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21/12/2023 | FRANCE | N°23VE00332

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 21 décembre 2023, 23VE00332


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Paris de l'admettre à titre provisoire à l'aide juridictionnelle, d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 3 janvier 2023 par lesquelles le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, d'enjoindre au pr

éfet des Hauts-de-Seine, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Paris de l'admettre à titre provisoire à l'aide juridictionnelle, d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 3 janvier 2023 par lesquelles le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et, en tout état de cause, de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 2300141/8 du 6 janvier 2023, cette requête a été transmise au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Par un jugement n° 2300216 du 17 janvier 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 février 2023, M. D..., représenté par Me Namigohar, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et, en tout état de cause, de procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article R. 511-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2023, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés et s'en remet à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs famille ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Houllier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant algérien né le 16 octobre 1991 et qui déclare être entré en France en septembre 2021, fait appel du jugement du 17 janvier 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 3 janvier 2023 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an.

Sur le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué :

2. L'arrêté attaqué a été signé par M. C..., adjoint au chef du bureau des examens spécialisés et de l'éloignement, qui a reçu délégation à cet effet, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme A..., directrice des migrations et de l'intégration, par arrêté

n° 2022-093 du 13 octobre 2022 régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs de l'État dans les Hauts-de-Seine du même jour. Par suite, dès lors qu'il n'est pas établi ni même allégué que Mme A... n'aurait été ni absente, ni empêchée, le moyen tiré de l'incompétence de M. C... doit être écarté.

Sur les autres moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, la décision attaquée, qui vise les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rappelle la situation administrative et personnelle de M. D..., notamment les conditions de son entrée en France et l'absence d'attaches personnelles dans ce pays. Par suite, la décision attaquée est suffisamment motivée et a été précédée d'un examen particulier de la situation de M. D....

4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Selon l'article 6 de l'accord-franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., qui déclare être entré en France en septembre 2021, à l'âge de vingt-neuf ans, est célibataire et sans charge de famille. S'il se prévaut de la présence en France de plusieurs oncles, tantes et cousins et de ses frères, ainsi que de son insertion professionnelle dès lors qu'il travaille comme serveur depuis mars 2022, il n'établit pas, par les pièces qu'il produit, son insertion sociale en France alors que l'un de ses frères, avec qui il réside, fait également l'objet d'une mesure d'éloignement et qu'il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans en Algérie, pays où il n'allègue pas être dépourvu de toute attache familiale. Par suite, c'est sans méconnaître les stipulations précitées, ni commettre d'erreur manifeste d'appréciation, que le préfet des Hauts-de-Seine a édicté la mesure d'éloignement litigieuse.

Sur les autres moyens dirigés contre la décision portant refus de délai de départ volontaire :

6. En premier lieu, la décision attaquée, qui vise les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fait référence à la situation particulière de M. D..., comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est, par suite, suffisamment motivée.

7. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

8. Enfin, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Selon l'article L. 612-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Enfin, en vertu de l'article

L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) ".

9. Il ressort de la décision attaquée que, pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire à M. D..., le préfet des Hauts-de-Seine s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé, entré irrégulièrement en France en septembre 2021, n'a jamais sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Si M. D... fait valoir que sa situation personnelle et professionnelle en France justifiait que le préfet lui accorde, à titre dérogatoire, un délai de départ volontaire, il résulte de ce qui a été exposé au point 5 que l'intéressé n'établit pas l'intensité de sa vie privée et familiale en France. Par suite, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet des Hauts-de-Seine a refusé d'accorder à M. D... un délai de départ volontaire sur le fondement des dispositions précitées.

Sur les autres moyens dirigés contre la décision fixant le pays de destination :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

11. En second lieu, si M. D... soutient que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'apporte aucun élément permettant d'apprécier le bien-fondé du moyen qu'il invoque.

Sur les autres moyens dirigés contre la décision portant interdiction de retour pendant une durée d'un an :

12. En premier lieu, la décision attaquée, qui vise les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que M. D... ne justifie d'aucune circonstance particulière eu égard à la durée de sa présence en France ou à sa situation personnelle, précisément rappelées, qui ferait obstacle à l'édiction d'une interdiction de retour pour une durée d'un an, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est, par suite, suffisamment motivée.

13. En deuxième lieu, les dispositions de l'article R. 511-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article R. 613-6, définissent les informations, figurant notamment à l'article R. 511-4 du même code, devenu l'article R. 711-1, qui doivent être communiquées à un étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français, en prévoyant que ces informations sont délivrées postérieurement au prononcé de l'interdiction de retour. Dès lors, l'éventuelle méconnaissance de ces dispositions est sans incidence sur la légalité de l'interdiction de retour qui s'apprécie à la date de son édiction. Le moyen tiré d'une méconnaissance de ces dispositions doit donc être écarté comme inopérant.

14. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.

15. En dernier lieu, si M. D... soutient que l'interdiction de retour prononcée à son encontre pour une durée d'un an méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée, pour cette raison, d'une erreur manifeste d'appréciation, il résulte de ce qui a été exposé au point 5 de cet arrêt que l'intéressé, célibataire et sans charges de famille en France, n'établit pas l'intensité de ses relations personnelles dans ce pays alors que l'un de ses frères est également visé par une mesure d'éloignement. Par suite, la décision attaquée ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est, en outre, pas entachée d'une erreur d'appréciation.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Houllier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

La rapporteure,

S. HoullierLa présidente,

C. Signerin-IcreLa greffière,

C. Fourteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE00332


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00332
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Sarah HOULLIER
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : NAMIGOHAR

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;23ve00332 ?
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