l'asile pour la seconde fois " et que " l'intéressé réside depuis, pour la dernière fois, le 12 septembre 2015, sur le territoire français ", alors qu'il ressort des écritures mêmes du requérant qu'il est retourné en Turquie au cours de l'année 2015 avant de renouveler sa demande d'asile en France, la préfète de la Gironde n'a pas commis d'erreur de fait.

8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment des termes de l'arrêté attaqué, que la préfète de la Gironde, qui a tenu compte de la promesse d'embauche produite par M. B... en qualité de carreleur, chapiste, solier moquetteur, parqueteur, et de l'ancienneté de travail, des diplômes et de l'expérience de l'intéressé dans cette activité, ainsi que d'autres éléments de sa situation personnelle, telle sa durée de séjour en France a procédé à un examen particulier de sa situation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant que ces dispositions prévoient l'admission exceptionnelle au séjour des étrangers au titre d'une activité salariée. La préfète de la Gironde n'avait pas à faire apparaître, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles elle estimait ne pas être tenue de saisir la commission du titre de séjour de la situation de M. B....

9. En quatrième lieu, si M. B... justifie avoir vécu en France à plusieurs reprises, il n'établit avoir exercé une activité professionnelle qu'entre mars et mai 2011 puis entre mai et mars 2019, en tant que carreleur. Il ne joint notamment aucune déclaration de revenus à l'administration fiscale sur l'ensemble de sa durée de séjour, à l'exception de celle effectuée au titre de l'année 2017, qui ne mentionne aucun revenu. Dans ces conditions, la préfète de la Gironde n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que M. B... ne faisait valoir aucun motif exceptionnel justifiant la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". M. B... se prévaut de sa durée de vie en France, de la présence à ses côtés depuis 2012 de son épouse et de ses enfants nés en 2004 et 2006, rejoints en 2015 par les deux enfants aînés du couple, nés en 2000 et 2002, puis par deux autres enfants nés en France en 2013 et 2016 et de leur scolarisation sur le territoire. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'épouse de M. B... et ses filles aînées sont en situation irrégulière, l'épouse et une de ses filles ayant fait l'objet de mesures d'éloignement dont la légalité a été confirmée par la juridiction administrative et aucun membre de la famille ne s'était vu délivrer, à la date de l'arrêté contesté, de titre de séjour. A l'exception des documents déjà mentionnés relatifs à son activité professionnelle, M. B... ne produit aucun élément de nature à établir l'existence d'autres attaches familiales ou privées sur le territoire, ni une particulière intégration. Dans ces conditions, le refus de séjour contesté ne peut être regardé, à la date à laquelle il a été pris, comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus qui lui ont été opposés. La préfète de la Gironde n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En sixième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Ainsi qu'il a été dit au point précédent, l'épouse de M. B... est également en situation irrégulière et l'appelant ne fait état d'aucune circonstance qui empêcherait la reconstitution de la cellule familiale en Turquie où les enfants mineurs pourront poursuivre leur scolarité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

12. Pour les mêmes motifs que ceux figurant aux points 10 et 11 de l'arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que la mesure d'éloignement aurait, pour M. B..., des conséquences d'une exceptionnelle gravité doit être écarté. En outre, contrairement à ce que soutient le requérant, aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoit la délivrance, de plein droit, d'un titre de séjour à l'étranger résidant habituellement en France depuis plus de dix ans.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant la Turquie comme pays de renvoi :

13. Le dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de ces dernières stipulations : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". M. B..., qui se borne à faire état d'éléments généraux sur la situation des kurdes en Turquie, n'établit pas être exposé à des risques personnels pour sa vie ou sa santé en cas de retour dans son pays d'origine.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

14. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de M. B... ne peut qu'être écarté.

15. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français ". Aux termes de son article L. 612-8 : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 (...), l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français ". Et aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ". Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour fixer la durée de l'une interdiction de retour prévue à l'article L. 612-6, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La motivation de la décision d'interdiction de retour doit attester de la prise en compte de l'ensemble de ces critères. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

16. L'arrêté attaqué vise les dispositions précitées et comporte des indications relatives aux critères énumérés par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'exception de la menace à l'ordre public, que la préfète de la Gironde n'a pas entendu retenir. Par suite, la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est suffisamment motivée.

17. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans sa durée la décision d'interdiction de retour. Si M. B... réside habituellement sur le territoire depuis 2012, et justifie de séjours en France depuis 2006, il a déjà fait l'objet de cinq mesures d'éloignement. En outre, ainsi qu'il a été dit, rien ne fait obstacle, à la date de l'arrêté contesté, à ce que la cellule familiale se reconstitue en Turquie, et le requérant ne fait pas état d'autres attaches sur le territoire. Ainsi, même s'il ne représente pas une menace pour l'ordre public, la préfète de la Gironde n'a pas commis d'erreur d'appréciation en interdisant son retour sur le territoire pendant deux ans, et cette interdiction ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles relatives aux frais de l'instance doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera transmise pour information au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

M. Julien Dufour, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.

Le rapporteur,

Julien A...

La présidente,

Ghislaine Markarian La greffière,

Catherine JussyLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23BX01997 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01997
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: M. Julien DUFOUR
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : DA ROS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;23bx01997 ?
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